Langue française

Le Québec serait refermé sur lui-même

Les Québécois devraient «dialoguer» davantage avec les communautés non francophones du Canada, croit Dario Pagel

Fédération internationale des professeurs de français (FIPF)

L'«enfermement» des Québécois sur eux-mêmes et leur position défensive sur la langue française les coupent du reste du monde.
C'est du moins l'avis du président de la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF), Dario Pagel, en tournée au Québec en prévision de la tenue, du 21 au 25 juillet, du congrès de l'organisation.
Le professeur invité à l'Université Paris III, spécialiste des politiques du français, estime que les Québécois ont tendance à s'approprier la langue française. «Je voudrais bien que le Québec comprenne que la francophonie existe en dehors de ses murs. J'observe toujours le Québec sur la défensive de la langue française. Quand on se défend, on se ferme», analyse-t-il. Ainsi, les Québécois auraient selon lui intérêt à «dialoguer» davantage avec les communautés non francophones du Canada.
Cette mentalité «insulaire» dans l'ensemble anglo-saxon nord-américain nuit au rayonnement du Québec, croit M. Pagel. «Aujourd'hui, le français ne court aucun danger au Québec. Au contraire, il faut qu'il s'exporte, que la langue française sorte du Québec, que le Québec voie que la langue française est partout. On est toujours sur la défensive de la pureté de la langue, mais les langues sont vivantes», poursuit M. Pagel.
Pour ce spécialiste, le Québec est un grand méconnu de la francophonie, sauf pour quelques percées récentes en Amérique latine. «Toute la richesse culturelle francophone du Québec, littéraire ou autre, n'est pas assez connue à l'étranger. Il y a des promotions à faire», constate-t-il.
Sur le thème «Faire vivre les identités francophones», le Congrès vise précisément une meilleure reconnaissance de la diversité des identités francophones, alors que la culture française est souvent prépondérante dans l'enseignement du français.
Le président de la FIPF espère que les quelque 1500 enseignants du français, comme langue maternelle, seconde ou étrangère, repartiront dans leurs 152 pays et territoires respectifs avec des arguments pour faire progresser l'enseignement du français, qui fait les frais d'une «crise des systèmes éducatifs».
«Les langues étrangères, dans toute structure éducative, sont toujours les cousines pauvres. C'est très intéressant, mais pas important. On se contente d'enseigner un anglais nommé "globish", un anglais d'aéroport. [...] Il faut que nous développions des projets de valorisation de la langue française dans les systèmes éducatifs. On s'adresse souvent à l'élite, mais elle n'a pas besoin de promotion, c'est un public acquis. Il faut qu'on s'adresse à la masse», explique M. Pagel.
Il note un recul de l'enseignement du français comme langue étrangère, particulièrement en Europe. Cela se répercute jusque dans des institutions politiques. «Je vois des parlementaires francophones [au Parlement européen] qui publient leurs notes parlementaires en anglais et non en français pour faire des économies, éviter les traductions», ajoute M. Pagel.
Au-delà de leur rôle de formateur, les professeurs de français ont, selon lui, un certain rôle politique à jouer pour faire rayonner le français, favoriser l'enseignement des langues étrangères dans les systèmes scolaires. Pour bien assumer cette responsabilité, leurs associations respectives doivent se montrer plus professionnelles pour convaincre les autorités locales. «Les débats lors du congrès vont concerner cet argumentaire pour les langues étrangères et le français. Il faut rendre le français attractif, sans tomber dans l'extrême de l'anglais et promouvoir un français utilitaire. [...] Le français est un vecteur de culture, d'idées, de pensée, une langue de philosophie et de grands penseurs. Ça, c'est le patrimoine de la langue française. Ce n'est pas l'économie mondiale», plaide M. Pagel.


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