Québec État-nation

Le faible argumentaire de Pauline Marois

Tribune libre


En France et à Monaco, Pauline Marois se montre charmante et parfois convaincante mais son argumentaire à l’appui du statut d’État-Nation pour le Québec est faible, sinon inexistant, entre autres : la thèse des deux nations n’apporte aucun argument géopolitique qui vaille. Elle n’a pas répondu à ceux qui l’accusent de vouloir « détruire le Canada », expression simpliste et vide de sens s’il en est une.
En diplomatie comme en guerre, il faut d’abord et avant tout faire valoir l’existence et la présence de l’État que l’adversaire refuse de reconnaître. Les arguments servis à la défense de la cause relèvent de deux catégories : les arguments statutaires et les arguments principes.
Madame Marois ne connaît ni les premiers ni les seconds.
Un argument statutaire est simple et a pour objet de faire reconnaître le statut de l’État et la population pour laquelle le diplomate agit. Il faut en premier faire valoir son statut en fonction de l’ensemble géographique dans lequel on se situe.
Le Canada est un véritable continent distinct au nord des Amériques, qu’on se le mette en tête une fois pour toutes. Le Canada est aussi étendu que l’Europe. Il est recouvert de gigantesques obstacles rocheux et montagneux et les régions œkoumènes ne représentent qu’une infime portion de la superficie totale.
La population totale actuelle de l’espace continental canadien (il faut insister) est inférieure à celle de la Californie aux États-Unis, dont le peuplement a toujours dépassé de dix fois celui des régions au nord des 45 e et 49e parallèles, comprenant le Québec et le reste de l’espace continental canadien.
Les deux tiers de la population actuelle de l’espace continental canadien habitent les deux principales régions œkoumènes de tout l’ensemble : les basses terres du Saint Laurent et les basses terres des Grands Lacs, qui représentent moins de 1 % de la superficie totale du Québec et de l’Ontario. La troisième de ces régions, le delta du Fraser en Colombie-Britannique, est encore plus réduite et par conséquent beaucoup moins habitée que les États américains de la côte Pacifique.
Presque inaccessible, le Québec et le Canada n’ont été visités et colonisés que depuis très récemment, en empruntant soit le Golfe et le fleuve Saint-Laurent à l’Est, soit l’embouchure du Fraser à l’Ouest. Dans un cas comme dans l’autre, l’œkoumène est presque inexistant, ce qui explique l’absence d’habitat et le retard dans la colonisation des rares espaces organisables.
Le groupe le plus important et décisif dans cette colonisation lente et tardive s’est composé des Habitants des côtes de France, notamment de Normandie, Bretagne, Picardie, Anjou, Vendée et Aquitaine. Le froid glacial et prolongé de l’hiver et les sols morainiques difficiles à défricher ont retardé et même repoussé le développement du Québec jusqu’à très récemment.
C’est par un travail exténuant et prolongé que les Habitants ont fondé le Québec, dont les Anglais ont tenté de s’emparer. Mais les guerres entre l’Angleterre et les États-Unis ont forcé les Anglais à concentrer leurs effectifs et leurs efforts dans les basses terres des grands Lacs, ce qui a eu pour effet de libérer le Québec de leur présence. Nous avons acheté presque toutes leurs terres.
Si les Québécois sont nés de leurs communications dans le Saint-Laurent, les autres provinces, dont la plupart ont maintenant la stature de véritables États, sont nées du chemin de fer transcontinental construit pour faire la guerre aux Américains.
C’est au terme de tous ces efforts que le Québec est devenu nation et effectivement, est reconnu comme tel.
Reste maintenant au Québec à être reconnu État, dont il possède les assises. (Expliquer la construction de l’État du Québec)
L’obstacle principal sur sa route : les Anglais et les United Empire Loyalists ont fondé avec Ottawa un État post-impérial, unitaire et arbitraire que nous devons assumer, de gré ou de force. Cet État central est au service quasi exclusif d’une oligarchie qui a pignon sur rue à Bay Street à Toronto.
Notre but : Obliger Ottawa à laisser tomber notre espace d’État afin que nous puissions assumer les pleins pouvoirs d’un État-nation.
En plus du Québec, d’autres provinces ont acquis avec le temps la stature de véritables États, ce qui est normal pour un espace géographique aux dimensions continentales tel que le Canada. Dans de tels cas, ces provinces ne peuvent plus exister et vivre sous deux États, comprenant celui d’Ottawa.
Confronté à de telles conjectures géopolitiques, Ottawa devra céder.
Quant aux arguments principes, il y en a treize qu’il faudra bien apprendre un de ces jours.
Sans arguments statutaires et arguments principes, le Québec ne peut pas se faire reconnaître, ni comme nation et encore moins comme État-Nation.
JRMS

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René Marcel Sauvé217 articles

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J. René Marcel Sauvé, géographe spécialisé en géopolitique et en polémologie, a fait ses études de base à l’institut de géographie de l’Université de Montréal. En même temps, il entreprit dans l’armée canadienne une carrière de 28 ans qui le conduisit en Europe, en Afrique occidentale et au Moyen-Orient. Poursuivant études et carrière, il s’inscrivit au département d’histoire de l’Université de Londres et fit des études au Collège Métropolitain de Saint-Albans. Il fréquenta aussi l’Université de Vienne et le Geschwitzer Scholl Institut Für Politische Wissenschaft à Munich. Il est l'auteur de [{Géopolitique et avenir du Québec et Québec, carrefour des empires}->http://www.quebeclibre.net/spip.php?article248].





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7 commentaires

  • Luc Bertrand Répondre

    9 janvier 2014

    Monsieur Sauvé, nous sommes extrêmement chanceux de vous avoir de notre côté pour partager votre bagage de connaissances et d'expérience aussi unique que considérable, particulièrement depuis que notre système d'éducation vise davantage à former des exécutants que des penseurs ou des stratèges.
    C'est dommage que trop peu des politiciens, particulièrement les souverainistes, semblent maîtriser ces questions de géopolitique. Je ne serais pas surpris que le dernier à prendre vos arguments au sérieux ait été Jacques Parizeau. Ça en dirait long sur le calibre de ceux qui lui ont succédé à la tête du mouvement indépendantiste!
    Je vais lire vos deux articles avec plaisir! En tant que civil au service de notre ennemi commun (Ministère de la Défense nationale) et féru d'histoire et de politique, ma connaissance des événements de la Seconde Guerre mondiale m'ont permis de valider vos principes. Vos explications m'aident à comprendre que les principes de géopolitique qui ont joué lors des grandes batailles et lors de l'émergence des puissances militaires et économiques depuis que le monde existe peuvent nous faire comprendre pourquoi le combat pour l'indépendance du Québec stagne et anticiper la suite des choses.
    Tous mes meilleurs voeux de santé, de bonheur et de paix à vous et toute votre famille et amis pour cette nouvelle année! Et merci infiniment pour votre patience envers les profanes que nous sommes!

  • Archives de Vigile Répondre

    20 décembre 2013


    Merci monsieur Robillard.
    Comme le Larousse, je sême à tous vents, espérant que
    je finirai par tomber dans la bonne terre. Au
    terme d'une longue vie de recherches. j'ai appris à
    ne jamais laisser tomber. On finit par réussir alors
    qu'on s'y attend le moins.
    Joyeuses Noêl et Bonne Année 2014.
    JRMS

  • Archives de Vigile Répondre

    20 décembre 2013

    Bonjour Monsieur Sauvé,
    C'est toujours un plaisir de vous lire.
    Mais dois-je comprendre que vous revenez sur votre position que Mme Marois savait et comprenait les principes de géopolitique que vous avez essayé de lui inculquer?
    De René Lévesque à aujourd'hui, n'est-il pas temps de remettre votre confiance et vos espoirs dans la population, dont vous êtes issu et une gloire, plutôt qu'entre les mais de politiciens, avalés, institutionnalisé pour nous exploiter, participant un un système mortifère pour notre État, notre et nos économie(s), ses institutions, nos intérêts, rapports de forces et effectivités?
    "Seul le peuple est patriote, les élites ne savent que trahir" -source inconnue
    "En politique, écoutes les tous, mais n'en croit aucun" - source anonyme
    De joyeuses fêtes à vous et à votre famille.
    Cordiales salutations de la part d'un lecteur assidu et d'un compatriote engagé.

  • Serge Jean Répondre

    19 décembre 2013

    Merci monsieur Sauvé pour vos éclaircissements.Vous me pardonnerez toutefois si vous voulez bien, d'avoir été dans l'impossibilité de tout saisir ce que vous vouliez dire.
    Mon beau sapin roi des forêts.... Joyeuses fêtes à vous monsieur Sauvé ainsi que vos proches.
    Serge Jean

  • Archives de Vigile Répondre

    18 décembre 2013


    Dernière remarque monsieur Jean,
    Un STATUT est ONTOLOGIQUE. Il se rapporte à l'EXISTENCE
    COMME TELLE ET À SES LOIS.
    Il n'est pas logique au sens discursif du terme.
    La logique se rapporte au discours: l'ontologie se
    rapporte à l'existence et l'Être.
    Ce sont deux univers différents.
    Et lorsque nous abordons le problème de l'existence et
    et de l'Être, nous abordons un autre problème, central
    dans l'existence: la problème du PROGRÈS CONTINU et ce
    n'est pas un jeu de mots.
    JRMS

  • Archives de Vigile Répondre

    18 décembre 2013


    Monsieur Jean,
    Voir Géopolitique et avenir du Québec, conclusion:
    Si nous ne nous reconnaissons pas nous-mêmes (nation
    et État) personne ne le fera à notre place.
    Mon travail en géopolitique consiste à rechercher
    et vous fournir l'argumentation nécessaire pour que
    nous nous reconnaissions nous-mêmes nation et
    finalement État, avec les arguments qui conviennent.
    Mais nous sommes habitués à nous prendre
    pour des perdants, ce qui est faux selon l'optique
    de la géopolitique, puisque nous avons toujours gagné,
    mais pas de la manière qu'on pense.
    Statutairement, nous avons gagné toute la longueur
    mais il nous faut en prendre conscience. C'est ce
    que j'essaie de faire et ce n'est pas facile.
    Je rédige pour vous deux autres articles sur le sujet,
    le premier sur les arguments statutaires et le second
    sur les arguments principes.
    JRMS

  • Serge Jean Répondre

    18 décembre 2013

    Bien, mais par qui faut-il se faire reconnaître? Pas Ottawa quand même?
    Où sont nos parrains qui répondront pour nous?
    Ne serait-il pas plus logique et naturel de commencer par nous reconnaître nous-mêmes? Vous savez monsieur Sauvé, je trouve indigne de chercher à se faire reconnaître par les autres comme s'ils étaient nos maîtres répondants.
    C'est nous qui devons répondre de nous-mêmes, on a pas à demander la faveur de quiconque il me semble.
    Serge Jean