Le Québec, distinct sur le joint

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Les Québécois ne veulent pas de la légalisation de la marijuana

Les Québécois sont-ils les plus progressistes, les plus hédonistes des Canadiens ? Ils ne le sont certainement pas sur la question du cannabis, qui sera légalisé dans trois mois.


Une nouvelle étude de la firme Environics Analytics et de Vividata montre que le Québec est bel et bien distinct sur le joint. Au Canada, c'est ici que les gens ont le plus de réserves quant au cannabis. C'est aussi la seule province au pays où le tabac est mieux perçu que la marijuana.


« On a demandé à 5000 Canadiens de plus de 19 ans leur position sur le cannabis. Si on regarde les autres provinces, sans le Québec, on constate une acceptabilité sociale de 50 à 60 % pour le cannabis. Au Québec, c'est 32 %. Le Québec rabaisse le taux d'acceptabilité pour tout le pays », indique Rupen Seoni, vice-président à Environics Analytics.


En plus d'être la seule province où le tabac est mieux perçu que le cannabis, le Québec est aussi l'endroit au Québec où il y a le moins de fumeurs de joints, toutes proportions gardées. Ces résultats recoupent les plus récentes données de Statistique Canada.


LA FAMILLE ET LA SANTÉ D'ABORD


L'étude d'Environics n'est pas la première à démontrer l'inconfort des Québécois sur la question du cannabis. En mai 2017, la firme CROP a sondé les Canadiens à la demande de Radio-Canada. Le sondeur est arrivé à la même conclusion.


Au Québec, 54 % des sondés étaient contre la légalisation du cannabis telle que proposée. Dans le reste du Canada, 58 % se disaient favorables.


« C'est vrai que le Québec est plus ouvert sur bien des aspects, plus hédoniste aussi à bien des égards. L'image proverbiale du Québécois aurait pu nous faire croire qu'il aurait été plus ouvert au cannabis. Mais ce n'est pas ce qu'on voit » constate le président de CROP, Alain Giguère.


Comment expliquer ces différences ? Selon M. Giguère, les Québécois sont très préoccupés par la santé et la famille, ce qui entre en conflit avec le cannabis tel qu'ils le perçoivent.


« Le Québec est moins favorable, plus inquiet. L'hédonisme des Québécois ne se fait pas au détriment de la santé, dit-il. Il y a inquiétude sur la santé et, surtout, sur la santé des enfants et des adolescents. Dans nos recherches, on constate que la santé et la famille étaient des valeurs très importantes pour les Québécois, peut-être plus qu'ailleurs au pays. »


« DEUX MONDES DIFFÉRENTS »


Marc-Boris St-Maurice, fondateur du Bloc Pot, milite depuis 25 ans en faveur de la légalisation du cannabis. Il a parcouru les quatre coins du pays. Lui aussi a grandi avec l'image de Québécois plus ouverts d'esprit, donc forcément plus ouverts au cannabis. Mais il a bien constaté que ce n'était pas le cas.


« Les gens au Canada sont surpris par ça. Parce que pour eux, les Québécois sont européens, ouverts d'esprit... Mais pas tant que ça, finalement ! On l'a vu avec les accommodements raisonnables et d'autres enjeux controversés », note M. St-Maurice.


Le militant rappelle que les grandes victoires juridiques en faveur du cannabis thérapeutique, dans les années 90, ont eu lieu devant des tribunaux de l'Ontario et de la Colombie-Britannique. « Si on compare les jugements de la Cour d'appel du Québec dans les années 90 avec les jugements au Canada, ce sont deux mondes différents », dit-il.


Selon Marc-Boris St-Maurice, le Québec est parcouru par des courants conservateurs souvent cachés. « On se pense très ouvert au Québec, alors les gens avec des pensées plus conservatrices les cachent. C'est une forme de politiquement correct. Mais oups, au party de Noël, le cousin, le mononcle a pris un verre de trop et ça ressort », lance-t-il.


Selon lui, la façon dont le gouvernement québécois a navigué dans ce dossier illustre bien l'inconfort de la population face au cannabis. Le gouvernement Couillard a souvent répété que son but n'était pas de faire de l'argent avec ce nouveau marché et il a très peu insisté sur le plaisir associé au cannabis, comme la SAQ le ferait pour une bouteille de vin, par exemple.


« Leur discours, c'est : "Oui, on va le faire, mais parce qu'on n'a pas vraiment le choix... mais on n'est pas pour." Alors oui, la première fois que j'ai vu ces sondages-là, j'étais surpris, dit Marc-Boris St-Maurice. Mais plus j'y pense, plus je trouve ça logique. »


ACCEPTABILITÉ SOCIALE DU CANNABIS


Québec : 32 %


Canada (incluant le Québec) : 52 %


Sources : Environics et Vividata


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