Le 17 avril 2012, les Canadiens auront raison de célébrer le trentième anniversaire de la promulgation de la Charte canadienne des droits et libertés.
Enchâssée dans la foulée du rapatriement de notre constitution au moyen d'une loi du parlement britannique, la Charte est, avec l'adoption du fédéralisme en 1867, l'un des plus importants jalons dans l'histoire de notre pays.
Ce moment charnière signifiait que les Canadiens pourraient dorénavant modifier eux-mêmes leur constitution sans avoir à quémander la permission de Londres au préalable. En plus de consacrer la souveraineté juridique du Canada, cette démarche enchâssait les droits et libertés des Canadiens. Elle consacrait aussi le principe de la primauté du droit, ce qui rend tous les citoyens égaux devant la loi et les protège contre la discrimination et l'arbitraire étatique.
Depuis l'avènement de la Charte, l'ensemble de nos tribunaux, jusqu'à la Cour suprême du Canada, sanctionnent tout acte de puissance publique violant les droits et libertés des citoyens au-delà des limites raisonnables permises dans le cadre d'un État libre et démocratique. D'ailleurs, les Canadiens respectent le rôle des tribunaux à cet égard, qu'ils considèrent comme les gardiens impartiaux de leurs droits. À l'occasion, ils acceptent même que ces derniers défendent des causes «impopulaires», toujours dans la mesure où les principes de la Charte sont respectés.
Les parlements légifèrent depuis en tenant compte de ces principes d'équité et d'égalité. Et si d'aventure ils percevaient la nécessité de maintenir une transgression à ces principes, ils auraient alors le devoir d'adopter une telle loi nonobstant la Charte, avec les conséquences politiques que cela comporterait.
Que si peu de gens manifestent dans les rues contre les décisions de nos tribunaux à ce chapitre signifie que la population perçoit l'équilibre atteint, sans être parfait, comme étant sain et juste.
C'est grâce à la vision et aux initiatives du premier ministre Pierre Trudeau et de son ministre de la Justice Jean Chrétien que cette Charte canadienne des droits et libertés est devenue le pilier central de notre État de droit. Elle fait aujourd'hui l'envie de millions de personnes à travers le monde qui aspirent à une telle protection de leurs droits démocratiques et de leurs libertés civiles.
Plus important encore: l'ensemble des Canadiens, dont une très vaste majorité de Québécois francophones, voient aujourd'hui ces événements fondateurs comme positifs et utiles. C'est d'ailleurs ce que les sondages de l'époque démontraient. Soulignons que les Québécois francophones adhèrent à la Charte des droits dans une aussi grande proportion qu'ils adhèrent à la Charte de la langue française.
Sans doute cela s'explique-t-il par leur attachement profond aux principes de la liberté et de la responsabilité individuelles. Depuis leurs origines de coureurs des bois, ils ont compris que l'innovation et la création sont des gestes qui relèvent essentiellement de l'individualité de chacun et qu'ils génèrent, règle générale, une prospérité au bénéfice de la collectivité.
Pierre angulaire de nos valeurs et de notre identité nationale en tant que Canadiens, la Charte assure également la protection des minorités et des droits linguistiques. En effet, grâce à cet amendement constitutionnel de 1982, les minorités francophones à travers le pays et la minorité anglophone au Québec jouissent d'une protection leur permettant d'exiger des services dans leur langue et des écoles pour leurs enfants.
Finalement, les Canadiens affectionnent cette Charte et y adhèrent parce qu'elle a un caractère pédagogique: ils la connaissent, comprennent qu'elle protège leurs droits et ont confiance que des tribunaux impartiaux les sanctionneront.
Voilà donc une belle occasion de célébrer la maturité de ses 30 ans.
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Bernard Amyot
Avocat, l'auteur a été président national de l'Association du Barreau canadien en 2007-2008.
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