6 avril 1997
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C'est un avion? C'est un oiseau? C'est une fusée? Non!
C'est l'inépuisable «angoisse» postréférendaire de nos anglos! Que voulez-vous - comme dirait Jean Chrétien - on voudrait bien qu'elle s'estompe, mais depuis le 30 octobre 1995, elle prend des ailes.
D'ici quelques jours, on pourra se procurer en librairie un numéro spécial du Bulletin de l'Association québécoise d'histoire politique portant justement sur «Les anglophones du Québec à l'heure du Plan B». Huit collaborateurs chevronnés - Charles Castonguay, Pierre Drouilly, Claude G. Charron, Ed Bantey, Kevin Henley, Michel Paillé, Marc Termote et Robert Dôle - y analysent les implications démographiques, linguistiques, électorales et politiques d'un phénomène dont l'impact sur notre société échappe encore à nombre de Québécois.
Quelle que soit notre option politique, la lecture de ce Bulletin devrait aider à mieux comprendre comment les leaders et les médias anglo-québécois - pas tous, mais la plupart - se sont retrouvés à l'avant-garde du plan B d'Ottawa.
Plusieurs des articles du Bulletin confirment que les luttes anti-souverainistes et linguistiques auxquelles on assiste sont l'expression de la colère d'une grande majorité d'anglos contre le dernier référendum et un possible OUI majoritaire au prochain.
Par exemple, Pierre Drouilly compare cinq élections et référendums depuis 1917. Il avance que cette réaction, loin d'être nouvelle, tient d'une opposition massive à «l'émergence d'une société française souveraine en Amérique du Nord». Charles Castonguay démasque la désinformation ambiante sur la question linguistique. Claude G. Charron recense les positions partitionnistes de plusieurs médias anglos. Ed Bantey analyse la stratégie de certains leaders anglophones. Michel Painé et Marc Termote tracent un portrait démographique de la minorité. Enfin, Kevin Henley et Robert Dôle expliquent pourquoi, contrairement à 95% de leurs compatriotes anglos, ils sont sympathiques au nationalisme québécois.
A travers ces articles, on comprend mieux le plan B et on fait les liens entre ses diverses manifestations. Récapitulons. On a vu des groupes partitionnistes pousser comme des champignons et des municipalités adopter des résolutions allant dans ce sens. Des médias anglos ont appuyé l'idée de partition. Les «galganoviens» ont gagné sur l'affichage commercial et obtenu l'abandon de tout renforcement réel de la loi 101. Les médias anglos rapportent et dénoncent le moindre geste de l'OLF. Rappelons aussi le psychodrame entourant les soins de santé et le refus subséquent de Québec de freiner la bilinguisation des institutions francophones de santé. Les Gretta Chambers et Julius Grey s'opposent à la création de commissions scolaires linguistiques à moins qu'on n'accorde aux anglos des droits spéciaux dans la Charte québécoise des droits de la personne.
Hier, The Gazette nous apprenait que Stéphane Dion alimenterait ce blocage en décrétant que le «consensus» qu'il exige, tout à coup, ne serait pas suffisant. Le ministre Jacques Brassard et les conseillers du premier ministre tomberont-ils dans ce piège par trop familier du marchandage et de la surenchère? C'est à suivre...
Toujours dans ce plan B, l'entente sur la manoeuvre semble apparemment stoppée par les pressions de leaders anglos exigeant qu'elle soit soumise à la loi fédérale sur les langues officielles et non à la loi 101. Et ce n'est pas tout! Le 22 avril, on verra Robert Libman contester notre Loi référendaire devant la Cour suprême. Dans l'antre de la tour de Pise canadienne, M. Libman sera flanqué de son fidèle avocat, Julius Grey, et il pourra compter sur son bailleur de fonds dans cette cause, le Québec Political Action Committee de Howard Galganov. Un fait est à noter: la plupart de ces événements reliés au plan B ont eu lieu après le discours du Centaur prônant la réconciliation entre francos et anglos. Une chance...
Ce numéro spécial du Bulletin d'histoire politique fait ressortir un autre élément important. A savoir que, contrairement à ce que prétendent certains leaders d'opinions anglophones et francophones, le fait d'analyser de manière critique les positions des leaders anglos n'est pas un symptôme d'«anglophobie» ou de «radicalisme». Ces analyses ne sont en rien une négation de la liberté d'expression des leaders anglos. Elles portent sur des phénomènes politiques dont tous sont libres de débattre.
Ces analyses ne font pas de ces chercheurs des «purs et durs». Par exemple, parmi les huit collaborateurs du Bulletin, il y a quatre anglophones (Charles Castonguay étant de langue maternelle anglaise). Sont-ils des «ayatollahs» et des «anglophobes»? Les quatre auteurs francophones sont-ils des «anglophobes»? Guy Bouthillier et moi-même, sommes-nous des «anglophobes»? Etc. Eh bien non. Disons-le une fois pour toutes: nous aimons nos prochains, qu'ils soient anglos, francos, allos, juifs, italiens, russes et tutti quanti! Mais cela ne doit pas empêcher les désaccords et les débats sur des questions politiques de fond. Sinon, le bon-ententisme prend le dessus sur l'exercice de la démocratie et les débats de société.
Mais il y a des jours où je me demande d'où vient cette incapacité croissante d'une partie de nos élites de s'opposer à certaines positions dominantes du leadership anglophone en s'arrogeant le titre tant convoité de «modérés». Nos élites seraient-elles en phase de dépolitisation avancée? Je me demande aussi pourquoi la plupart de nos élites et médias s'entêtent à confondre «anglophobie» et «analyse critique». Ou pourquoi on semble incapable de faire la différence entre d'un côté l'extraordinaire civisme qui marque les relations individuelles entre anglos et francos, et de l'autre, la lutte politique que se livrent les majorités des deux groupes. Ou encore, pourquoi on ne comprend plus qu'il n'est pas nécessaire d'abandonner ses positions pour être respecté de l'autre.
Et si on se donnait un plan C. «C» comme dans «clarté»...
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