Le désamour de la langue française

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« Notre situation de minorité linguistique en Amérique du Nord devrait obliger toute la classe politique à se préoccuper du problème aigu de la qualité du français parlé et écrit. »

La défense du français au Québec n’est plus un objectif pour les partis politiques. Sauf pour le PQ. Son chef Jean-François Lisée a fait la promesse électorale de faire voter la loi 202 – une référence pas très heureuse à la loi 101 multipliée par deux –, non pas pour limiter le recul actuel de la langue, mais pour mener un nouveau combat afin de lui donner sa place prioritaire au Québec.



Force est de constater que les autres partis politiques préfèrent mettre de l’avant l’économie, la santé, les infrastructures, l’environnement, comme si la politique de la langue était chose du passé.



Faut-il en conclure qu’à l’exception des souverainistes, les Québécois francophones ont pris leurs distances avec le français, dont ils estiment qu'il n’est plus menacé, protégé qu’il est par la loi 101? Ils ont donc tourné la page devant le combat mené par les générations précédentes.



Le mot «désamour» qui coiffe ce texte s’applique entièrement à la situation actuelle. Bien sûr, les Québécois continuent de parler français et les enfants des immigrants sont scolarisés en français jusqu’à la fin du secondaire. En effet, nombre de jeunes Québécois francophones parlent aussi l’anglais, la langue incontournable de la mondialisation culturelle.



Lien affectif



Mais qu’en est-il du lien affectif avec la langue, tel qu’exprimé par nos poètes qui, dans le passé, l’ont chantée magnifiquement? Or qui, de nos jours, donne envie d’être fier de notre langue? Quelles autorités politiques et scolaires dénoncent le relâchement général de la langue parlée? Qui sont les responsables de l’indifférence devant l’analphabétisme fonctionnel de la moitié de la population, c’est-à-dire l’incapacité à lire et à comprendre un texte moyennement difficile? Que penser de l’échec de l’école à transmettre aux jeunes les compétences requises pour écrire correctement?



Notre situation de minorité linguistique en Amérique du Nord devrait obliger toute la classe politique à se préoccuper du problème aigu de la qualité du français parlé et écrit.



Nous sommes, au Québec, l'un des rares endroits au monde où ceux qui s’expriment correctement sont encore taxés de snobisme et font rire d’eux.



Qualité linguistique



À quoi sert la loi 101 si la langue enseignée aux enfants est transmise par des enseignants qui eux-mêmes la massacrent? Si les politiciens usent d’un vocabulaire réduit, si, dans les médias, les journalistes et les vedettes en général déparlent littéralement? Il vaut mieux, alors, parler en anglais que de truffer la langue de franglais ou d’alterner entre le français et l’anglais dans la même phrase, comme le font tant de jeunes aujourd’hui.



Et que dire de l’ignorance du sens des mots que manifestent nombre de Québécois, des politiciens au premier chef? D’où découle la confusion des esprits telle qu’on la constate un peu partout.



Qui a intérêt à perpétuer et – ce qui est plus grave – à accentuer ce trait qui mène tout droit à la tour de Babel, où personne ne comprend personne?



La loi est impuissante à freiner la dégradation de la qualité de la langue. Elle ne peut que l’encadrer. Seuls nos responsables politiques peuvent en faire un objectif national, au nom du respect de notre langue commune. Autrement, il faut conclure que la langue française n’a pas plus d’avenir au Québec que l’indépendance du Québec, qu’ont rejetée deux fois les citoyens.