ANALYSE

Le Québec n’est ni la Grèce ni le Portugal

L’IRIS remet les pendules à l’heure: l’état de la dette n’a rien de dramatique

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La situation du Québec est même meilleure que celle du Canada

L’état de la dette publique québécoise présente encore trop de zones d’ombre compte tenu de l’importance qu’il revêt dans le débat politique actuel et se révèle, somme toute, bien moins alarmant que certains le prétendent, conclut l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS).

Québec ne sait pas quelle proportion de sa dette est détenue par des étrangers et ne tient pas le compte final de la part qui lui vient des déficits budgétaires et celle qui lui vient de ses investissements dans les infrastructures, rapporte le groupe de recherche de gauche dans une analyse d’une trentaine de pages à être dévoilée mercredi.

« On a un portrait assez incomplet de l’endettement du Québec et je pense que le discours très noir qu’on entend actuellement à ce sujet se nourrit d’une méconnaissance de la réalité,a déclaré au Devoir mardi Simon Tremblay-Pepin, l’un des coauteurs, avec Francis Fortier, de l’analyse. C’est un facteur important dont il faut tenir compte, bien sûr, mais on ne doit pas paniquer et croire que tout doit être remis en cause. On est loin de courir au désastre, comme d’aucuns le prétendent. »

Si l’on applique les méthodes de calcul de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui tiennent entre autres compte des dettes de Québec, des municipalités et des universités, mais pas du déficit actuariel des régimes publics de retraite, la dette du Québec approchait les 340 milliards en 2013, une fois prise en compte la part de la dette fédérale qui lui revenait en fonction de son poids démographique, soit presque autant (95 %) que la valeur de la production de toute une année de son économie. Ce niveau d’endettement est légèrement inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE, des États-Unis ou du Royaume-Uni, et un peu plus que la moyenne canadienne, néerlandaise ou allemande.

La comparaison se révèle plus favorable encore lorsqu’on tient compte de la valeur de ses actifs financiers et de la part de ceux du gouvernement fédéral. Son endettement net n’équivaut plus alors qu’à 35 % de son produit intérieur brut, ou 126 milliards, soit près de la moitié de la moyenne des pays de l’OCDE et mieux que presque tous ces principaux membres, y compris le Canada.

Une «bonne dette»

Cherchant à faire oeuvre pédagogique, l’analyse de l’IRIS passe en revue les différentes façons de mesurer la dette. Elle rappelle que son poids dans l’économie était en recul constant depuis la politique de déficit zéro de la fin des années 90, et jusqu’à la Grande Récession, après quoi elle a légèrement remonté.

Elle cherche aussi à combler une lacune des statistiques officielles en faisant la part entre ce qu’on qualifie souvent de « bonne dette », qui vient des investissements dans des infrastructures, comme les routes, les écoles et les hôpitaux, et la « mauvaise dette », faite de dépenses de programmes dépassant les revenus. Les chercheurs de l’IRIS ont calculé que, depuis 1970, les deux tiers de la dette du gouvernement du Québec, ou 106 milliards, sont venus des investissements, contre 32 %, ou 51 milliards, en solde budgétaire négatif.

Des créanciers de chez nous

Ils constatent également que, contrairement à Ottawa, Québec ne sait pas quelle part de sa dette est détenue au Québec, dans le reste du Canada, ou à l’étranger. Ce que l’on sait, c’est qu’au moins 30 % de ses créanciers sont québécois, la moitié de ces montants étant due à ses propres employés sous forme de régime de retraite et l’autre moitié étant détenue sous forme d’obligations par la Caisse de dépôt et placement du Québec. On estime généralement qu’entre 70 % et 85 % de la dette publique au Canada est détenue par des Canadiens. Pour une rare fois, l’IRIS dit se rallier à l’Institut économique de Montréal, un groupe de recherche de droite, ainsi qu’à d’autres experts qui ont estimé que ces proportions sont probablement les mêmes au Québec.

Par conséquent, la majeure partie de la dette québécoise et de ses intérêts est due à des Québécois et à des Canadiens, souligne l’IRIS dans son analyse, et le Québec n’est pas exposé outre mesure aux pressions de créanciers étrangers.

La relance économique avant la dette


« À en croire le discours ambiant, le problème de la dette au Québec s’approcherait de celui de la Grèce ou du Portugal. C’est du grand délire. C’est devenu un prétexte pour refuser toute nouvelle dépense et justifier toutes les compressions », a dénoncé Simon Tremblay-Pepin, qui disait finir tout juste d’écouter la dernière annonce du président du Conseil du trésor, Martin Coiteux.

Le chercheur dit ne pas croire non plus que la situation se dégrade tellement avec le vieillissement de la population.

Plutôt que de déprimer encore plus une économie déjà amorphe, à coups de compressions budgétaires et de contributions dérisoires au Fonds des générations, le gouvernement devrait chercher des moyens de relancer la croissance, plaide Simon Tremblay-Pepin, se référant aux leçons du passé. « Ce n’est pas en remboursant la dette qu’on en réduira l’importance relative. C’est en s’assurant que l’économie croît plus vite que la dette. »


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