LE modèle canadien

Histoire de se distinguer à tout prix du reste du Canada, le gouvernement québécois a inventé un néologisme - «l'interculturalisme» - pour qualifier son modèle d'intégration.

"Dans la vraie vie"...

Je n'ai jamais compris pourquoi l'on oppose le «multiculturalisme» - qui serait le modèle «canadian» - au modèle québécois à moins évidemment qu'il ne s'agisse d'un mythe colporté pour faire croire aux gens que le Québec est totalement différent du Canada anglais.

Pour qui connaît le moindrement le reste du Canada, il est pourtant évident que tout - la pression sociale, l'école, le monde du travail - y incite les immigrants à s'intégrer à la société d'accueil le plus rapidement possible.
À Vancouver, Toronto ou Calgary, à la deuxième génération, les jeunes Chinois, les jeunes Indiens et les jeunes Arabes sont devenus des Canadiens anglais comme les autres, à cette différence près que plusieurs ont gardé, tout comme nos Italiens et nos Libanais de Montréal, certaines traditions familiales et alimentaires. Le modèle canadien-anglais? C'est le même, exactement, que celui de nos écoles montréalaises multiculturelles: des enfants de partout qui suivent le hockey, jouent aux mêmes jeux vidéo tout en parlant français avec l'accent québécois.
Contrairement au mythe voulant que le Canada anglais encourage la formation de ghettos, rien - aucune institution, aucun discours public - n'encourage les immigrés à conserver des pratiques qui s'opposent aux valeurs canadiennes, comme les mariages arrangés, l'excision, etc. Si des groupes se forment en ghetto, c'est dû soit au fondamentalisme religieux, soit à la pauvreté conjuguée à la faiblesse des structures familiales (exemple, les Jamaïcains à Toronto). Mais les mêmes formes de ghettoïsation existent à Montréal.
Le multiculturalisme a été, au départ, la stratégie inventée par Pierre Elliott Trudeau pour faire avaler le bilinguisme anglais-français aux minorités de l'Ouest qui revendiquaient elles aussi un statut particulier. Mais c'était de la poudre aux yeux: pendant que des subventions encourageaient des troupes de danse folklorique, les nouveaux arrivants continuaient à s'assimiler, dans la réalité quotidienne, au même rythme que les immigrants aux États-Unis.
Le Canada, dit-on parfois, serait une «mosaïque» où, contrairement au melting-pot américain, coexisteraient des groupes ayant gardé chacun sa spécificité culturelle. Foutaise. C'est encore un mythe, colporté celui-là par les intellectuels nationalistes anglophones. Dans la vraie vie, les immigrants adoptent les us et coutumes de la société d'accueil aussi rapidement qu'aux États-Unis. À la deuxième génération, ils sont intégrés, et à la troisième, assimilés.
La différence, c'est que le Canada anglais n'a pas de programmes spéciaux pour l'apprentissage de la langue parce que les immigrants qui ne parlent pas déjà anglais s'intègrent par le travail et apprennent l'anglais «sur le tas», au contact de leurs nouveaux compatriotes. Au Québec, la situation est plus compliquée car les immigrants apprennent le français, certes, mais aussi l'anglais parce que c'est la langue de l'Amérique et la langue internationale.
Là où les choses diffèrent, comme me l'écrivait un médecin qui fait sa spécialisation post-doctorale à Toronto, c'est qu'on y tolère davantage les accommodements raisonnables. «On peut faire ses transactions en chinois ou en français aux guichets de la Banque Royale, les restaurants ont des menus dans plusieurs langues, et j'aurai deux semaines de congé à Noël parce que mes collègues arabes et juifs préfèrent prendre leurs vacances pendant leurs propres fêtes.»
Les accommodements raisonnables - ces petits compromis visant à huiler les rouages d'une société moderne et diverse - ne sont pas du tout inconciliables avec l'intégration des immigrants. On pourrait dire, au contraire, que cela facilite l'intégration.
Contrairement à un autre mythe qui voudrait que la xénophobie soit une particularité québécoise, au Canada anglais il y a beaucoup de gens qui en ont contre les immigrants. Si l'on y tenait des audiences à la Bouchard-Taylor, on en entendrait là aussi des vertes et des pas mûres. La différence, c'est qu'aucun parti politique, au Canada anglais, n'a cherché à se faire du capital politique en exploitant les questions identitaires.
[Histoire de se distinguer à tout prix du reste du Canada, le gouvernement québécois a inventé un néologisme - «l'interculturalisme» - pour qualifier son modèle d'intégration.->10234] Mais la définition qu'on en donne ressemble en tous points à ce qui se fait au Canada anglais, la seule différence étant que là-bas, l'intégration se fait autour de l'anglais plutôt que du français.
Cessons de nier la réalité: le Québec - en tout cas la région montréalaise - est bel et bien une société multiculturelle, à l'image de toutes les sociétés occidentales qui, en franchissant le cap de la modernité, ont dépassé le stade de l'homogénéité.
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