Le délire forestier de Mme Marois

Industrie forestière en crise


Il y a peut-être des gens qui doutent encore du fait que la vie politique québécoise est dominée par les régions et que la métropole est prise en otage. Eh bien! La chef du Parti québécois, Mme Pauline Marois, vient de le confirmer de façon éclatante.



Dans sa première intervention majeure depuis son assermentation, la chef péquiste a menacé de renverser le gouvernement Charest parce qu'il n'en fait pas assez pour résoudre la crise de la forêt. «S'il n'accepte pas nos propositions, nous pourrions appuyer la tenue d'une élection rapidement.»
Quand j'ai lu cette nouvelle sur Cyberpresse, j'ai failli tomber de ma chaise. Ce que Mme Marois nous dit, c'est que l'enjeu majeur qui se pose au Québec, qui justifie de défaire un gouvernement, qui servirait de coup d'envoi d'une prochaine campagne électorale, c'est la forêt. Et donc, que le gouvernement que les Québécois choisiraient pour les diriger devrait être celui qui offre les meilleures solutions pour résoudre la crise de la forêt.
Heureusement, il ne faut probablement pas prendre Mme Marois à la lettre. Sa menace s'inscrit dans le jeu politique qu'impose un gouvernement minoritaire et un ménage à trois à l'Assemblée nationale. Mais il y a quand même un message dans ce qu'elle dit, et l'énoncé de valeurs et de priorités.
Au moment où nous savons tous que les retards économiques du Québec s'expliquent largement par une productivité trop faible, qu'il faut corriger par une croissance des investissements, des efforts accrus en éducation, du progrès en innovation, on serait prêt à renverser un gouvernement parce qu'il ne baisse pas assez de prix la fibre ligneuse. Au moment où l'on sait que le Québec doit de plus en plus miser sur le savoir pour résister à la concurrence, on dépensera encore des centaines de millions pour la forêt. Au moment où des études sérieuses montrent que les grands centres urbains sont les moteurs du développement et que leur dynamisme fera la différence entre le succès et l'échec, l'enjeu des élections serait les régions-ressources.
C'est extrêmement troublant. Et on peut le dire sans être indifférent au choc que provoque la crise de la forêt dans bien des endroits du Québec et la perte de 10 500 emplois. Le problème est grave. Mais ce n'est pas le principal défi du Québec. Et surtout, il est loin d'être évident que les solutions passeront par la surenchère politicienne.
C'est d'autant plus troublant qu'il est difficile de ne pas sentir dans cette manoeuvre un calcul politique assez grossier. Les régions qui ont été touchées par la crise de la forêt et la fermeture d'entreprises se retrouvent essentiellement dans les circonscriptions où il y aura une lutte électorale, notamment entre péquistes et adéquistes. Ce qui nous rappelle une réalité politique, le fait que les élections se gagnent là où des circonscriptions peuvent changer de mains, et c'est surtout en région, et certainement pas sur l'île de Montréal. Ce qui explique la prédilection des politiciens pour des thèmes régionaux.
Le calcul politique est d'autant plus évident qu'on peut se demander pourquoi Mme Marois s'est émue des pertes d'emplois dans la forêt plutôt que des autres. Entre septembre 2004 et septembre 2007, donc en trois ans, le Québec a perdu 80 300 emplois dans l'industrie manufacturière, huit fois plus que dans la forêt. Et pourtant, Mme Marois ne menace pas de renverser le gouvernement parce qu'il n'en fait pas assez pour l'industrie manufacturière. Trop urbaine, peut-être?
Mme Marois envoie également un mauvais message aux travailleurs de la forêt eux-mêmes, en laissant entendre que la meilleure approche est la plus généreuse. Le gouvernement Charest a injecté beaucoup d'argent pour aider l'industrie forestière, sans réussir à enrayer la crise. Parce qu'il faudra des années pour compenser les effets de la baisse du marché américain, de l'appréciation du dollar canadien, de l'état de la forêt québécoise, de l'inefficacité de son réseau d'entreprises.
L'industrie n'a pas besoin de cadeaux ni de subventions additionnelles, comme le propose Mme Marois, et encore moins de sa «charte de la construction», pour forcer l'achat de bois québécois, une mesure parfaitement soviétique. L'industrie a bien davantage besoin d'un grand ménage. Et d'aide pour que les travailleurs puissent occuper les emplois dans d'autres industries. Ça fait mal, et ça n'est pas politiquement rentable.
Mais s'il y a une évidence, c'est que si nous avons un devoir de solidarité, il est clair que l'avenir du Québec ne passera pas par la forêt. En faire un enjeu majeur, comme le souhaite Mme Marois, c'est nous faire régresser, et c'est le contraire de la création de la richesse.
Source


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé