Le parti d'un homme ?

Ce parti qui voulait à lui seul contenir tout le Québec fut la hantise de ceux qui l'ont habité, aimé et usé. Et si c'était aujourd'hui un parti à l'avenir improbable?

PQ - état des lieux et refondation

Depuis l'échec du second référendum en 1995, le PQ s'est enfoncé dans une imperceptible et longue dépression dont la semaine qui vient de s'écouler fait foi. À vrai dire, depuis le premier échec référendaire de 1980, qui a sans doute précipité la mort de son chef historique René Lévesque, après l'avoir plongé lui-même dans un état, sinon dépressif, du moins erratique, le Parti québécois n'a eu de cesse de s'autoflageller.

Condamnés par ces NON répétés à défendre la raison d'être du parti devant le peuple qui n'avait pas entendu son appel, les militants se sont repliés, ont courbé le dos, tout en affichant à l'extérieur une fausse assurance faite d'arrogance et de supériorité identitaire. Les vrais Québécois, c'étaient eux, et leur amour démesuré du Québec finirait bien par le conduire à sa libération.
En fait, le déni affiché masquait les blessures des défaites et les deuils subis par la mort du héros tant admiré et l'abandon des chefs charismatiques mais trop impatients et impulsifs qui suivirent. Seules la perturbation des esprits et l'énergie du désespoir expliquent le choix plus que douteux d'André Boisclair, ce garçon à l'ambition démesurée, à l'assurance bourgeoise, au jugement rétréci mais incarnant le changement générationnel pour diriger le PQ vers la victoire électorale et le peuple vers la souveraineté.
Sa témérité explique en partie l'absence d'hésitation du jeune chef à assumer le programme du parti, aussi touffu que dépassé dans certains domaines. Un programme trop à gauche pour le nouveau leader, dont la modération, sur le plan économique, a été démontrée. Le soir du 26 mars, l'avenir d'André Boisclair était désormais derrière lui. Les éloges quasi funèbres qu'on lui a rendus cette semaine ne changent rien au fait que le choix de ce leader n'était pas le bon.
La question est de savoir maintenant si ce parti, sans une révolution interne qui ne sera pas tranquille, a encore un avenir autre que celui d'être un tiers parti? Le PQ serait-il condamné à jouer à Québec un rôle semblable à celui du NPD ou du Bloc à Ottawa? Sans une refondation, comment le Parti québécois peut-il survivre en traînant à sa cheville le boulet d'un troisième référendum? Comment envisager de prendre le pouvoir avec un programme plus à gauche que ne l'est devenue la classe moyenne actuelle? Les nouvelles générations adhèrent de moins en moins à l'idée que l'État doive être présent comme acteur de l'économie plutôt que comme régulateur. De plus en plus de gens ne croient plus que la société puisse prospérer sans les créateurs de richesse du secteur privé.
Et si le PQ, ce parti modelé à l'image de son fondateur, avait fracturé ses assises le soir même de la défaite de 1980? Les secousses telluriques qui l'ont traversé par la suite, dont cette dernière défaite, pire que la première en un sens, ont rendu le PQ ingouvernable et peut-être obsolète. La ferveur souverainiste s'est affaissée. Or l'existence même du parti repose sur cette dernière.
L'indépendance fut le fer de lance du RIN prédécesseur du PQ. René Lévesque a aiguillonné l'indépendance vers la souveraineté-association, mise à mal en 1980, et il a fini par jouer le jeu du beau risque du premier ministre du Canada de l'époque, Brian Mulroney. René Lévesque savait d'instinct qu'il n'y aurait pas de «prochaine fois» pour lui et peut-être pour le Québec.
Les quelques dizaines de milliers de voix manquantes de 1995 n'annonçaient pas des lendemains enchanteurs. Bien au contraire, une courte victoire aurait plongé le pays dans une crise sans précédent et aurait indiqué la déchirure profonde du peuple québécois face à une séparation.
L'idée de la souveraineté qu'avait en tête René Lévesque et celle de l'indépendance conçue par Jacques Parizeau trouvent-elles un écho dans les générations de la relève? L'indépendance du Québec a été définie par une génération qui assistait à l'émancipation des peuples colonisés. Chaque peuple pouvait accéder à son indépendance. Les modèles actuels qu'ont sous les yeux les nouvelles générations sont ceux de pays qui renoncent à une partie de leur souveraineté. C'est aussi un modèle économique qui fait éclater les frontières. C'est de plus une tendance au recentrage, comme en témoignent le succès de l'ADQ et celui de François Bayrou en France, qui oblige la gauche et la droite à se rapprocher l'une de l'autre. Même sur le plan constitutionnel, que fait donc Mario Dumont, sinon s'installer entre les options jadis irréconciliables du fédéralisme intransigeant et de la souveraineté sans compromis?
Ce sont les jeunes qui vont dessiner les contours du Québec dans lequel ils souhaitent vivre. Ce sont eux qui vont affirmer haut et fort l'identité québécoise du XXIe siècle. Ce sont les classes moyennes d'aujourd'hui qui sauront définir la place de l'État dans l'économie, la vie sociale et culturelle. René Lévesque a créé un parti à son image et à sa ressemblance. Ce parti qui voulait à lui seul contenir tout le Québec fut la hantise de ceux qui l'ont habité, aimé et usé. Et si c'était aujourd'hui un parti à l'avenir improbable?
denbombardier@videotron.ca


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