Le Canada et l'Afghanistan - Retour à la raison

Les marchands de canons ont profité des "erreurs" de Harper. Que la guerre soit perdue ou gagnée, ils s'en fichent complètement.

Les troupes étrangères présentes en Afghanistan n'arriveront pas à défaire l'insurrection talibane, a reconnu le premier ministre Stephen Harper dimanche à la télévision américaine. De la part du chef de gouvernement d'un pays qui a jusqu'ici payé de la vie de 107 soldats ses efforts pour mater cette insurrection, l'aveu est de taille. Il aura des répercussions énormes au Canada et chez ses alliés occidentaux ainsi qu'en Afghanistan.
Cette franchise d'un premier ministre à la réputation d'un va-t-en-guerre surprend. C'est lui qui a insisté en 2008 pour que la participation canadienne à la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) en Afghanistan soit prolongée jusqu'en 2011. Aujourd'hui, il rejoint ceux qui, depuis déjà quelques années, affirmaient que la guerre contre les talibans était perdue d'avance et qu'il fallait, pour éviter l'enlisement, avoir un plan de sortie.
Tous les observateurs avertis présents en Afghanistan, à commencer par les militaires canadiens, avaient pu apprécier, ces dernières années, la force de la résurgence de l'insurrection talibane. Dans la province de Kandahar, où sont stationnées les troupes canadiennes, l'ajout l'an dernier de 1000 soldats américains n'a pas permis d'inverser le mouvement. Tout au plus arrive-t-on parfois à contenir la progression talibane.
Que ce constat vienne maintenant de la bouche du premier ministre donnera au débat sur la participation du Canada à la guerre en Afghanistan une tout autre dimension. Les arguments des antimilitaristes deviennent tout à coup crédibles, eux qui rappellent depuis le début que ce pays n'a jamais pu être soumis au contrôle d'un pays étranger. Par contre, ceux qui glorifient cette participation en la qualifiant de combat contre «des barbares qui ferment des écoles, détruisent des vies, détruisent leur patrimoine, avilissent les femmes», selon les mots du maire de Québec, devront regarder les choses sous un autre angle.
La conviction que l'OTAN pourrait pacifier le pays s'appuyait, pour une part, sur la rapide victoire des États-Unis sur le régime taliban à l'automne 2001 et, d'autre part, sur cette idée du «barbare taliban» reprise la semaine dernière par le maire de Québec. Une idée intolérable à l'esprit occidental qui imaginait qu'elle serait aussi intolérable aux Afghans. La maire Labeaume devra maintenant se faire à l'idée de devoir négocier un jour avec les barbares puisqu'on ne peut les défaire. Ceux-ci auront sûrement pris note.
De la part du gouvernement canadien, entretenir la possibilité d'une victoire sur les talibans permettait de justifier le coût en argent et en vies humaines de la mission canadienne. Avec cet aveu du premier ministre, il sera plus difficile d'obtenir l'adhésion des Canadiens à une action de combat qui entraîne des pertes de vie et qui en entraînera d'autres d'ici à 2011. Même si on mettra désormais l'accent sur le mandat de formation de l'armée afghane et de développement de structures démocratiques et économiques pour justifier la présence de 2700 soldats canadiens en Afghanistan, ceux-ci n'auront d'autre choix que de continuer à être sur la ligne de feu. Ce sera le cas tout particulièrement ces prochains mois alors que s'intensifieront les activités insurrectionnelles à la faveur de l'élection présidentielle.
Le propos du premier ministre ne manquera pas aussi d'être entendu à l'étranger. Le président Obama fait du rétablissement de la sécurité en Afghanistan sa priorité et il entend obtenir de ses alliés de l'OTAN une augmentation de leurs contingents militaires. Stephen Harper ne rejette pas d'emblée l'invitation, mais insiste sur les leçons qu'il tire de son expérience afghane. Il ne voit pas comment on pourrait gouverner ce pays qui a été en insurrection constante tout au long de son histoire à la place des Afghans.
Entendre ainsi Stephen Harper, à la réputation de faucon, craindre l'enlisement et hésiter à s'engager plus avant en Afghanistan ne pourra que faire réfléchir les autres leaders de l'OTAN. Le premier ministre canadien vient ainsi de donner le ton de leur sommet d'avril où sera abordée la nouvelle stratégie afghane de Barack Obama.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->