Rapport Duchesneau

Le principe de réalité

Actualité québécoise - Rapport Duchesneau



L'UPAC, a dit hier le premier ministre Jean Charest, a tous les pouvoirs pour enquêter partout où il y a des contrats de construction, et personne n'est exempté. Fort bien. Mais il faudra d'abord que ces beaux principes se répercutent sur le terrain, et au premier chef au ministère des Transports.
Admettons pour un moment la logique gouvernementale voulant qu'il n'y ait pas nécessité de tenir une enquête publique sur le monde de la construction puisque l'Unité anticollusion (UAC) puis l'Unité permanente anticorruption (UPAC) — créée l'hiver dernier et qui comprend l'UAC — font tout le travail: analyse, enquêtes, recommandations aux autorités, etc. C'est ce que ministres et premier ministre répètent depuis des mois, et encore pas plus tard qu'hier.
Mais si c'est ainsi qu'on veut nous convaincre d'oublier l'enquête publique, il faudra bien que le gouvernement Charest se décide à être plus clair dans ses explications et plus cohérent dans son action.
Ainsi, en entrevue au Devoir, la première accordée à un média depuis que son rapport a fait l'objet d'une fuite, Jacques Duchesneau a dit souhaiter que son unité, dont le mandat ne touchait au départ que le ministère des Transports, puisse enquêter sur les contrats accordés par Hydro-Québec. Parfaitement possible, a affirmé le premier ministre Charest à l'Assemblée nationale.
Légalement, oui. Mais encore faut-il avoir les ressources. Comme la vingtaine de membres de l'équipe de M. Duchesneau ne peut pas tout faire, il lui faut voir quelles cibles l'UPAC lui demandera de travailler dans l'avenir. Hydro-Québec en fera-t-elle partie? Là est l'enjeu. Et la réponse est bien moins claire que ce que laisse entendre le gouvernement.
De la même manière, s'il s'agit de nous convaincre que le «train de mesures» qu'il a mis en place pour enquêter sur les agissements douteux vaut bien une commission d'enquête, il faudra que le gouvernement nous démontre que lui-même y croit. Notamment en arrêtant de balayer du revers de la main, comme le fait le nouveau ministre des Transports, Pierre Moreau, les importants dépassements de coûts rapportés ces derniers jours par le Parti québécois et l'ADQ dans des contrats liés au ministère des Transports.
À entendre le ministre, tous ces extras s'expliquent: travaux additionnels ici, imprévus là... Même d'honnêtes citoyens se laissent prendre à l'argumentaire: quiconque a déjà fait faire des travaux sait que tout ne peut être prévu. Imaginez de gros ouvrages!
Justement, c'est là un des (nombreux) intérêts du rapport Duchesneau. Toute une partie de son rapport démontre qu'il n'est pas ici question de «l'extra» normal mais relève de pratiques telles: les imprévus érigés en système, la modification stratégique de bordereaux afin de détourner d'importantes sommes d'argent, des réclamations abusives... Le tout sous couvert d'absence de contrôle de la part du ministère, faute de ressources pour faire ne serait-ce que des vérifications de base.
Sur quelle expertise, dès lors, le ministre Moreau se base-t-il pour dire que tout va très bien quand une entreprise appartenant à un ami libéral reçoit 4,4 millions de dollars par la grâce d'un règlement à l'amiable? Ou qu'un ancien ministre libéral a vu son contrat avec le ministère tripler de valeur par la grâce des extras?
En fait, ce ne sont pas les dépassements de coûts qui inquiètent le ministre, mais l'atteinte aux réputations. Il faudrait se brancher! Le gouvernement a tenté de banaliser le rapport Duchesneau parce qu'il reposait sur des allégations, de l'anonymat. Mais quand des noms sortent, il ne faudrait rien faire non plus. Ce n'est pas sérieux...
Et c'est pour cela qu'il faut une enquête: large, indépendante et publique.


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