Le discours déraisonnable de Gérard Bouchard

Hier encore, dans Le Devoir, Gérard Bouchard s'en prend avec mépris à «ces gens qui ne sont pas des intellectuels mais qui regardent les nouvelles à TVA ou à TQS, dans le meilleur des cas au Téléjournal»

L'affaire Gérard Bouchard - accusé d'élitisme et de "séparatisme"...

La consultation sur «les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles» est franchement mal partie. On ne voit pas comment un dialogue sera possible entre un conseiller municipal de Hérouxville ou un député de l'Action démocratique par exemple, et les co-présidents Gérard Bouchard et Charles Taylor. Ces deux «intellectuels» et le «vrai monde» ne sont pas sur la même longueur d'onde.
Créée le 8 février dernier - il y a six mois donc - la Commission n'a guère accouché que d'un calendrier pour l'instant. Elle s'est tout de même offerte un Comité conseil de 15 membres, tous universitaires émérites. Et elle a déjà abouti à une conclusion renversante: «On va se faire dire, dans toutes les régions dans lesquelles on va s'arrêter [...], que l'immigration et la diversité, ce sont des emmerdements...»
[Hier encore, dans Le Devoir, Gérard Bouchard s'en prend avec mépris->8262] à «ces gens qui ne sont pas des intellectuels mais qui regardent les nouvelles à TVA ou à TQS, dans le meilleur des cas au Téléjournal», et qui tiennent un discours du genre: «C'est bien plus simple quand on est tous pareils. Il est alors plus facile de prendre des décisions car les débats sont plus rapides, les gens partageant les mêmes codes.»
Jamais, même pas dans le village de Hérouxville, n'a-t-on tenu un tel discours au Québec. On se demande où Gérard Bouchard a été chercher cela, mais certainement pas en regardant TVA!
«Le vrai monde»
Les deux co-présidents se sont bien gardés de dire qu'ils avaient déjà conclu leur réflexion et que leur tournée de dix-sept villes du Québec ne visait qu'à convaincre «le vrai monde» - celui qui regarde TVA et TQS doit-on conclure! - de la supériorité de leur propre raisonnement - «intellectuel», il va de soi! - mais ils ont fait deux suggestions pas mal surprenantes.
Bouchard et Taylor ont vanté le multiculturalisme, au moment même où, tant dans le reste du Canada qu'aux Etats-Unis, on commence à se poser des questions sur les vertus de ce culte de la diversité.
À Toronto par exemple, on ne trouve plus drôle du tout l'apparition du phénomène des gangs de rues, cette sorte de sous-produit criminel des ghettos dont l'éclosion fut elle-même encouragée par la politique du multiculturalisme. Et, ignorant sans doute cela, les coprésidents ont eu l'audace de suggérer que le Canada anglais pouvait être considéré comme un modèle à proposer aux Québécois.
Farouche débat
Il y avait, mardi dernier, un ton condescendant dans les propos de Gérard Bouchard et de Charles Taylor qui n'encouragera guère «le vrai monde» à se présenter devant eux et à leur dire, dans leurs mots simples, que la diversité a ses limites.
Heureusement, certains intellectuels comme Jacques Godbout, écrivain et cinéaste, sauront le dire à leur place. Godbout ne fait pas partie du fameux comité conseil, même [s'il a lui-même lancé un farouche débat sur l'identité québécoise->2100].
[Voici ce qu'il pense, lui, du multiculturalisme->5791]: «C'est une politique naïve et généreuse qui est devenue, par un effet pervers, discriminatoire. En voulant assurer des relations harmonieuses entre les différentes cultures issues de l'immigration, en encourageant chacune d'entre elles à s'épanouir, le multiculturalisme a favorisé la ghettoïsation et l'apparition de barons ethniques qui se sont empressés d'exercer le pouvoir sur leurs communautés...»
Diversité ethnique
Bref, le débat souhaité par le gouvernement du Québec devrait être aussi ouvert que possible mais on n'a pas l'impression que les deux éminents personnages qu'il a nommés soient en mode écoute. Ils estiment par exemple que «la diversité ethnique constitue un enrichissement culturel», sans plus de nuances, et cherchent des arguments pour en convaincre les Québécois. Mais l'existence même de cette Commission et le débat politique lancé par l'Action démocratique prouvent qu'il y a bel et bien un problème. D'ailleurs, le Décret du gouvernement laisse entendre «que certaines pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles pourraient remettre en cause le juste équilibre entre les droits de la majorité et les droits des minorités».
Gérard Bouchard et Charles Taylor devront se montrer raisonnables et apprendre à s'accommoder de toutes sortes de mondes: le «vrai» monde, les intellectuels et les barons ethniques. D'ailleurs, le slogan qu'ils ont choisi le dit fort joliment: «Échanger pour s'entendre».
Or, pour échanger, il faut accepter de recevoir. Un peu d'humilité ne fera certainement pas de mal aux co-présidents de la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles...


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