Le Duceppe nouveau?

En jouant à l’opposition perpétuelle, le Bloc affirmait dans les faits que le Québec peut défendre ses intérêts au sein d’un système qu’il prétend pourtant vouloir combattre

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Un renouveau nécessaire à sa survie





Cela saute aux yeux: depuis des années, la simple évocation d’une coalition gouvernementale soutenue par le Bloc québécois fait beaucoup plus réagir dans les médias canadiens que dans les médias québécois, lesquels sont plutôt discrets.


Cela nous indique une seule chose: au Canada, la présence de separatists dans l’appareil d’État n’a pas fini de faire pousser des cheveux blancs. Je précise que ma remarque ne vise aucunement à soutenir cette possibilité: lors du conseil général préélectoral de 2011, j’avais voté contre cette option en ma qualité de président de l’aile jeunesse du Bloc et je n’ai pas changé d’idée depuis.


Le retour de Gilles Duceppe ouvre néanmoins la question des orientations qu’adoptera le parti au cours des prochaines semaines.


La Loyale Opposition de Sa Majesté


Le Bloc québécois, qui a été décimé en 2011, avait un discours presque identique à celui du parti qui l’a supplanté, le NPD: celui d’une critique du parti au pouvoir plutôt que d’un procès du régime canadien. «La souveraineté ne se fera pas à Ottawa, mais à Québec» et «tant que les Québécois paieront des impôts à Ottawa, il faudra qu’ils y soient correctement représentés» y faisaient office de mantras officiels.


En 2004 et en 2006, un vote pour le Bloc en était un contre les commandites et le Parti libéral. En 2008 et en 2011, appuyer le Bloc signifiait s’opposer à la droite et au Parti conservateur. Quand le NPD proposait lui aussi de battre le PCC, mais en lui retirant le pouvoir plutôt qu’en se contentant de le sanctionner, le Bloc était à court d’arguments. Le Bloc était devenu si intégré à la dynamique politique canadienne qu’il peinait à affirmer sa distinction.


En jouant à l’opposition perpétuelle, le Bloc affirmait dans les faits que le Québec peut défendre ses intérêts au sein d’un système qu’il prétend pourtant vouloir combattre.


Le Bloc d’antan est mort


Le Bloc québécois a eu la main heureuse en ramenant Gilles Duceppe, dont l’envergure n’a d’égale que la notoriété. Intelligent comme il l’est, Duceppe doit être parfaitement conscient que le «nouveau cycle» auquel il appelle ne pourra être compatible avec les vieilles offres politiques. Il n’est plus à la tête d’un parti institutionnalisé de 50 députés. Le parti, dans une telle forme, ne renaîtra jamais. Son défi en est un de reconquête, pas de défense.


Je ne vois guère plus efficace facteur de polarisation que l’enjeu de l’indépendance du Québec. En critiquant efficacement le système canadien et les pertes qu’il impose au Québec plutôt qu’en attaquant uniquement le parti qui le menace électoralement – cette fois-ci le NPD –, le Bloc pourrait véritablement se distinguer par sa raison d’être, en plus de faire progresser celle-ci.


Bien plus que le choix d’un chef, c’est un message que les membres du parti ont envoyé l’an dernier en choisissant Mario Beaulieu pour les diriger.


Que sera le «Duceppe nouveau»? Impossible à prédire, mais il n’est pas exclu que celui-ci nous réserve de belles surprises.



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Simon-Pierre Savard-Tremblay179 articles

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Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).





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