Course à la direction du PQ

Le Parti québécois est le grand gagnant de ce premier débat

«Une impressionnante machine politique»

Éditorial

Les journaux ne l’ont évidemment que peu signalé mais le grand vainqueur du premier débat de la course à la direction du Parti québécois, mercredi le 11 mars à Trois-Rivières, fut nul autre que le Parti québécois lui-même.

La richesse du contenu de cette joute à cinq fut exceptionnelle et redonnera certes le goût à nombre de désabusés du parti de René Lévesque de reprendre du service et de s’engager dans la lutte pour l’indépendance du Québec. Voilà un premier constat, guère relayé par les médias qui ont préféré, dans une atonie intellectuelle déplorable, ne s’en tenir qu’aux étincelles et aux rares épisodes conflictuels – tout à fait normaux dans un débat politique, rappelons-le - de cette rencontre mémorable. Ils ont eu ce besoin obsessif d’identifier des gagnants et des perdants alors qu’à mon sens tous les candidats, avec les nuances qui s’imposent bien sûr, sont sortis grandis de cette confrontation. Ainsi en est-il, je le répète, du Parti québécois.

C’est l’ancien ministre Yves-François Blanchet qui a le mieux résumé la portée de cette soirée : «Quoi qu’on dise, le Parti québécois est encore une impressionnante machine politique. Il y a eu des échanges d’idées de haut niveau.»

La morosité du discours qui avait caractérisé la dernière campagne électorale n’est plus. Les Pierre Karl Péladeau, Bernard Drainville, Martine Ouellet, Pierre Céré et Alexandre Cloutier nous ont réservé ce soir-là de solides envolées sur l’incontournable nécessité de faire du Québec un pays pour se délester du poids accablant d’une fédération canadienne qui ne se soucie guère de notre existence, de nos besoins économiques et même de notre survivance et qui travaille inlassablement à la destruction de notre nation.

Ils ont tous mis au cœur de leur action politique ce projet salutaire, mettant au rancart la «bonne gouvernance» et autres balivernes ne servant qu’à camoufler une longue litanie de peurs ataviques et improductives. C’est dans une prise sur le réel que se dessine leur action. C’est dans l’agir que s’élabore leur praxis politique (pour employer ce terme cher à Pierre Céré). On ne rêve plus d’indépendance, on la fait! Pour cette nouvelle garde du PQ – recrutée, faut-il le rappeler, par Pauline Marois - il est hors de question de tomber dans cette erreur de perspective ontologique qui consiste à «refuser de disposer des moyens de se déterminer soi-même et confier à autrui son destin (1)».

Tous l’ont suffisamment dit mercredi soir en étalant leurs visions économiques du Québec, en déroulant devant nous la perspective de la première nation verte en Amérique du Nord, un projet qui passe, entre autres vecteurs, par l’électrification des transports, la transformation chez nous de nos ressources naturelles et des investissements dans ce qui constitue des faisceaux marquants de notre économie, notamment les mines, la foresterie et la réanimation d’une industrie manufacturière pour laquelle nous aurions nous-mêmes la possibilité de négocier avec nos partenaires commerciaux du monde des arrangements qui nous seraient mutuellement favorables, contrairement à ce qui se passe actuellement lorsque nous sommes pieds et poings liés à l’indifférence du gouvernement du Canada quand il s’agit de défendre les intérêts du Québec en ce domaine. Comme l’a dit la studieuse Martine Ouellet, le Canada travaille à l’étranger pour vendre son pétrole sale de l’Alberta. Le Québec, lui, parle d’hydro-électricité et d’économie verte. Nous pataugeons dans l’irréconciliable.

Ce que nous disent clairement ces hérauts de l’indépendance est clair en regard des thèmes abordés mercredi: voulons-nous nous enrichir ou voulons-nous demeurer une province du Canada qui nous paralyse et nous met des bâtons dans les roues?

Ce que n’ont pas non plus souligné les médias, à la suite du débat, c’est cette brillante entreprise de déconstruction du discours fédéraliste à laquelle se sont livrée les candidats. Ce discours fédéraliste, fondé sur le mensonge et des mythes éhontés, est un champ de ruines. Bernard Drainville nous en a donné un exemple vibrant lorsqu’il a qualifié le système de péréquation canadien de «dommages» qu’il nous faut payer pour appartenir à l’ensemble canadien, démontrant ainsi le caractère pernicieux d’un système qui nous empêche de prendre notre envol économique. Et c’est justement ce que la création d’un Institut de recherche appliquée sur l’indépendance, proposé par PKP, aura pour objectif de démontrer : la pétrification intellectuelle des défenseurs du système canadian qui appuient leur argumentaire sur des sornettes économiques.

Bien sûr, cette puissante relève du PQ n’a pas encore toutes les réponses. PKP et Alexandre Cloutier n’ont pas répondu à toutes les questions (du moins celles de leurs adversaires immédiats); la stratégie d’accession à l’indépendance n’est pas encore peaufinée et consensuelle. Il y a encore quatre débats à venir avant le choix du chef et trois années avant les prochaines élections. La réflexion n’est pas achevée mais force est de constater qu’elle avance, ce qui exige de nous une certaine indulgence et un peu de patience. Surtout que ces vigiles sont aux prises au quotidien avec le saccage de l’État québécois par le gouvernement de Philippe Couillard. La tâche est lourde et accaparante lorsqu’il s’agit de contrer des pyromanes sans scrupules. Des réponses prématurées ne serviraient en rien notre cause. Retenons que cette femme et ces hommes ne craignent point de parler d’indépendance et ils ont commencé, dans l’enthousiasme, à dessiner les tenants et les aboutissants de cette dernière. Constatons que le discours a commencé sérieusement à changer.

Retenons aussi que ce que nous avons vu à Trois-Rivières, ce 11 mars 2015, - peu importe qui sortira vainqueur de la course – est on ne peut plus encourageant quant au sérieux et à la formidable capacité de ces aspirants à la direction du parti à former un jour une équipe unie et hors pair pour mener à bien les destinées du pays du Québec. C’est du solide.

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(1) «Ce peuple qui ne fut jamais souverain», par Roger Payette et Jean-François Payette, Fides, Montréal 2013, p. 110


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