Le géant Amazon détrône les détaillants du Québec

Be49ef658a45a8492e604558bb7e0e26

L'achat en ligne des consommateurs québécois ne se fait pas chez des commerçants d'ici

La saignée continue pour les détaillants d’ici qui voient leur popularité chuter de 12 % au profit du géant américain Amazon, valorisé à plus 560 milliards $ US et qui ne paye toujours pas sa juste part d’impôt et de taxes ici, selon certains.


Les Québécois achètent plus sur Amazon (55 %) que sur les sites de détaillants de chez nous (43 %), conclut un sondage effectué par le Groupe Altus pour le Conseil québécois du commerce de détail (CQCD) publié aujourd’hui.


Pire encore pour nos entreprises, les consommateurs boudent encore plus les détaillants canadiens par rapport à la même période l’an dernier. À l’automne 2016, 61 % magasinaient sur des sites web de détaillants d’ici alors que ce chiffre a fondu de 18 % cet automne pour passer à 43 %.


Kijiji et eBay suivent


Les Québécois magasinent aussi beaucoup sur Kijiji (30 %) et eBay (27 %). Sans surprise, ce sont les 18-34 ans qui sont les plus nombreux à surfer les aubaines avec leur appareil intelligent, observe le sondage.


Plus de 80 % des consommateurs d’ici ne suivent pas les détaillants sur les médias sociaux. Ceux qui le font se tournent surtout vers Facebook (94 %), Pinterest (24 %) et Instagram (17 %).


Question de prix


Pour Jean-François Grenier, directeur principal, services-conseils en recherche chez le Groupe Altus, qui a effectué le sondage, Amazon domine par la force de ses prix.


« Les gens regardent les prix et se disent : “C’est moins cher là que là”. Ils ne sont pas très fidèles », estime M. Grenier.


Selon lui, il est faux de dire que les Québécois sont portés à acheter québécois en ligne. À preuve, il y a quelques années, il a fait des campagnes du style « Achetez Québec » qui n’ont eu que de très maigres et décevants résultats.


Jean-François Grenier estime que seuls les détaillants québécois qui sauront offrir des produits qu’Amazon n’a pas sauront tirer leur épingle du jeu. Par exemple, un consommateur qui sait que son vêtement de chez Simons n’est pas disponible sur Amazon continuera à visiter le détaillant d’ici.


Rappelons qu’au mois d’août dernier, une étude de l’Institut du Québec (IdQ) a tiré la sonnette d’alarme en soulignant que le Québec perdait au moins 350 millions $ par année en recettes fiscales parce que les consommateurs de chez nous se tournent de plus en plus vers des sites étrangers pour effectuer leurs achats.



EST-CE QU’ON PAYE DES TAXES EN MAGASINANT EN LIGNE SUR AMAZON ?


1– Sur Amazon.com, le site américain, non, la plupart du temps.


Sauf si c’est par exemple Renaud-Bray, un détaillant québécois, qui vend à un consommateur québécois. Dans ce cas-là, les taxes doivent être payées parce qu’Amazon ne sert que d’intermédiaire. En résumé, si un Québécois vend à un autre Québécois, on paye les taxes.


2– Sur Amazon.ca, la TPS (Ottawa), oui, mais rarement la TVQ (Québec)


Amazon.ca est une compagnie canadienne. La TPS s’applique donc toujours.


Si le produit acheté vient de l’Ontario, la TPS sera payée, mais pas la TVQ, car il vient de la province voisine.


Ce qui fait dire au professeur émérite à HEC Montréal Jacques Nantel qu’Ottawa et Québec devront songer un jour... à mettre carrément fin à cette forme de taxe pour trouver un nouveau modèle plus facile à appliquer.


EN QUELQUES CHIFFRES


Panier d’achats mensuels moyen : 281 $ 


Achats sans frais de livraison : 63 % 


Produits livrés physiquement : 75 % 


Produits livrés par voie électronique : 25 % 


« AMAZON, C’EST UNE MACHINE » – LÉOPOLD TURGEON, PDG DU CQCD


Est-ce le début de la fin pour les détaillants québécois sur le web ?


Non, non. Pas du tout. Au contraire. Je vais appeler ça « l’éveil » malgré ce que l’on voit au niveau des ventes. Il n’y a jamais eu autant de détaillants québécois présents en ligne [...]. Les petits commencent à se dire qu’ils n’ont pas le choix d’y être parce que le consommateur est là. Mais c’est clair qu’Amazon aux États-Unis vend 50 % de tout ce qui se vend sur le web. Amazon, c’est une machine.


Quelle est la recette du succès d’Amazon ?


Ils font de la fiscalité agressive. Au lieu de payer 26 % en fiscalité comme nos entreprises, elles en payent de 0 % à 3 %. Leur bassin de 330 millions de consommateurs leur donne une économie de marché les favorisant d’au moins un autre 15 %. En plus, quand ces compagnies-là n’ont pas l’obligation de payer la taxe, elles viennent chercher encore un 15 %. Parfois, elles n’ont même pas à exiger les frais de douanes. Bref, elles ont un 60-65 % d’avantages. Impossible de concurrencer ça.


Québec et Ottawa en font-ils assez pour nos détaillants ?


Non. Les entreprises étrangères doivent au moins avoir l’obligation de payer les taxes de 15 %. [...] Nous sommes sortis avec le député Amir Khadir et avec Peter Simons pour le dire. Il faut prévoir une loi qui dit que si on a une présence significative au Québec, on a l’obligation de collecter les taxes et les retourner au gouvernement. L’Australie, le Japon, la Nouvelle-Zélande, une partie des États américains, la Russie le font... plusieurs pays ont modifié leur loi. Ici, on ne l’a pas fait.


Est-ce la faute des consommateurs québécois qui vont sur Amazon ?


Est-ce qu’on veut renoncer à nos programmes ? On se donne des lois, de l’éducation, des services de santé. Tout ça a un coût. Si on ne veut plus payer de taxes, il va falloir être conséquent. On va avoir moins de programmes. Tu ne peux pas avoir le beurre et l’argent du beurre.