Le moment fédéraliste

Recomposition politique au Québec - 2011



C'est la première fois depuis presque 20 ans que les Québécois envoient à Ottawa un tel contingent de députés fédéralistes, majoritairement du NPD.
PHOTO: MIKE CASSESE, REUTERS


Réagissant à la déconfiture de son parti à l'élection fédérale, un député s'est exclamé: «On en a mangé une maudite.» Vous croyez, bien entendu, qu'il s'agit de la déclaration d'un des derniers rescapés de l'hécatombe bloquiste. Eh bien non! Il s'agit plutôt du cri du coeur du coloré député libéral Denis Coderre. Il fait ainsi preuve d'une franchise et d'une honnêteté devant la réalité qu'on aurait bien aimé retrouver dans le camp indépendantiste. Le Titanic a coulé lundi, et, déjà, les indépendantistes tentent de nous faire croire qu'ils ont gagné.
Pourtant, une défaite est une défaite, et ils devraient avoir le courage de le reconnaître. Ce n'est pas seulement la formation bloquiste qui a perdu, mais bien le projet indépendantiste. Après tout, ce sont ses leaders qui avaient rappelé pendant la campagne électorale qu'un vote pour le Bloc était un vote pour l'indépendance du Québec. C'est le député Bernard Drainville, dans une incantation digne d'un terrorisme intellectuel qu'on croyait révolu, qui avait dit que tout «vrai» Québécois devait voter pour le Bloc. Ils ont reçu leur réponse: 77% des Québécois ont élu 72 représentants de partis fédéralistes sur 75 sièges à combler. C'est la première fois depuis presque 20 ans que les Québécois envoient à Ottawa un tel contingent de députés fédéralistes.
Une victoire est donc une victoire, et les fédéralistes ne doivent ressentir aucune honte à la célébrer. Ne faire que cela serait toutefois une erreur. Le vrai travail commence, car la dynamique vient de changer pour les fédéralistes au Québec. Après une longue traversée du désert, leur moment est arrivé, et ils doivent rapidement partir à la reconquête des coeurs et des esprits. La tâche sera difficile, mais elle n'est pas impossible.
On peut se demander si les fédéralistes ont les outils conceptuels, les idées et l'énergie pour entreprendre ce combat. Dernièrement, le sénateur Jean-Claude Rivest soulevait des doutes à ce propos. «Si le Bloc existe, disait-il avant l'élection, c'est parce que les trois autres partis sont nuls. (...) Il n'y a pas de discours majeur de la part de Harper, d'Ignatieff ou de Layton qui porte sur la réalité et les problèmes du Québec.»
Le sénateur n'a pas tort et, pendant ce temps, le camp adverse s'active. Ainsi, conscients de perdre un prochain référendum si la seule question valable était de demander aux Québécois s'ils veulent que le Québec «devienne un État indépendant», les indépendantistes ont trouvé une nouvelle astuce, un nouveau piège à homards afin d'emprisonner nos concitoyens: dès leur hypothétique accession au pouvoir à Québec dans deux ou trois ans, ils ont l'intention de poser des gestes de souveraineté. Le coeur du dispositif est de déconstruire l'identité canadienne chez les Québécois en modifiant les institutions, en effaçant les références au fédéral. Lobotomisés, les Québécois franchiraient alors facilement le pas vers l'indépendance.
Ce bricolage intellectuel ne tient pas la route une minute, mais il sert de philosophie jovialiste afin de masquer le désarroi du camp indépendantiste.
Il appartient maintenant aux fédéralistes de partir à l'offensive. Ils doivent éviter de le faire sur le terrain imposé par les indépendantistes depuis 30 ans: l'exacerbation des petites différences, l'exploitation des querelles oiseuses. Les Québécois savent qu'ils sont différents, mais combien semblables aux autres Canadiens. Ils veulent joindre les autres afin de faire face aux questions communes et non donner une nouvelle chance au fédéralisme.
Je suis moins pessimiste que le sénateur Rivest. Les choses ont bien commencé pour les fédéralistes pendant la campagne électorale. Pour la première fois depuis longtemps, ils ont refusé de céder aux chantages des indépendantistes et de promettre mer et monde. Les Québécois ont apprécié. Il ne faut pas les décevoir.
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Jocelyn Coulon
L'auteur (j.coulon@montreal.ca) est directeur d'un centre de recherche à l'Université de Montréal et membre du comité exécutif de l'Idée fédérale.


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