Le confort et la dissidence

ADQ - De l'identité à l'autonomisme - La souveraineté confuse



Le Québec est pris de stupéfaction devant la victoire morale de l'Action démocratique du Québec. Ce sentiment a même été exporté jusqu'à Toronto et à Paris, où on a proclamé que l'ADQ «exploite le même filon de l'intolérance que le Front national en France» (The Globe And Mail) et statué que «les réacs ont la cote au Québec» (Libération).
Il est vrai qu'il fallait trouver un marché extérieur: depuis lundi, l'usine à commentaires outrés est en mode surproduction.
«Revanche de l'esprit campagnard (et) retour à un Québec familial et frileux», analyse un politologue. «Un parti sans autre vision qu'une vague soumission aux revendications insatiables du vrai monde», plaide un avocat. «J'ai honte (devant) une montée de la droite avec son lot de valeurs xénophobes, homophobes et démagogues», scande une militante souverainiste. «Montée de la droite!», enseigne un leader syndical étudiant. Quelqu'un a inventé l'expression «McMario» pour désigner cette nourriture politique infâme dont le prolétaire se lassera certainement dès qu'on l'aura instruit des vertus du canard aux orchidées et des huîtres au sabayon de champagne...
Bref, on sent que changer de peuple pourrait être considéré par certains comme une idée intéressante, puisque celui dont nous disposons ne convient plus!
Depuis le bannissement du jambon dans les cabanes à sucre et l'interdiction de la lapidation à Hérouxville, la fracture sociale a semblé s'être creusée entre Montréal et les régions. Entre l'urbanité éclairée et tolérante, d'une part; la ruralité ignorante et bigote, d'autre part.
Mais, dans les faits, il s'agit de tout autre chose. À preuve: le quatre-cinq-zéro, où vivent les Montréalais qui n'ont pas les moyens d'habiter sur l'île et/ou préfèrent les grands espaces (!), a élu 18 députés adéquistes, lundi.
Jadis, on disait qu'un anglophone pouvait passer sa vie dans la métropole sans jamais avoir à prononcer un mot de français. Aujourd'hui, à la condition d'évoluer dans certains milieux, on peut facilement arriver à ne jamais être confronté aux véritables humeurs populaires. Ces milieux ne fréquentent pas que les mêmes officines, mais aussi les mêmes quartiers et les mêmes loisirs, les mêmes philosophes et les mêmes cafetiers. Surtout, ces «analystes du système» (pour paraphraser le concept de l'essayiste américain Jeremy Rifkin) accaparent la quasi-totalité de l'espace réservé à la parole publique.
En gros, il s'agit de ceux oeuvrant dans les industries du savoir et de la communication. De ceux ayant, par la nature de leur métier ou leur niveau dans la hiérarchie, le pouvoir de fabriquer et de faire circuler des idées ainsi que de façonner des courants sociaux et des politiques.
Or, depuis la Révolution tranquille, a régné dans ces milieux la conviction inébranlable que la boussole du progrès ne peut indiquer qu'une seule direction à l'exclusion de toutes les autres... ce relevé de cap traçant une route étroite - souverainiste, étatiste et social-démocrate à la mode classique - délimitée une fois pour toutes dans les années 60 et hors de laquelle on ne trouve que barbarie.
C'était confortable tant que le peuple - celui dont nous disposons...- semblait marcher, par monts et par vaux, à peu près dans la même direction.
Ça l'est moins, visiblement, lorsqu'il inscrit sa dissidence.


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