Le parcours du vigneron combattant

Agroalimentaire - gestion de l'offre

(Photo: Photothèque La Presse)

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«Quinze ans!» Je n'avais même pas fini de poser ma question à Denis Paradis, du Domaine du Ridge à Saint-Armand, à qui je demandais combien de temps il faut pour atteindre la rentabilité avec un vignoble au Québec, que la réponse a fusé, comme un cri du coeur: «Ça prend 15 ans et nous, on est rendus à 14!»
Vous avez déjà rêvé, en sillonnant les magnifiques rangs des Cantons-de-l'Est par un beau dimanche d'automne, de vous acheter un petit lopin de terre pour vous faire gentleman-vigneron?

Attachez votre tuque avec de la broche et allez négocier une marge de crédit; vous en aurez besoin pour affronter les rigueurs du climat québécois et les aléas de la production de vin, ici. Sans compter les préjugés tenaces qui accablent encore cette jeune industrie, aussi bien chez les consommateurs que chez les restaurateurs, et les négociations avec la SAQ.
Nous aborderons la relation entre les producteurs de vin du Québec et la société d'État la semaine prochaine. Pour le moment, voyons un peu dans quoi on s'embarque en se lançant dans l'aventure viticole au Québec.
Question fric, une étude en ébauche au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ) évalue qu'un producteur débutant devra investir au moins 30 000$ par hectare au cours des trois premières années, juste pour la culture du raisin (vous n'avez pas encore la machinerie, les installations ni la main-d'oeuvre, etc.).
Si les conditions gagnantes sont réunies dans le vignoble, chaque hectare de vignes donnera 7,4 tonnes de raisins. Si vous voulez vous amuser à faire des calculs, sachez qu'il faut en moyenne 1,47 kg de raisins pour faire un litre de vin.
Un pied de vigne coûte seulement 1,50$, mais il lui faudra sept ans, si tout va bien, pour vous donner l'équivalent d'une bouteille par année.
Il vous faudra ensuite construire et équiper le chai (cuves, barriques, érafleuse-égrappeuse, convoyeurs, unité d'embouteillage, etc.) et la salle de dégustation-boutique, une opération qui peut rapidement atteindre quelques centaines de milliers de dollars.
«Chaque fois qu'il faut acheter une nouvelle cuve, une nouvelle machine, on dirait qu'il n'y a jamais rien en bas de 10 000$», dit à la blague M. Paradis, en me faisant visiter le chai.
La météo n'est pas la seule épreuve du vigneron québécois. Il doit aussi affronter la bureaucratie envahissante du gouvernement pour les permis, l'inspection, la vente... Pour franchir les étapes de sa production, un vigneron devra traiter avec quatre ministères: le MAPAQ, la Sécurité publique (pour la Régie des alcools des courses et des jeux, la RACJQ), le ministère des Finances et celui du Développement économique.
Un détail parmi mille: pour obtenir un permis de producteur artisan de la RACJQ, un vigneron devra cultiver au moins un hectare de vignes, comptant au moins 2500 plants.
Pour atténuer les effets capricieux de la météo sur les récoltes d'une année à l'autre, il est permis aux producteurs de vin du Québec d'acheter jusqu'à 15% de raisins frais ou transformés importés, et jusqu'à 35% de raisins frais ou transformés provenant d'ailleurs au Québec.
Malgré le climat inhospitalier et la lourdeur réglementaire, l'industrie viticole québécoise croît à un rythme impressionnant depuis 20 ans.
Certaines initiatives à venir sous peu devraient permettre de favoriser cette croissance encore davantage.
D'abord, les vignerons d'ici travaillent en collaboration avec le MAPAQ à l'élaboration d'un nouveau programme, «Le Québec dans votre verre», la version viticole du programme «Le Québec dans votre assiette», une opération visant à faire connaître aux Québécois les produits agroalimentaires d'ici.
Plus ambitieux encore, l'industrie viticole québécoise veut se doter d'une certification, probablement dès 2010. L'Association des vignerons du Québec a investi 120 000$ dans une étude menant à l'élaboration d'un cahier de charge dictant les bonnes pratiques viticoles qui assurent des produits de qualité (un genre de Iso-vin, ou, plutôt, d'AOC comme en France, ce qui se fait déjà au Canada sous le label VQA, Vintners Quality Alliance).
MOINS DE 20$
Chaminé, Alentejano 2008 (Code SAQ: 10403410) 15,60$
Toujours bon, ce sympathique «petit» portugais. Son prix semble malheureusement augmenter au même rythme que l'intérêt que les consommateurs québécois lui portent, mais à 15,60$, c'est encore une bonne affaire.
Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca


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