Le «krach» démographique

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Notre société se transforme, nous le savons. Vieillissement de la population, surconsommation et défis environnementaux, instabilité économique, fragilité identitaire, isolement social, etc. Les bouleversements seront nombreux. Pour les affronter, la mise en commun des efforts de toute génération est nécessaire. Or, à un moment où notre société vieillissante engendre déjà de profonds changements, le dialogue entre nos générations est, au mieux, inaudible.
L'impact des choix de politiques publiques à venir se fera sentir, non dans la prochaine année ou après un mandat, mais bien dans 10 ans et au-delà, lorsque «la relève» actuelle prendra les rênes de notre société. Malgré cette réalité, nous percevons déjà les effets pervers de notre système politique; le poids démographique d'une génération vieillissante influe concrètement sur le débat public. Conséquemment, les considérations immédiates, telle la gestion immédiate du système de santé, ont préséance sur des enjeux à long terme. Pourtant, les conséquences du vieillissement de la population transcendent les frontières d'âges ou de générations et se transposent dans toutes les activités de notre société. Le défi démographique est donc avant tout un défi collectif.
Alors, pourquoi cet enjeu marquant n'est-il pas ouvertement discuté au sein de nos débats publics, particulièrement les partis politiques? Le besoin de vision et de leadership se fait sentir, car les défis sont grands. Il y a un manque criant de véritables solutions, c'est-à-dire celles qui se veulent structurantes pour les prochaines générations et non pas celles qui satisfont à court terme.
La génération montante ne peut assumer à elle seule tous les défis du vieillissement de la population, elle a besoin de partenaires. En ce sens, la génération qui est à l'aube de la retraite ne peut se replier dans un monde «Liberté 55», laissant aux plus jeunes le soin de remplir les caisses de retraite déficitaires. Sur le plan humain, la génération montante ne veut pas d'une société où les personnes âgées sont isolées et dévalorisées: elle recherche à développer ses liens affectifs et le mentorat de ses aînés. C'est pourquoi nous devons bâtir des ponts entre les générations.
Nous devons favoriser l'implication et l'intégration de nos aînés dans la société tant par le travail ou le bénévolat que par la création de plateformes intergénérationnelles. Il faut encourager l'embauche de personnes plus âgées, empêcher les pratiques discriminatoires sur la base de l'âge et mettre fin aux politiques de retraites hâtives. De plus, nous devons nous assurer que chaque organisation saisisse les occasions de mentorat et de transfert de connaissances entre générations.
Quant au bénévolat, il nous faut le valoriser, tant celui des personnes âgées dans leur communauté que celui de la relève. Favoriser le bénévolat implique également d'encourager et de soutenir les aidants naturels par l'adoption de politiques publiques appropriées. Il faut inciter la création de maison intergénérationnelle, où les membres de chacune des générations pourront partager leur expérience et leurs idées au quotidien. Voilà une autre façon de développer la conciliation travail-famille. Bref, pour arriver à contrer les effets pervers de notre société vieillissante, il nous faut créer une solidarité et une coopération plus édifiante, bâtie sur un dialogue intergénérationnel, pour mettre en place des solutions novatrices.
Pour réaliser notre plein potentiel, ce dialogue doit valoriser la créativité et l'innovation de la relève. Cette nouvelle impulsion pourra également être encadrée dans l'expérience d'une génération qui a vécu et mené la transformation du Québec moderne. Si l'ensemble de la société permet à la relève de participer davantage au débat public, nous serons mieux préparés à assumer nos responsabilités futures. Ce dialogue est nécessaire pour chasser la peur et les incertitudes propres à toute génération qui craint de voir disparaître ses acquis identitaires et économiques. Par ailleurs, on ne peut risquer l'inertie de notre société.
Mais, avant tout, ce dialogue n'est possible que si nous agissons indépendamment du leadership de nos décideurs. Pour que nos décisions collectives soient véritablement sources de changement, chacun doit se responsabiliser et percevoir l'intérêt collectif dans ses choix individuels. En tant qu'enfant ou parent, qu'employeur ou employé, chacun doit faire les choix et les actions qui construiront ce dialogue. Surtout, une révision de nos mentalités collectives, autant dans nos vies personnelles que professionnelles, est nécessaire. Il suffit de penser et d'agir différemment. L'action s'impose.
Chose certaine, nous devons instaurer au sein de nos institutions, de nos entreprises, de nos communautés et de notre vie politique la reconnaissance mutuelle de l'apport de chaque génération à l'avancement de notre société. Ce n'est qu'avec cette reconnaissance que nous pourrons nous mobiliser pour affronter les défis à venir. C'est grâce à cette vision intergénérationnelle que nous nous adapterons aux changements inévitables qui surviendront. Bref, il faut empêcher à tout prix que la vieillesse de notre société entraîne celle de ses idées.
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Mélanie Joly, Stéphanie Raymond-Bougie, Paul St-Pierre Plamondon, Jean-François Bernier, Nicholas Cerminaro, Pierre-Antoine Fradet, Marc Jeannotte, Andréanne Michon, Caroline Nantel
Membres du conseil exécutif de Génération d'idées


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