Le mandat péquiste

M. Charest n'a pas à s'inquiéter: faire la promotion de la souveraineté n'interdira pas au PQ de se préoccuper de l'économie.

Actualité québécoise - vers une « insurrection électorale »?

Le premier ministre Charest a fait une lecture pour le moins sélective des résultats de l'élection de lundi. La paille qu'il a cru apercevoir dans l'oeil de Pauline Marois l'a clairement empêché de voir la poutre dans le sien.
Il n'a rien trouvé de mieux que d'attribuer au froid de décembre un taux d'abstention record que le directeur général des élections a qualifié de «catastrophique». L'idée qu'il puisse lui-même en être responsable ne semble pas lui avoir effleuré l'esprit ou inspiré le moindre regret.
M. Charest n'a pas davantage été en mesure d'identifier un seul facteur qui puisse expliquer les résultats très décevants obtenus par son parti. Au contraire, il s'est dit convaincu d'avoir mené une des meilleures campagnes de sa carrière. Heureusement!
En revanche, moins de dix-huit heures après la fermeture des bureaux de scrutin, le premier ministre avait déjà trouvé le temps d'analyser la signification du vote péquiste et il s'est empressé de l'expliquer à Mme Marois.
Selon lui, le PQ n'a pas reçu le mandat de relancer le débat sur la souveraineté. Le mandat? On peut comprendre que M. Charest perçoive sa courte victoire comme une défaite, mais c'est tout de même lui qui dirigera le gouvernement.
D'où le premier ministre tire-t-il l'idée que les électeurs péquistes ne veulent pas entendre parler de souveraineté? D'entrée de jeu, il a prétendu faire de l'économie l'unique enjeu de l'élection, mais ce serait faire injure à l'intelligence de la population que de penser qu'elle est incapable d'une analyse plus large.
De toute évidence, M. Charest n'a pas lu la plate-forme péquiste. Il y est écrit en toutes lettres: «La souveraineté du Québec est l'objectif premier du Parti québécois. Le Parti québécois continuera à faire la promotion de la souveraineté, car la souveraineté c'est avoir le dernier mot sur notre avenir.» Il serait difficile d'être plus clair.
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Il est vrai que, sans l'écarter formellement, Mme Marois a clairement indiqué que la tenue d'un référendum ne faisait pas partie de ses plans, mais plus la campagne a avancé, plus elle a réitéré sa foi dans le projet souverainiste.
Il y a à peine dix jours, M. Charest lui-même a fait tout un plat parce que Mme Marois disait avoir «les mains liées par le mouvement souverainiste». Il n'a pas cessé de l'asticoter, sous prétexte qu'elle voulait rouvrir la Constitution, alors que la lutte contre la crise devrait monopoliser toutes les énergies. Un minimum de cohérence serait de mise.
Mardi, la chef péquiste a refusé avec raison de considérer les voix obtenues par son parti comme autant d'appuis à la souveraineté, mais contrairement à ce que prétend M. Charest, ceux qui ont voté pour le PQ souhaitent qu'elle en parle.
Dans la déprime de l'après-référendum, le discours autonomiste de l'ADQ en a distrait plusieurs de la réalité du fédéralisme canadien, qui ne laisse aucune place à la mythique «troisième voie». N'en déplaise au premier ministre, maintenant que le mirage adéquiste a disparu, il faudra bien rediscuter des deux seules avenues qui s'offrent aux Québécois.
M. Charest n'a pas à s'inquiéter: faire la promotion de la souveraineté n'interdira pas au PQ de se préoccuper de l'économie. Loin de lui mettre des bâtons dans les roues, Mme Marois lui laissera tout le loisir de démontrer ce qu'il peut faire, mais elle insistera surtout sur ce qu'il est incapable de faire.
Ce n'est sans doute pas un hasard si Bombardier Produits récréatifs (BRP) a attendu au lendemain de l'élection pour annoncer la mise à pied de 1000 employés, qui illustre parfaitement l'impuissance d'un gouvernement provincial, si bien intentionné qu'il puisse être, face à une crise de dimension planétaire.
Le gouvernement Lévesque était sorti en piteux état de la crise du début des années 1980. Inévitablement, les libéraux devront aussi payer le prix de la période difficile qui s'annonce. Mme Marois aura beau jeu de prétendre qu'un Québec souverain aurait pu mieux s'en tirer.
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Si l'avenir semble prometteur, la chef du PQ aurait néanmoins intérêt à faire, elle aussi, une relecture attentive des résultats de lundi. Invitée à nommer l'événement marquant de la campagne, Mme Marois a plutôt évoqué «la constance et la cohérence dans le projet [que le parti] a présenté tout le long de la campagne».
Pourtant, s'il fallait pointer une faiblesse dans la campagne du PQ, c'est bien sa plate-forme, qui était la moins articulée depuis longtemps. Si on exclut le chapitre portant sur la souveraineté et l'identité québécoise, le commentaire qui est revenu le plus souvent durant la campagne portait sur la ressemblance troublante entre les propositions péquistes et libérales.
Il est vrai que le déclenchement des élections a pris le PQ de court, mais le flou de sa plate-forme traduisait aussi un désir de ménager la chèvre et le chou. En dix-huit mois, Mme Marois a eu le temps d'imposer à son aile radicale le report du référendum à une date indéterminée, mais la redéfinition du «projet de société» est demeurée à l'état d'ébauche.
L'élection d'un premier député de Québec solidaire dans Mercier n'est pas de nature à faciliter l'exercice. Mme Marois assure que cela n'affectera pas sa détermination à moderniser la social-démocratie, dans la mesure où il ne s'agit pas de revenir sur les principes, mais simplement d'en revoir les modalités.
C'est précisément là que se situe le problème. L'accord sur un principe n'exclut pas les divergences sur son application. Par exemple, ceux qui prônent une augmentation des droits de scolarité et ceux qui réclament la gratuité complète en font tous une question de justice. Remarquez, le jour où il sera à nouveau question de référendum, il y a de bonnes chances que les souverainistes s'entendent pour remettre cette discussion au lendemain de l'indépendance.
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mdavid@ledevoir.com


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