Avant d’être un art de remporter des campagnes électorales, la politique est l’art d’exercer un leadership. Le pouvoir tombe toujours entre les mains de ceux qui prennent des initiatives et qui agissent avec audace, et cela reste vrai que les actions soient bonnes ou mauvaises, intelligentes ou stupides. Telle est la clé du succès d’un homme comme Stephen Harper, tout comme elle a été celle de son modèle G.-W. Bush : audace, détermination, rapidité d’action. Pas de doutes, arrogance, critiques rejetées du revers de la main. Il ne sait peut-être pas où il s’en va, mais il y va résolument. Il exerce un leadership.
C'est triste à dire, mais le succès de Harper est, à sa manière, bien mérité. Car le rôle d'un homme politique, s'il en est un, est de proposer des projets et des actions concrètes susceptibles de réaliser des aspirations ou d'apporter des solutions aux problèmes. Il est là pour diriger, préférablement dans le respect du peuple et par son prestige plutôt que par la contrainte ou la manipulation. Mais faute de grives on mange des merles, et le peuple trouve son leadership là où il peut. Quand les hommes politiques qui poursuivent le bien sont pusillanimes, poltrons, quand ils modèlent leurs discours sur les sondages d'opinion, le leadership de la basse politique triomphe, tout simplement parce qu'il remplit le vide.
Je me suis pris à rêver que le Bloc québécois faisait preuve, lui aussi, de courage et d’initiative. Dans mon rêve, le Bloc annonçait à la surprise générale le retrait de tous ses candidats à la prochaine élection fédérale et recommandait à la population québécoise d’appuyer le NPD. Dans une déclaration fracassante, le chef du Bloc affirmait que renverser le gouvernement Harper était une priorité, mais que cela ne remettait aucunement en question l’objectif de l’indépendance du Québec, qui allait être poursuivi par d’autres moyens.
Le généreux sacrifice du Bloc ne desservait pas pour autant les intérêts du Québec. Les stratégies de Harper étaient complètement déstabilisées par ce revirement de situation imprévu. Le Québec redevenait soudain un acteur de premier plan dans la politique canadienne. La porte était grande ouverte à une coalition libérale-NPD à l’échelle du Canada et comportant un nombre important de députés québécois. Elle permettait à une relève aux idées nouvelles d’accéder aux commandes de l’État canadien. Le Québec avait joué un rôle de premier plan dans la victoire contre Harper, et cela suscitait un vaste élan de sympathie et de reconnaissance envers les Québécois dans tout le ROC.
Dans un deuxième temps, le Bloc québécois devenait un parti provincial ayant pour objectif prioritaire de réaliser l’indépendance du Québec au plus tôt. Des négociations étaient entreprises avec le parti Québécois et Québec solidaire afin de fonder un front uni qui se présenterait aux prochaines élections provinciales dans une élection référendaire portant sur l’indépendance du Québec. Cette mobilisation de tous les talents politiques intervenait au moment précis où le parti libéral de Jean Charest, miné de toutes parts par les scandales de corruption et l’incompétence, avait perdu toute crédibilité. Cette initiative audacieuse créait une émulation parmi la population québécoise qui se voyait par le fait même invitée à faire elle aussi un choix courageux - car l’exemple est toujours plus convaincant que les paroles. L’espoir d’un changement profond à portée de main fouettait les ardeurs de tous ceux qui en avaient le désir. La générosité de l’action du Bloc avait créé dans le ROC un élan de sympathie qui allait permettre aux négociations sur l’indépendance de se dérouler dans un climat aussi serein que possible, dans le meilleur intérêt de tous.
Beaucoup l’ont souligné, le ROC se comporte d’ores et déjà comme si le Québec ne faisait plus partie du Canada. Cette attitude est bien compréhensible. Car cette situation d’«entre-deux-chaises» où un membre d’une organisation conteste sans cesse son appartenance sans avoir le courage de la quitter est proprement intenable. Elle fait plus de tort que n’en ferait l’indépendance. De nombreuses voix dans le ROC commencent même à le souligner. Malgré l’opposition assez généralement exprimée à l’idée de «briser le Canada», le fait que le ROC se comporte déjà comme si le Québec était indépendant est un signe très clair que l’idée a déjà fait son chemin et qu’une bonne partie du deuil est faite pour eux.
Le fruit est mûr. Il ne reste qu’à le cueillir. J’invite nos hommes politiques à se montrer à la hauteur de leur rôle historique. Il est temps de débrancher le pilote automatique et de prendre les commandes.
Le fruit est mûr
Courage et audace pour débloquer l'avenir
Élections fédérales - 2011 - le BQ et le Québec
Marc Collin4 articles
PhD histoire, université Laval, 2006. Je m'intéresse à l'histoire dans une perspective de psychologie collective, et mes principaux travaux ont porté sur les Rébellions de 1837-1838. Ma première monographie, "Mensonges et Vérités" dans les souvenirs de Fél...
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PhD histoire, université Laval, 2006. Je m'intéresse à l'histoire dans une perspective de psychologie collective, et mes principaux travaux ont porté sur les Rébellions de 1837-1838. Ma première monographie, "Mensonges et Vérités" dans les souvenirs de Félix Poutré, a été publiée en 2003 au Septentrion. Mon second ouvrage, "Le coeur de Chénier", doit être publié en 2011 aux éditions du Boréal.
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8 commentaires
Stéphane Sauvé Répondre
22 avril 2011Pour reprendre les propos de M. Lemay, "voter en bloc pour le BLOC (50%=1) équivaut à une élection référendaire."
C'est "drette" cà qu'il faut faire et souhaiter!
Maintenant, sur vos clavier, sur la rue, au téléphone et lancez le message. Cette élection est historique. C'est notre avenir et ceux de nos enfants qui est en jeu. Rien de moins.
Aussi, un gros merci à l'équipe derrière Vigile. C'est du sacré bon boulot que vous faites !
Lionel Lemay Répondre
17 avril 2011Je vais le répéter encore une fois, voter en bloc pour le BLOC (50%=1) équivaut à une élection référendaire.
Ce serait le premier grand pas des Québécois vers la souverainté du Québec.
Éric Messier Répondre
16 avril 2011M. Collin,
Je saisis l'essence de votre "rêve".
Néanmoins je ne pense pas que la présence du Bloc à Ottawa est ce qui nuit à l'indépendance du Québec.
Donc je ne vois pas la nécessité urgente de démanteler et venir "insérer" le Bloc comme un chien dans le jeu de quilles de la scène québécoise.
Il y a d'autres façons de mettre les forces bloquistes au service de l'indépendance.
Le Bloc est DÉJÀ présent au Québec, en plus d'être infiltré de façon légitime chez nos ennemis à Ottawa.
Archives de Vigile Répondre
16 avril 201150 représentants du fédéral au Québec à la place de 50 Bloquistes?
Non merci,on a déjà essayé ca avec les bandes à Trudeau et Mulroney.
Il y en a qui s'en souviennent.
Archives de Vigile Répondre
16 avril 2011Prendre ses désirs pour la réalité? Je trouve que vous y allez un peu fort dans la prospective. Présumé d'une alliance PLC-NPD? Croire que les Québécois voteraient en bloc pour le NPD parce que le bloc le demande? Je n'y crois pas. Personnellement, je préfère voir le maximum de Bloquistes à Ottawa. C'est une façon de récupérer, en faveur de mon rêve de pays, une partie des impôts que je paie à Ottawa. Je n'ai rien contre les pensions, pourquoi pas. Je ne déteste pas le jeu défensif. Plus souvent qu'autrement ce sont les défensives qui gagnent les championnats.
Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre
16 avril 2011Se rappeler qu'à Ottawa: "Un tiens vaut mieux que 2 tu l'auras."
Se rappeler aussi le pari perdant de Lévesque à Ottawa: Troquer son droit de véto contre ch'é pu quoi... pour apprendre après... que ce droit de véto n'a jamais existé.
Lise Pelletier Répondre
16 avril 2011M.Collin,
Quel merveilleux rêve vous avez fait là. Parfois on dit que ceux-ci sont des présages de l'avenir. Pourquoi pas et souhaitons-le.
Hors le rève, le réalisme de cette proposition mérite que vous la transmettiez aux députés du Bloc Québécois.
Le soulèvement de la population qui attend depuis 1995 que le projet du pays revienne à l'avant-scène.
Le congrès de Parti Québécois ayant lieu cette fin de semaine pourrait aussi en prendre bonne note.
Mme Marois semble se diriger vers un vote de confiance élevé et elle le mérite. Elle a fait les efforts en ce sens.
Lise Pelletier
Archives de Vigile Répondre
16 avril 2011Intéressant. Cela mérite réflexion. Jusqu'à maintenant, j'ai exprimé l'opinion contraire : voter en bloc pour le Bloc mais souhaiter l'élection d'un gouvernement conservateur majoritaire afin de créer chez le peuple québécois une grogne et une colère susceptibles de nous conduire à l'indépendance.
Mais cette idée du retrait du Bloc sur le front fédéral et une possible union des forces au Québec ne me déplaît pas du tout. Mais c'est loin d'être réalisable avec tous les rentiers que l'on retrouve au PQ et au Bloc. On ne lâche pas la rente facilement.
Pierre Cloutier