Le Québec, nouvel Eldorado des cryptomineurs?

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Le bas coût en électricité attire les entreprises de « chaînes de blocs »

Poule aux oeufs d’or ou cadeau empoisonné ? L’électricité bon marché et la fraîcheur du climat ont fait du Québec une terre de prédilection pour les cryptomineurs. Mais face à leur afflux, les autorités de la Belle Province ont décidé de jouer la prudence.


Vue de l’extérieur, la « mine » ressemble à n’importe quel entrepôt, si ce n’est que les murs sont criblés de petits trous, permettant à l’air de passer pour rafraîchir de manière naturelle les milliers de processeurs.


C’est ici, dans une zone industrielle banale de Saint-Hyacinthe, à une heure de Montréal, que la société Bitfarms a lancé en novembre son quatrième et plus gros centre de calcul : 24 heures par jour et 7 jours par semaine, quelque 7000 ordinateurs y tournent, créant une chaleur électrique.


« Il faut s’assurer que les machines fonctionnent à plein potentiel », lance l’ingénieur ivoirien Yessoulou Coulibaly, en inspectant ce décor à la Matrice. Alignés sur des dizaines de mètres, les ordinateurs sont reliés par un enchevêtrement de câbles et projettent des lumières vertes clignotantes.


« On utilise notre puissance de calcul pour miner des bitcoins » et autres cryptomonnaies, résume Pierre-Luc Quimper, le propriétaire des lieux.



 On peut comparer ça à une compagnie d’exploitation minière traditionnelle qui mine son or et qui le vend, mais “2.0”.


— Pierre-Luc Quimper, fondateur de l’entreprise Bitfarms



Cet informaticien a créé l’entreprise Bitfarms l’an dernier, après avoir commencé à miner chez lui. Aujourd’hui, cette société québécoise se revendique leader nord-américain des cryptomonnaies et de la chaîne de blocs (blockchain), et est cotée aux Bourses de Tel-Aviv et de New York. Elle a gagné 4,9 millions de dollars américains dès ses deux premiers mois d’existence, en novembre-décembre, dispose déjà de 27,5 mégawatts (MW) — environ 19 000 ordinateurs — et son président vise au moins 100 MW d’ici la fin 2018.


« Une révolution » est en cours avec le déploiement de la chaîne de blocs, la technologie à l’origine des monnaies virtuelles comme le bitcoin, dit M. Quimper, dont l’ambition est carrément de faire du Québec « la Silicon Valley » de la blockchain.


« Des centaines » de demandes et de projets


Dans l’immédiat, la province est déjà vue comme un Eldorado potentiel pour les cryptomineurs de la planète.


Hydro-Québec a ainsi reçu « des centaines » de demandes pour de nouvelles mines depuis six mois, affirme à l’AFP son porte-parole Marc-Antoine Pouliot.


L’attrait pour le Québec s’explique par le fait qu’ici, « l’électricité est abordable, disponible et de surcroît verte », grâce aux gigantesques barrages du centre de la province, résume-t-il.


Des entrepreneurs de diverses nationalités, mais surtout venant de Chine et de Russie, ont déposé assez de projets pour consommer plus de 9000 MW en minant, soit le quart de la production totale d’Hydro-Québec et l’équivalent de la consommation de 83 % des ménages québécois.


« Ce volume massif de demandes a commencé en septembre dernier [avec] l’intervention politique en Chine » pour réguler ce secteur qui explose, relate M. Pouliot. La deuxième économie de la planète héberge, selon des estimations, plus de la moitié des centres de calculs dédiés à la chaîne de blocs.


Des moratoires dans plusieurs villes


Face à cette frénésie, plusieurs municipalités québécoises soucieuses à l’idée d’éventuelles ruptures d’alimentation électrique ont imposé en mars des moratoires sur les nouvelles usines de cryptomonnaies.


La première ville à le faire a été Bromont, inquiète qu’un projet de nouvelle mine virtuelle prévoie de consommer 30 MW sur les 36 MW dont la ville dispose en surplus.


La MRC de Brome-Missisquoi l’a rapidement imitée. « La plupart des demandes d’entreprises qu’on a eues sur notre territoire, c’était pour installer des entrepôts d’ordinateurs qui feraient simplement les calculs pour faire du minage de cryptomonnaies [avec] très peu de création d’emplois », justifie le directeur administratif de la MRC, Robert Desmarais.


Le gouvernement provincial et Hydro-Québec ont alors mis les nouveaux projets de mine virtuelle en suspens, le temps d’adopter une approche globale et de mesurer l’impact de cette industrie naissante sur l’économie réelle.


« C’est une industrie dont on ne connaît pas l’avenir », note Marc-Antoine Pouliot. Les autorités veulent « voir comment ces projets s’implantent durablement au Québec », dit le porte-parole d’Hydro-Québec, n’excluant pas de relever les tarifs d’électricité.


> La suite sur Le Devoir.



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