Le maire Tremlay doit-il partir?

Chronique d'André Savard

Perché à l'ombre de Paul Desmarais et inspiré en pages éditoriales par des gens qui redoutent un appel téléphonique de l'entourage de Jean Chrétien, le journal La Presse a toujours mérité une certaine méfiance. Sur le long terme, ce journal a manifesté tant d'absurdités qu'on oublie que leurs journalistes d'enquête font souvent fort bien leur travail. C'est assurément le cas dans le bras de fer qui oppose La Presse à la mairie de Montréal.
La première question venant à l'esprit dans toute cette affaire concerne la privatisation d'une société d'habitation qui avait mission de gérer un patrimoine collectif. Il n'est pas plus sensé de privatiser une société d'habitation qui gère un parc immobilier municipal que, pour un gouvernement, de mettre en vente un ministère. Si cela s'est fait sans que la ministre Normandeau ne réagisse, on peut l'expliquer par la mentalité de Jean Charest lui-même. Il a défendu un nombre incalculable de fois le principe que le privé pouvait très bien assumer les obligations publiques.
On peut confier la gérance d'avoirs collectifs à des intérêts privés sans que cela tourne à la catastrophe, soit. Si, par contre, une administration met carrément en vente ses responsabilités (la Société d'habitation assumait de façon exclusive la responsabilité de protéger des intérêts collectifs) elle refuse par le fait même d'agir ultérieurement à titre d'autorité. La porte est ouverte pour la dilapidation des avoirs municipaux par des brasseurs d'affaires véreux.
La journaliste Michèle Ouimet de La Presse a parfaitement raison d'écrire à propos du spectacle de vierge offensée du maire Tremblay: "Le numéro du bon gars qui tombe des nues, ça commence à faire. " Le maire Tremblay a probablement consenti à livrer la Société d'Habitation à des brasseurs d'affaires avec l'idée que l'organisme se transmuterait en "grappes industrielles". On sait qu'il a lancé le concept alors qu'il était un ministre libéral estimé à Québec.
Le maire Tremblay a probablement pensé que le parc immobilier montréalais était un patrimoine dormant. Du temps où il prônait les "grappes industrielles" il avait fort bien vu le dynamisme particulier des affairistes versus les fonctionnaires des administrations publiques. Félicité pour son concept de "grappes industrielles", le maire Tremblay s'est entouré de tempéraments faits pour piloter ce genre de projets.
Séduit par le dynamisme des gens d'affaires, le maire Tremblay a oublié que leur énergie provient de leur résolution à devenir riches. Forts, travailleurs, méthodiques, ils vont certes administrer efficacement mais ce sera par avidité. Tous ne tournent pas malhonnêtes, certes, tandis que d'autres le sont déjà. Le maire Tremblay a voulu insuffler le moteur de l'intérêt individuel à la Société d'Habitation. Or il est difficile de mettre dans une seule foulée le moteur de l'intérêt individuel et celui du désintéressement à la tête d'une administration.
À la racine du geste stupide du maire Tremblay, on retrouve, outre la naïveté du maire, le contexte général. Depuis la défusion, Montréal est une ville parcellisée qui se voit plus comme un regroupement d'administrations et d'intérêts. La ville décomposée a mission d'assumer des services de proximité, expression à la mode qui, dans le fond, ne distingue pas une métropole d'une banlieue. En bon libéral, le maire Tremblay a idéalisé cette situation sans tête, croyant dans l'égoïsme productif des abeilles.
En privatisant la Société d'habitation, le maire Tremblay, l'abandonnait à la "main invisible" pour reprendre l'expression d'Adam Smith. La Ville de Montréal devient un principe fédérateur de différents modèles, celui des arrondissements, ceux aussi servant à la logique d'enrichissement des intérêts privés. Le maire Tremblay n'y a peut-être vu rien de mal, seulement une conjuguaison de différents modèles. Élu dès le départ avec l'appui des défusionnistes, fatalement, Montréal devait devenir une proie déchirée par des ghettos et des magouilleurs.
Il y a très longtemps que le maire Tremblay n'est pas l'homme de la situation. Il ne l'a jamais été. Il est sympathique à l'émission Infoman et on pourra le remercier pour ses chroniques, le geste le mieux inspiré de ses deux mandats. Maintenant, c'est assez.
Les montréalais interrogent le vide. Qui est en mesure de le remplacer pour faire de Montréal une métropole? La population n'a pas confiance en Labonté. Le temps n'est plus aux intérêts de carrière et au confort personnel. Madame Louise Harel devrait songer à sa nomination à la mairie de Montréal comme étant une question de salut public.
André Savard


Laissez un commentaire



1 commentaire

  • Raymond Poulin Répondre

    4 mai 2009

    Possiblement l'analyse la plus objective et la plus juste du comportement du maire Tremblay. Je doute toutefois que Louise Harel soit enthousiaste à l'idée d'hériter de la situation kafkaïenne qu'a créée Charest par le corset administratif qu'il a imposé à Montréal lors de la défusion. Il aurait voulu détruire la métropole qu'il n'aurait pas agi autrement.