Franc-parler

Le mépris (1 et 2)

L'affaire Gérard Bouchard - accusé d'élitisme et de "séparatisme"...


Puis-je revenir sur les propos de Gérard Bouchard?
Moi, ce qui m'agace dans la récente sortie du coprésident de la commission sur les accommodements raisonnables, ce n'est pas tant le regard méprisant qu'il porte sur les «gens qui regardent les nouvelles à TVA et à TQS» - quoique c'est assez croquignolet, merci.

C'est lorsqu'il affirme que les intellectuels comme lui «n'ont pas réussi à convaincre la population que la diversité ethnique, c'est un enrichissement culturel».
Ça, ça me fout en rogne.
Esprit de bottine
Car que dit monsieur Bouchard lorsqu'il lance de telles affirmations?
Il dit que la population ne sait pas que la diversité est un enrichissement. Or, c'est complètement faux. Ce n'est pas parce qu'on se pose des questions légitimes sur les «pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles» qu'on est fermé à la diversité! C'est quoi, cette équation stupide?
Si je me pose des questions sur la nécessité de givrer les vitres d'un YMCA pour ne pas choquer des juifs hassidiques, je suis raciste, c'est ça?
Je suis fermé? Je ne suis pas convaincu que la diversité ethnique est un enrichissement culturel?
Comme réflexion boiteuse, j'ai rarement vu pire. Même les p'tites gens qui «regardent les nouvelles à TVA et à TQS» («les pompiers et les chauffeurs de taxi», comme l'a expliqué le très inclusif Gérard Bouchard) sont capables de plus de subtilité dans leur pensée...
Terrorisme intellectuel
Savez-vous ce que monsieur Bouchard fait en lançant de tels propos explosifs? Du terrorisme intellectuel.
«Tu te poses des questions sur les accommodements ? Tu es raciste.»
La gauche est passée maître dans l'art du terrorisme intellectuel.
«Tu critiques la stratégie des cols bleus de Montréal ? Tu es antisyndicaliste. Tu trouves que l'État devrait être plus sévère envers les gens qui fraudent l'aide sociale? Tu es contre les pauvres. Tu trouves que certains écolos ont un discours trop alarmiste? Tu te fous de l'environnement.»
Dès qu'un citoyen se pose une question légitime, paf! on sort l'insulte suprême et on l'assomme avec, histoire de lui fermer la gueule une bonne fois pour toutes.
Eh bien, ça va faire. J'en ai ras le bol de ce chantage imbécile.
Je peux être CONTRE le port du kirpan à l'école et POUR la diversité. CONTRE les gens qui utilisent l'avortement comme un moyen de contraception et POUR le féminisme. CONTRE Big Brother et POUR le fait de resserrer la sécurité aux frontières.
J'ai le droit de me poser des questions sans me faire traiter de tous les noms.
Les deux ouvertures
Et puis, comme l'écrivait Joseph Facal dans sa dernière chronique, c'est bien beau, remettre en question l'ouverture des Québécois de souche, mais qu'en est-il de l'ouverture de certaines communautés?
Je suis pour la réciprocité. Si on a le droit de critiquer ceux qui accueillent, on a le droit de critique ceux qui sont accueillis.
S'enfermer dans le Chinatown, lire des journaux chinois, regarder la télé chinoise et ne parler aucune autre langue que le mandarin, je n'appelle pas ça s'intégrer.
Si tu ne veux rien savoir de moi, je me demande bien pourquoi je te demanderais ce que je peux faire pour te faciliter la vie.
Mais qu'est-ce que j'en sais, hein? Je ne fais qu'écrire dans Le Journal de Montréal...
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Franc-Parler
Le mépris
Richard Martineau
Journal de Montréal
22/08/2007
Il y a des gens qui ont des boulots ingrats. Prenez Gérard Bouchard, par exemple. Le codirecteur de la commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables fera bientôt le tour de la province pour entendre ce que les Québécois ont à dire sur la question.
Ça semble facile, dites-vous. Le gars s'assoit, écoute et prend des notes. Eh bien non, ça va être un boulot extrêmement pénible.
Pourquoi? Parce que monsieur Bouchard ne discutera pas seulement avec des intellectuels et des spécialistes. Il devra aussi écouter «le grand public».
Oui, oui, le grand public! Les gens qui prennent l'autobus, qui font leur épicerie le jeudi soir chez Costco et qui emmènent leurs enfants à La Ronde!
C'est pas écoeurant, ça? C'est pas dégradant? Autant d'années d'études pour se retrouver là, dans une salle climatisée de Saint-Glin-Glin, à écouter Joe Blow parler de sa p'tite vie...
C'est bien simple, juste à y penser, j'en ai les larmes aux yeux...
Vive la complexité!
Dans une entrevue qu'il a accordée récemment à l'auguste Devoir, Gérard Bouchard a dit que « les gens qui regardent les nouvelles à TVA et à TQS » trouvent que «tout est plus simple quand on est tous pareils».
Pas pire, comme propos réducteur, non? Les gens qui regardent Radio- Canada sont tous ouverts d'esprit. Et les gens qui regardent TVA et TQS sont tous des petites personnes frileuses qui aimeraient que le Québec soit blanc, francophone et catholique...
Et après ça, on nous dira que Gérard Bouchard est un intellectuel sophistiqué capable de jongler avec des concepts complexes!
Vous trouvez ça complexe, vous, comme vision du monde? Moi, je trouve ça extrêmement simpliste.
De quoi faire passer Rogatien Dubois, le chauffeur de taxi de Patrick Huard, pour Jean-Paul Sartre...
Le racisme n'a pas de classe
À croire monsieur Bouchard, plus on se rapproche du «grand public», plus on sombre dans l'ignorance et l'étroitesse d'esprit...
Je m'excuse, mais ce n'est pas le très intellectuel Devoir qui publiait des textes antisémites dans les années 1930 et 1940?
Ce n'est pas la très prestigieuse Université McGill qui a fermé ses portes aux juifs?
C'est quoi, cette idée stupide d'associer automatiquement l'élite à l'ouverture d'esprit? Les nazis qui préparaient l'Holocauste en écoutant les opéras de Wagner, en lisant l'oeuvre philosophique de Nietzsche et en buvant des grands crus français, ça ne vous dit rien, monsieur l'historien?
Le racisme n'est l'apanage d'aucune classe sociale, on retrouve des racistes autant chez les ouvriers que chez les médecins, et il est faux de dire que l'excellence journalistique ne se retrouve que dans les studios de Radio-Canada.
Le Q.I. de mon confrère Joseph Facal diminue-t-il de moitié dès qu'il se met à écrire pour Le Journal de Montréal ? Les propos de Michel Gauthier sont-ils moins intéressants maintenant qu'il travaille à TQS?
Guy Fournier était-il plus brillant parce qu'il travaillait à la société d'État?
C'est quoi, ce snobisme?
Des propos décevants
Dans sa dernière chronique, Michel Vastel s'est dit outré des propos de Gérard Bouchard. Je partage entièrement sa déception.
Dire que le «grand public» est nécessairement frileux, c'est comme dire que tous les intellectuels sont des pelleteux de nuages et des enculeurs de mouches...


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