Le PQ perdu dans la forêt des moyens

Tribune libre

(extrait d'un article en préparation)
Inséré dans l’action, un parti développe des stratégies qui, en retour, s’imposent aux militants comme des nécessités, et peu à peu, nécessité fait loi. Les stratégies imposées par la realpolitik sont une vaste forêt où les buts premiers, peu à peu, s’égarent.
Songeons par exemple à la présentation d’une loi spéciale par le PQ pour empêcher toute contestation légale de l’entente entre Québécor et la Ville de Québec pour le nouveau colisée de Québec. Il existe bien un lien logique entre cette initiative et l’objectif premier du parti québécois, la souveraineté du Québec; mais ce lien en passe par une série si compliquée de relations causales qu’elle en perd tout sens.
L’objectif du PQ est de réaliser la souveraineté du Québec. Pour que le PQ puisse réaliser la souveraineté du Québec, il faut qu’il soit élu. Pour qu’il soit élu, il faut qu’il se rende populaire, notamment dans la région de Québec où il ne l’est pas. Pour se rendre populaire, il faut qu’il appuie le projet de colisée tant désiré par la population de Québec... ainsi, l’objectif de la souveraineté du Québec se dégrade, au long de cette chaine causale, pour aboutir à un appui de l’entente passée entre la Ville de Québec et Québécor pour la gestion du colisée! Vous êtes en faveur de la souveraineté? Vous devez donc appuyer cette entente.
On peut imaginer qu’il existe encore, dans le Parti Québécois, des militants sincères et tellement attachés au parti qu’ils seront capables d’avaler cette couleuvre. La nécessité de défendre le parti les conduira ainsi à défendre l’entente entre la Ville de Montréal et Québécor - tout comme jadis, les Communistes de l’Europe entière se sont abstenus de dénoncer les nazis par fidélité à la ligne de parti dirigé par Staline.
Ceci n’est qu’un exemple parmi bien d’autres de cet égarement des buts dans la forêt des moyens. Ces égarements sont systématiques et finissent souvent par devenir contraires au but visé. Ainsi de l’approche étapiste, qui demeure toujours, après deux échecs lamentables et 40 ans de tournage en rond, le fondement de la stratégie péquiste. Cette stratégie n’a jamais été remise en question, de près ou de loin; le Parti québécois n’a jamais eu à répondre de ses échecs, pas plus qu’une analyse sérieuse de ces échecs n’a jamais été faite. À ce premier compromis s’est ajouté une longue liste d’édulcorations de l’objectif : mise en veilleuse, conditions gagnantes, et particulièrement des campagnes simplement axées sur le «bon gouvernement».
Soufflés par l’échec de 1995, les Québécois ont laissé Lucien Bouchard prendre les commandes. Le déficit zéro et les assouplissments à la loi 101 sont devenus des «moyens» de réaliser la souveraineté. À tout prendre, dans la mesure où les conflits «affaiblissaient le parti», on pourrait aussi voir la purge par laquelle le PQ s’est débarrassé d’Yves Michaud, un de ses membres fondateurs resté trop fidèle à l’esprit initial du parti, comme un «moyen» en vue de réaliser la souveraineté. La méthode, recourir à la calomnie par une fausse accusation de discours antisémite, puis une motion de condamnation par l’assemblée nationale qui constituait un précédent en matière d’intolérance, était tout simplement ignoble. Mais après tout, la fin justifiant les moyens, n’était il pas nécessaire de mener cette sale action pour en arriver, à terme, à réaliser la souveraineté?

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Marc Collin4 articles

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PhD histoire, université Laval, 2006. Je m'intéresse à l'histoire dans une perspective de psychologie collective, et mes principaux travaux ont porté sur les Rébellions de 1837-1838. Ma première monographie, "Mensonges et Vérités" dans les souvenirs de Félix Poutré, a été publiée en 2003 au Septentrion. Mon second ouvrage, "Le coeur de Chénier", doit être publié en 2011 aux éditions du Boréal.





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3 commentaires

  • François Ricard Répondre

    29 mai 2011

    La "révolution tranquille" fut en fait une série de réformes qui se sont échelonnées sur pratiquement vingt ans: réforme dans le domaine de l'énergie; l'éducation; la santé; l'investissement étatique; l'assurance-auto; la langue; le financement des partis.
    Dans les années 1950. il y avait moins de 10% de la population qui était pour l'indépendance. En 1980, ce pourcentage a dépassé le 40%. Où on le retrouve actuellement.
    Il faut à nouveau se donner une série de réformes qui vont prouver à la population que nous pouvons assumer nos responsabilités et que c'est rentable de le faire. Voilà la véritable façon d'amener tous nos gens à l'indépendance.
    Nous avons besoin d'une réforme dans notre système de gouvernance. En effet, le système britannique est on ne peut plus bancal et devient de moins en moins démocratique. Alors pourquoi ne pas nous donner une constitution qui nous permettra d'élire notre chef (président, premier ministre,ou autre) au suffrage universel; qui permettra une meilleure représentation des personnes et des régions; qui rendra nos élus libres de voter pour les lois et budgets correspondants aux attentes de leurs commettants plutôt qu'à la ligne de partie; qui établira une nette distinction entre les pouvoirs: législatif, exécutif et judiciaire.
    Nous avons besoin d'une réforme dans la gérance de nos richesses naturelles. Pourquoi, à l'instar de certains pays, n'aurions-nous pas comme politique de base la participation de l'État dans tout projet d'exploitation. Cette participation pourrait être de 51% afin de nous assurer du contrôle total à chaque étape. Nous participerions aux risques mais aussi à tous les profits.
    Il faut convaincre la classe moyenne de vouloir l'indépendance. Mais la classe moyenne ne veut pas de révolution : trop d'intérêts l'attachent aux structures économiques, sociales et politiques de la société. Mais elle trouve son intérêt quand les institutions fonctionnent bien, donnent leur meilleur rendement. Les réformes doivent favoriser cette classe moyenne.
    Pareilles réformes pourront prendre cinq, dix années...Mais il y a bien des chances qu'elles nous mènent là où l'on veut, à l'indépendance.
    Chose certaine, c'est beaucoup plus emballant qu'un référendum dans la première partie du mandat....ou la deuxième partie du mandat...ou dans des conditions gagnantes. Pour le moment, personne ne veut d'un référendum.
    Amenons nos gens à l'indépendance par étape; prouvons-leur que nous sommes capables; démontrons-leur que c'est rentable. Après nous pourrons avoir un référendum pour l'indépendance... sans trait d'union.

  • Archives de Vigile Répondre

    29 mai 2011

    M. Marc Collin
    Vous écrivez:
    "Ainsi de l’approche étapiste, qui demeure toujours, après deux échecs lamentables et 40 ans de tournage en rond, le fondement de la stratégie péquiste. Cette stratégie n’a jamais été remise en question, de près ou de loin ; le Parti québécois n’a jamais eu à répondre de ses échecs, pas plus qu’une analyse sérieuse de ces échecs n’a jamais été faite."
    Je vous renvoie à un livre remarquable de Pierre Dubuc: "L'autre histoire de l'indépendance" Voir aussi "Les illusions du pouvoir" que j'ai écrit en collaboration avec Pierre Drouilly.
    Voir mes articles sur Vigile sur l'étapisme.
    Bonnes lectures. Vous m'en donnerez des nouvelles.
    Robert Barberis-Gervais, 29 mai 2011

  • Archives de Vigile Répondre

    29 mai 2011

    Arguments tordus, conclusion tordue. Voilà comment j'aie lu votre texte. Pour voir plus clair il serait plus sage de suivre la Commission parlementaire sur le sujet la semaine prochaine.