Le Canada en Nouvelle-France
« Un Conflit « sui generis » entre les deux systèmes coloniaux :
les deux colonisations vont se croiser ; […]
le territoire français forme un arc fantôme
et il est impensable que les Anglais vont se laisser circonscrire par cet arc. »
Le Canada est intimement associé aux conflits entre les puissances et les principales métropoles européennes. Comme il ne peut vivre sans l’apport de la Métropole française, il ne pourra pas assumer seul son développement et sa défense face aux enjeux de taille qui se dessinent en Amérique. Les courbes démographiques entre le Canada et les Colonies anglaises montrent une « énorme infériorité de voisinage ». Le « déséquilibre » est colossal.
L’Angleterre insulaire avec son avantage naval va jouer la carte américaine. Si bien que le « conflit sui generis » en Amérique va entraîner les deux Métropoles dans une guerre de prépondérance ou de défense de l’Empire. La disproportion des forces en Amérique et l’insuffisance des moyens de la colonie française entraîne son déclin annoncé par son énorme déficit démographique. Déjà minoritaire, le Canada français sera forcé de s’intégrer à l’empire britannique ; en revanche, le monde anglais ne pourra pas « absorber les restes » facilement. D’où la minorisation et la provincialisation des Canadiens-Français et l’ANNEXION de la colonie française conquise en 1760.
La crise d’identité québécoise n’est pas le fruit d’une génération spontanée. Elle tient à un Passé lourd de conséquences pour une société qui a perdu la totalité de son agir par soi collectif au plan national en 1760 et qui a subi, en plus, durant plusieurs générations le lavage de cerveau du Conquérant qui l’a conduit à l’acceptation de l’Union (comme un fait accompli) et à la provincialisation dans la fédération canadienne de 1867. Les Québécois-Français d’aujourd’hui, – dit autrement, c’est le « nous » des Canadiens-Français « de souche » avec tous les apports extérieurs depuis l’arrivée de ces colons Français dans ce premier Canada formé de Canadiens en Nouvelle-France qui ont survécu jusqu’à nos jours, – ont un très gros travail de déprogrammation mentale à réaliser s’ils veulent accéder à leur indépendance nationale. C’est ce que ne fera pas le cercle dont s’est entourée la chef du Parti québécois, madame Pauline Marois (voir NOTE).
Bruno Deshaies
HIST 585 Introduction à l’histoire du Canada
Maurice Séguin
Synthèse générale de l’évolution
politique et économique
des deux Canadas
II– Une colonie de style différent
De la part des métropoles : En France, un régime autoritaire et une religion officielle ; en Angleterre, une oligarchie, mais aussi un régime parlementaire et des sectes religieuses. Chaque métropole a sa façon de voir et ses préjugés, ce qui va déteindre certainement sur les colonies.
Si l’on compare une colonie anglaise d’Amérique avec le Canada, on peut dire que le mode de vie est légèrement différent, mais c’est superficiel, c’est dans le style, la manière d’être ; fondamentalement, ce sont deux entités semblables, dirigées par des gouvernements coloniaux qui sont chargés des intérêts de la colonie.
(À remarquer, pour concilier avec ler cours de Jean Blain [professeur d’histoire de la Nouvelle-France au Département d’histoire de l’Université de Montréal] au 2e semestre, que ce sont des individus qui provoquent de la part de la France la formation d’une colonie française en Amérique ; c’est une projection artificielle : l’effort n’est pas soutenu par toutes les couches de la population française…)
En définitive, la différence ne doit pas se prendre du côté « qualité », mais bien de l’aspect quantité ; c’est ce que nous allons étudier.
III– Une colonie de différente intensité
1- DIFFÉRENCE DANS LA VIGUEUR DES CAUSES :
– Projection : (push)
L’Angleterre ne compte que dix millions de population ; la moitié de la population de la France. Mais des luttes intestines, des circonstances intérieures produisent une immigration spontanée, presque forcée : des Anglais, des Écossais, des Irlandais sont poussés vers l’Amérique… Ce n’est pas le cas des 20 millions de Français…
– Protection :
L’Angleterre est une puissance maritime, et elle est mieux placée que la France pour défendre ses colonies ; elle peut concentrer toute sa force sur la mer : elle est une île… La France doit maintenir une armée sur le continent pour repousser l’envahisseur ; elle doit agir sur le continent et sur la mer, ce qui disperse les forces…
2- DIFFÉRENCE DANS L’ATTRAIT DU LIEU À COLONISER :
Quand la France se décide à venir en Amérique, les Espagnols, les Anglais et les Portugais y sont déjà installés : aussi doit-elle se contenter de la zone la moins intéressante du moins à l’époque. Pendant six mois de l’année, la vallée du Saint-Laurent est coupée de l’Europe. (Remarquons que ce facteur a joué, mais n’en faisons pas la cause principale.) Nous savons en effet que la Nouvelle-Angleterre s’est peuplée très rapidement, et pourtant son climat et son sol n’ont rien de bien attirant… mais l’immigration forcée, spontanée s’est contentée de ces conditions.
4- IMPORTANCE RELATIVE DES COLONIES :
Les Anglais sont dix millions en Europe et 1 600 000 en Amérique donc environ 14 % du monde anglais se trouve dans les colonies. Les Français sont 20 000 000 en Europe et 70 000 en Amérique : donc environ 1/3 de 1 % du monde français est dans la colonie.
Ceci démontre que les Anglais en Amérique comptent pour 40 fois plus que le petit groupe français perdu dans la vallée du Saint-Laurent… !
5- LA GRANDE DIFFÉRENCE … LE FAIT LE PLUS GRAVE :
C’est cette faiblesse qui est le grand mal. Le remède nécessaire, doublement nécessaire : intensifier l’alimentation de la colonie. Les colonies anglaises, beaucoup plus fortes, ont encore besoin des capitaux, des colons, de l’aide de sa métropole ; a fortiori la vallée du Saint-Laurent qui est nettement inférieure a besoin de capitaux, de colons, de défense de la part de la France : il le faut pour rattraper les colonies anglaises… Or nous savons que la France va se soustraire à son rôle de métropole…
6- 1629 ET 1666 ANNONCENT DÉJÀ 1760 ET 1840-1867 :
La première prise de Québec et le refus de Colbert annoncent la Conquête et la subordination de l’Amérique française et la province minoritairement annexée au Canada anglais. Il aurait fallu un miracle de la part des autorités françaises pour contrebalancer ou encore des circonstances qui auraient poussé ici des colons ; le miracle ne s’est pas produit d’un ou plusieurs hommes qui auraient pu prévoir l’avenir… Il ne faut pas blâmer le gouvernement français ; le gouvernement anglais n’a guère fait plus : ce fut une immigration spontanée due à des circonstances extérieures.
Ces chiffres annoncent cependant « trop peu » pour que cette collectivité puisse parvenir au rang de nation indépendante, mais « trop » pour qu’après la Conquête le monde anglais puisse absorber les restes…
B.- Dans un contexte d’intense conflit mondial
I – Irréductible conflit d’intérêt
1- EN EUROPE ENTRE LES DEUX MÉTROPOLES :
L’histoire du monde nous fait constamment voir un peuple, qui a l’hégémonie et un rival qui suit de près (sauf à l’époque de l’Empire romain) ; la France et l’Angleterre sont dressées comme les États-Unis et l’U.R.S.S. [situation en 1961-1962] ; un grand conflit oppose les deux métropoles et finit par engager les deux empires. La Grande-Bretagne va frapper la France en Amérique ; plus forte sur les mers, elle joue de ce côté…
2- EN AMÉRIQUE ENTRE LES DEUX SYSTÈMES DE COLONIES :
Un Conflit « sui generis » entre les deux systèmes coloniaux : les deux colonisations vont se croiser ; les Anglais, établis sur la côte vont vouloir pénétrer l’intérieur du continent… le territoire français forme un arc fantôme et il est impensable que les Anglais vont se laisser circonscrire par cet arc. Un conflit capable d’amener les deux peuples européens à se rencontrer en Amérique…
II – Forces supérieures du monde anglais
1- EN EUROPE :
Si bien qu’inférieure démographiquement, l’Angleterre est géographiquement bien protégée contre l’armée française ; la France a de nombreux ennemis et l’Angleterre joue bien son jeu : elle est toujours à la tête des coalitions contre la France.
2- EN AMÉRIQU E :
Le monde anglais est 20 fois plus nombreux et a à son service la marine anglaise. Un avantage pour les Français : ce Canada perdu dans la vallée du Saint-Laurent ne peut être attaqué que durant l’été.
III – Probabilités (suite à la prochaine chronique)
RÉFÉRENCE :
Maurice SÉGUIN, « Synthèse générale de l’évolution politique et économique des deux Canadas. » Notes de cours établies par les étudiants qui ont suivi le cours HIST 585 intitulé « Introduction à l’histoire du Canada » en 1961-1962. Description : « Sociologie du national. Les principales explications historiques de l’évolution des deux Canadas. » (Université de Montréal, Département d’histoire.)
NOTE :
POUR UN QUÉBEC EN CIRCONVOLUTIONS.
« La pensée de Jacques Beauchemin appartient à ce type de discours lénifiant qui cherche à expliquer la quadrature du cercle sur la base de la notion très englobante de sujet politique. Qui est le sujet politique québécois ? »
Bruno DESHAIES, [« Jacques Beauchemin. Pour un Québec en circonvolutions. »->archives/ds-deshaies/docs/02-1-17.html]
Dans VIGILE.NET, Chronique du jeudi 17 janvier 2002. Il y a cinq ans ! Nous rééditons cette chronique parce que nous apprenons que Jacques Beauchemin participe aussi aux rencontres du cercle formé par Joseph Facal, Louise Beaudoin et Jean-François Lisée dont s’est entourée la chef du PQ, madame Pauline Marois. Tous des gens qui, à notre avis, ne dépassent guère les ambitions de contrôler et de gouverner un État provincial un peu moins dépendant de la centralisation politique et administrative du fédéralisme canadian. Ils ne dépassent pas le statut de la RÉFORME constitutionnelle. Qui parmi les souverainistes et les fédéralistes fait mieux que son adversaire au Québec ?
Voir : Antoine Robitaille, [« Le « nous », c’est lui. Pauline Marois s’est largement inspirée du sociologue Jacques Beauchemin. »->9191] Le Devoir, lundi 24 septembre 2007 (« Entrevue »).
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2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
27 septembre 2007• Le premier Canada (3/5)
Étaient-ils Français ou Canadiens ou un peu des deux ?
Vive 1760 ! Et vive la Révolution Française !
Aujourd’hui, pour l’indépendance d’une Nouvelle-France ! (Selon Nicolas Rodrigue)
(cf. http://www.vigile.net/Pour-l-independance-d-une-Nouvelle)
mercredi, 27 septembre 2007 Bruno Deshaies
Pour les documents, on doit tout de même…
Il est vain de jouer au puriste et de finasser avec les documents historiques comme s’il n’existait aucun contexte permettant de subsumer qu’un mot ou une expression ne pourraient signifier un objet ou un ensemble reconnu dans la réalité historique.
Sixième texte : (celui que vous citez)
TRAITÉ DE PARIS (10 février 1763)
Art. 4 – « …que les Habitans François OU AUTRES, qui AUROIENT ETÉ SUJETS DU ROY Très Chretien EN CANADA, pourront se retirer en toute Sûreté & Liberté, où bon leur semblera, et pourront vendre leurs Biens, pourvû que ce soit à des Sujets de Sa Majesté Britannique, & transporter leurs Effets, ainsi que leurs Personnes, sans être genés dans leur Emigration, sous quelque Pretexte que ce puisse être… »
Art. 5 – Les SUJETS de la France auront la Liberté…
Source : « Traité de paix définitif et alliance entre la Grande-Bretagne, la France et l'Espagne, conclus à Paris, avec les articles séparés y afférant ».
http://www.tlfq.ulaval.ca/AXL/amnord/cndtraite_Paris_1763.htm
Il est vrai que le nom de Canadien n’est pas mentionné en tant que tel dans le Traité, cependant il est évident que l’expression « [les] autres, qui auraient eté sujets du Roy » ou « les sujets de la France » indiquent bien une réalité non-équivoque dans le cas dudit Canada.
Quant à l’indépendance d’une Nouvelle-France dans le genre d’une diaspora, votre logique de l’histoire n’est pas crédible. Vous avez déjà écrit : « Il faut que ce projet d’une Nouvelle-France libre et indépendante soit SANS FRONTIÈRES DÉTERMINÉ qui dépasse celle du Québec toujours ouverte à l’expansion afin D’INTÉGRER dans ce projet toutes ces communautés qui parle le français. » Je crois que vous perdez votre temps. Je comprends mieux maintenant tout ce débat sur les Canadiens de la Nouvelle-France.
Le sentiment d’être « Français »
Quant au sentiment d’attachement à la France, cette question n’est nullement mise en doute. Il en sera de même au cours de la première génération de « Canadiens » après la conquête. Et ce sentiment d’être « Français » demeurera durant plusieurs générations au point que toute cette pesanteur historique (sans donner un sens péjoratif à cette expression) fera de la société québécoise ce qu’elle est en grande partie aujourd’hui. Cette transmission culturelle a forgé le Québec moderne d’une certaine façon. Conséquemment, la société québécoise actuelle est tributaire de ce passé. Les Québécois-Français restent majoritaires au Québec bien qu’ils ne soient pas « majeurs » dans le deuxième Canada – ils sont « mineurs » et minoritaires.
Les colons Français d’avant 1760 ne désiraient pas perdre la France comme Métropole (comme le signale le commentaire de M. Gaston Boivin), car avec le temps il aurait probablement été possible que cette colonie puisse être apte à devenir une nation. Après 1760, les Canadiens vivront une cohabitation sous l’égide d’une autre Métropole, anglaise cette fois-ci. En effet, lorsqu’ils apprendront que la France a cédé définitivement le Canada à l’Angleterre, ils seront déçus. C’est une catastrophe pour eux. Un certain nombre de Canadiens quitteront, mais le peuple demeurera. Avec la troisième génération, ce peuple finira ses jours dans l’Union de 1840 qui impliquera l’acceptation de l’Union (à caractère fédéral) par les Canadiens-Français, comme un fait accompli. Le destin Providentiel les amènera dans l’annexion constitutionnelle.
Mais entre 1763 et 1840, il y a eu cette révolution française qui a changé les perceptions canadiennes (françaises). Toutefois, il est impossible d’ignorer le cheminement des Canadiens-Français après 1791. Ils combattront fort pour dominer le gouvernement du Bas-Canada. Ils ont échoué. L’Union a mis fin au rêve de république française. Au XIXe siècle, ils auront recours à la France par ses communautés religieuses afin d’assurer le fonctionnement du système d’éducation du Canada-Est.
Une remarque supplémentaire. Les événements récents sur les accommodements raisonnables semblent faire ressortir en ce moment le fonds « canadien » français d’une collectivité qui a survécu à sa conquête, son annexion et sa provincialisation. Ce qui ne se passe pas sans difficultés. Serait-ce à dire que les vieux sujets français du Canada ont la couenne dure ? En tout état de cause, il est vain d’ignorer la transmission culturelle qui a cheminé bon an mal an jusqu’à nous. Ce « nous » à de grandes valeurs qu’il est à peu près temps qu’il les exprime par la voie de son indépendance collective.
Nicolas Rodrigue Répondre
27 septembre 2007Suite au texte précédant
M. Gaston Boivin, votre perception est mauvaise, ils sont resté ici après la conquête pour la majorité, parce que cette très vaste majorité dont vous parlez avaient des terres ici. Ils n’avaient pas les moyens de recommencer leur vie en France avec leurs nombreuse familles. Ils sont resté ici par résignation, comme bon chrétien qu’ils étaient voyant toute chose selon la volonté de Dieu. Et ils ont pendant plus d’un siècle après cette évènement considérer cette conquête de l’Anglais, comme étant un désir de Dieu de préserver la colonie de l’influence néfaste de la Révolution Française. Mais si la France n’avait pas perdu l’Âme lors de cette révolution, Dieu n’aurait jamais permis que la colonie soit prise par l’Anglais. Et ces colons auraient tout fait pour rester Français, contrairement à vous.
Le Canada n’était pas un pays, mais une région de France c’était aussi pour eux une Nouvelle France. Si advenant la souveraineté du Québec, il y avait une partition par la force de l’Abitibi, croyez-vous sincèrement que l’Abitibi se viderait de ses habitants sous prétexte que ceux-ci auraient une préférence pour le Québec plutôt que le Canada. Lorsque tu as une ferme et une douzaine d’enfant, tu ne peut pas te permettre n’importe quoi. C’est vrai, ils étaient attaché au Canada. Mes à l’intérieur d’eux, ils étaient encore Français, ce qui ne semble pas le cas de VOUS, mon ami.