Le procès «in absentia»

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Procès à huis clos






Selon le premier ministre Couillard, il est nécessaire de tenir à huis clos les audiences de la Commission sur le racisme et la discrimination systémiques, sans quoi les gens qui en sont victimes auraient peur de témoigner publiquement. « Ils craignent d’être vus et entendus », a-t-il déclaré.


 

L’absence des médias lors des consultations qui seront tenues aux quatre coins du Québec favorisera « un climat propice à la libre expression », explique-t-on au ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion. Pour la suite des choses, « il appartiendra aux organismes d’évaluer l’opportunité d’inviter les médias ».


 

Pourtant, dans l’Ontario voisin, auquel M. Couillard se plaît fréquemment à nous comparer, on a tenu dans la plus complète transparence une série d’assemblées publiques dans 10 villes, auxquelles 2500 personnes ont participé entre juillet et décembre 2016. Cela a mené, au printemps dernier, à l’adoption d’une loi et d’un plan triennal qui vise à « identifier et à combattre le racisme systémique dans les politiques, les programmes et les services et à travailler effectivement à promouvoir l’équité raciale pour tous ».


 

L’organisation de cette consultation n’avait pas été sous-traitée. C’est la Direction générale de l’action contre le racisme, qui relève directement du gouvernement ontarien, qui en était le maître d’oeuvre. Le gouvernement Couillard en a plutôt donné le mandat à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qui a elle-même confié à des organismes sans but lucratif (OSBL), encore non identifiées et à l’objectivité incertaine, le soin de superviser les audiences.




 

En Ontario, personne ne s’est plaint de la présence des médias. Toutes les audiences ont même été diffusées en direct sur le Web. Chaque intervenant était invité à s’identifier et à préciser quel organisme il représentait, si c’était le cas. Le choix de ceux qui ne voulaient pas être filmés était cependant respecté. Une transcription intégrale des échanges, avec traduction en français, est également disponible sur le site de la Direction générale, mais le nom des intervenants n’y apparaissait pas.


 

À leur lecture, il est clair que la présence des médias n’a empêché personne de se vider le coeur. Le climat a souvent été tendu. À Toronto, un intervenant a lancé au maire, John Tory, qui assistait à la rencontre : « Votre police est raciste. » La première ministre Wynne, qui était également présente pour cette première assemblée, s’est fait dire : « On voit en Ontario des femmes musulmanes attaquées dans les rues, des mosquées qui sont vandalisées, les gens sont attaqués à l’école et au travail. »


 

À Hamilton, on a dénoncé « une discrimination de couleur qui existe depuis très longtemps dans les services de pompiers ». Un intervenant de confession sikhe a lancé au ministre délégué à l’Action contre le racisme, Michael Coteau : « Il y a des gens racistes dans le gouvernement même. »


 

Pourquoi ce qui était bon pour l’Ontario serait-il mauvais pour le Québec ? M. Couillard semble croire que les Québécois sont plus xénophobes que leurs voisins et qu’ils vont lyncher ces ingrats qui oseront critiquer leur société d’accueil. Le premier ministre donne souvent l’impression de s’être donné pour mission de nous protéger contre nous-mêmes, parfois même de suggérer qu’il faudrait renoncer à être nous-mêmes.




 

Des audiences publiques peuvent sans aucun doute provoquer des réactions négatives, mais l’objectif est précisément de favoriser une prise de conscience, et cela peut être douloureux. Bien entendu, si M. Couillard a d’autres motivations à l’aube de cette année électorale, c’est une autre affaire.


 

Depuis le début, le PQ et la CAQ présentent cette commission comme un procès de la société québécoise. Le gouvernement voudrait accréditer cette perception qu’il ne procéderait pas autrement. Dans une société de droit, on ne juge cependant pas un accusé in absentia.


 

Des voix s’élèvent de toutes parts pour demander au premier ministre d’annuler l’opération. Même Québec solidaire, qui a appuyé l’idée d’une telle commission dès le départ, estime maintenant que sa crédibilité est « sérieusement entachée » et réclame plus de transparence.


 
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