Seul souverain français à avoir réellement soutenu la Nouvelle France, il l’a aidée mille fois plus que tous les rois précédents, dès 1663, mais en même temps il a été le seul à avoir accepté le commencement de son démantèlement.
Déjà en 1697 au traité de Ryswick par son acceptation de rendre aux Anglais la Baie d’Hudson pourtant courageusement reprise par les Canadiens avec Pierre d’Iberville, mais surtout par la suite au traité d’Utrecht en 1713.
Dès son arrivée au pouvoir le tout jeune et nouveau roi, Louis XIV s’est affirmé en prenant en main le gouvernement de la France, à la mort de Mazarin en 1661. Il a refusé d’avoir un Premier Ministre à ses côtés, acceptant seulement des conseillers et des ministres autour de lui, tout en leur soulignant « …Vous me donnerez des conseils… lorsque je vous les demanderai ! »
Le gouverneur Dubois d’Avaugour n’avait pas mis très longtemps à son arrivée à Québec à se rendre compte de l’état difficile dans lequel se trouvait la Nouvelle France.
Il pense qu’il serait profitable que ce nouveau roi soit mis au courant dans les plus brefs délais. Il décide de lui envoyer un délégué, quelqu’un qui connaît parfaitement le pays et serait à même de lui exposer exactement l’ampleur des problèmes de la Nouvelle France.
C’est ainsi que Pierre Boucher est envoyé en France afin de démontrer au jeune monarque dans que état réel se trouve la Nouvelle France, laissée depuis sa fondation en 1608 entre les mains de compagnies privées, censées aider à son peuplement et à la sécurité des habitants. Hélas bien loin de l’aide attendue, elle est restée sans grands secours, livrée à elle-même depuis tant d’années, très peu peuplée face à des tribus Odinossonis/Iroquois souvent hostiles qu’il fallait sans cesse amadouer.
La visite à Versailles de Pierre Boucher, ce jeune capitaine devenu gouverneur intérimaire de Trois Rivières, a été des plus fructueuses. A l’automne 1661, il a rencontré le Roi, il a pu lui exposer la vie difficile que mènent tous les Français alors qu’ils tentent avec tout leur enthousiasme et leur courage de bâtir ce nouveau pays si loin de leur mère patrie. Il aura un long aparté également avec le ministre du roi, Colbert surintendant de la marine et grand contrôleur général des finances du royaume.
Lorsqu’il quitte la Rochelle en juillet 1662 il s’avère que sa visite a été des plus utiles, la France en général et le Roi en particulier semblent vouloir enfin prendre au sérieux le sort de cette lointaine colonie ; Lorsque Monseigneur François de Laval à son tour traversera l’année suivante l’Atlantique et se rendra à Versailles, cela consolidera l’effet de la visite de Pierre Boucher, cela incitera Louis XIV à tenir la promesse qu’il lui avait faite, il va effectivement envoyer tous les renforts nécessaires et les soutiens vont arriver.
Dès 1663 la compagnie des Cent Associés est dissoute, le roi lui retire le monopole de commerce qui lui avait été donné par Louis XIII et Richelieu, il reprend toute sa souveraineté sur la Nouvelle France.
La Nouvelle France devient de ce fait un véritable coin de France, ce n’est plus une colonie, il remplace la Compagnie dissoute par un Édit de Création d’un Conseil Souverain, le 30 avril 1663, Acte fondateur de la Nouvelle France. Ainsi elle va être gérée exactement comme toutes les régions françaises.
L’aide du roi ne s’arrête pas là, en 1665 ce sera l’envoi du régiment de Carignan Salières où plus de mille trois cents hommes viendront aider à la sécurité des habitants, en repoussant au fin fond de leurs cantons, dont ils n’auraient jamais dû sortir, certaines de ces tribus Odinossonis les plus agressives envers les Français !
Les secours du roi totalement inespérés, se poursuivront avec l’arrivée de vaisseaux remplis de vivres, mais aussi d’animaux, de nombreux moutons, chevaux, poules, cochons, arriveront, puis suivront aussi de nouveaux habitants prêts à se lancer eux aussi dans cette aventure septentrionale afin de participer à la construction de la Nouvelle France.
Pour inciter les Français à franchir les mers, des contrats de trois ans leur seront proposés, de plus pour tenter de les ancrer dans ce pays, afin qu’ils s’y trouvent heureux et n’aient pas envie de retourner chez eux les trois ans écoulés, des jeunes filles à la recherche d’une mari y seront, elles aussi envoyées, les Filles du Roi..
Tout cela stupéfia les Français qui n’avaient jamais reçu autant d’aide depuis tant d’années!
Si les soldats du régiment de Carignan interloquèrent les tribus amérindiennes alliées qui n’avaient jusque-là jamais combattu aux côtés des Français, dans un tel déploiement de splendides uniformes, de tambours et de drapeaux flottant au vent et de tant d’armes et de munitions, de leur côté les Odinossonis en furent terrorisés et se réfugièrent au plus profond de leurs forêts !
Le Conseil souverain permit en installant une administration d’avoir désormais en plus d’un gouverneur, un Intendant, veillant tous deux à la bonne marche du pays tout en étant sans cesse en relation directe avec le roi.
La Nouvelle France était réconfortée, elle pouvait aller de l’avant désormais.
Le roi devait penser qu’il avait mis tout en place pour être à présent déchargé de ce souci.
En France les préoccupations ne lui manquaient pas, la politique européenne détourna ses regards vers d’autres problèmes épineux.
Lorsque le traité de Ryswick du 20 septembre 1697 mit fin à la guerre de la Ligue d’Augsbourg entre Louis XIV et la Grande Alliance, il confirma la puissance de la France en Amérique à qui Plaisance et l’Acadie seront rendus, mais Louis XIV doit restituer les territoires occupés du Duché de Lorraine, la Catalogne et Barcelone, ainsi que le Palatinat pour lequel il recevra néanmoins une compensation financière ;
Cependant une fois encore ce qui se passe en Europe se répercute aussi en Amérique du Nord, la baie d’Hudson est rendue aux Anglais , tous les efforts de Pierre Lemoyne d’Iberville, du Chevalier de Troyes et de tant d’autres pour reprendre les forts de la baie aux Anglais auront été vains « Bête comme un traité de Paix « dira le magnifique Pierre d’Iberville !
Louis XIV doit alors, au moment de ce traité, accepter en plus, de reconnaître Guillaume d’Orange et de Nassau, roi d’Angleterre sous le titre de Guillaume III, alors qu’il avait toujours refusé de reconnaître cet usurpateur au trône d’Angleterre qui avait rejeté son propre beau-père, le catholique Jacques II contraint de se réfugier en France, chez son cousin Louis XIV.
Immédiatement après ce traité de Ryswick est arrivé à l’ordre du jour la succession du roi d’Espagne. Charles II, n’ayant pas de descendance directe, sa mort allait poser indubitablement un gros problème. En effet deux familles, les Bourbon de France et les Habsbourg d’Autriche lui étant apparentées, pouvaient prétendre à cet héritage espagnol important - Pays Bas Milanais, Naples Sicile, Amérique - Joseph Ferdinand de Bavière petit neveu de Charles II le convoite mais aussi Léopold Ier de Habsbourg, et Louis XIV pour son petit-fils Philippe, descendant espagnol direct par sa grand-mère Marie-Thérèse d’Autriche fille du roi Philippe IV, et son arrière-grand-mère Anne d’Autriche, fille du roi Philippe III d’Espagne.
Même si la généalogie avait désigné en premier le grand dauphin de France, Louis, fils de Louis XIV, pourtant, afin d'éviter un accroissement de la puissance française, Charles II désigna comme héritier Joseph-Ferdinand de Bavière. Mais non seulement ce dernier décéda avant Charles II, mais également le grand dauphin, Louis. Il ne restait plus que Philippe, le duc d'Anjou, comme héritier, à la seule condition que ce dernier renonce au trône de France, c’est ainsi que Charles II d’Espagne fit son testament en la faveur du petit-fils de Louis XIV, le 2 octobre 1700.
Louis XIV accepta bien entendu le testament mais en maintenant son petit-fils à la fois comme roi d’Espagne et comme prétendant au trône de France. Cette attitude bien évidemment si elle déplut à l’Europe entière se sentant menacée par cette future fusion France-Espagne, elle ulcéra principalement l’Angleterre, le Saint Empire germanique avec les Pays Bas, ces derniers désireux depuis tant d’années de faire la scission avec l’Espagne, n’allait pas en plus accepter la main mise française !
Cela entraîna dès 1701 cette guerre de Succession d’Espagne, elle ne se terminera qu’avec le traité d’Utrecht en 1713 !
Ce traité desservira énormément la France mais il sera particulièrement catastrophique pour la Nouvelle France qu’il lésera et dépouillera. Louis XIV dut sacrifier une grande partie des territoires qu’il avait conquis, mais également de l’autre côté des mers dont Terre-Neuve, la Baie d’Hudson, l’Acadie..
Ce traité mit réellement fin à l’expansion française en Amérique ce qui indubitablement conduisit à un plus grand développement britannique.
Tant de sacrifices pour que son petit-fils devienne roi d’Espagne, mais en plus il fut forcé d’accepter ce qu’il avait refusé au départ, ce qui avait alors mis l’Europe en fureur, que Philippe V renonce à jamais en étant sur le trône d’Espagne, à celui de la France … lui et ses descendants.
A sa mort ce 1er septembre 1715, après une grave mais assez courte maladie Louis XIV laisse la régence à son neveu Philippe d'Orléans. En effet en quatre ans, de 1711 à 1714, la mort lui a enlevé toute sa descendance à l'exception d'un arrière-petit-fils de cinq ans, le duc d'Anjou, futur Louis XV.
Ainsi le vieux roi, après la terrible et épuisante guerre de la Succession d'Espagne, peut faire le bilan de son règne les clauses économiques sont très défavorables pour la France, au grand profit de l'Angleterre.
Si Philippe V reste roi d'Espagne, il perd les Pays-Bas et ses possessions italiennes (Milanais, Naples et Sicile).
Cependant, le "Roi-Soleil", grand monarque absolu, laisse le souvenir d’une France rayonnante, sous son règne elle a été le royaume le plus important et le plus stable d'Europe, face à une Angleterre prospère mais bien moins peuplée et qui sort d'éprouvantes guerres civiles. L'Espagne, sclérosée, est sur le déclin cependant que l'Allemagne et l'Italie, divisées en de multiples principautés, n'ont pas encore d'existence politique réelle.
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4 commentaires
René Marcel Sauvé Répondre
3 septembre 2015Merci pour ce texte éclairant chère Madame Morot-Sir. Vous lire est un plaisir et un progrès.
René Marcel Sauvé
Marie-Hélène Morot-Sir Répondre
3 septembre 2015Un grand merci chaleureux pour vos commentaires encourageants.
A Serge Dionne, effectivement notre Histoire est la même des deux côtés de l’océan, puisque vos ancêtres étaient aussi les nôtres, de ce fait nous sommes sans cesse profondément touchés par tout ce qui se passe chez vous. Quoique vous fassiez impossible de ne pas relever le défi auquel vous êtes confrontés depuis 252 ans, car vos ancêtres français ont réussi à bâtir votre magnifique pays à la force de leur enthousiasme et de leur courage, mais leur sang coule à jamais dans vos veines, ils vous ont passé le flambeau, l’avenir de votre pays est entre vos mains à présent. Nous vous soutenons de tout cœur.
A Ivan Parent, toujours très touchée de vos bons mots. Votre propos est d’autant plus d’actualité que l’Histoire est de moins en moins enseignée à notre jeunesse partout dans le monde, ce n’est pas uniquement chez vous.. mais il faut reconnaître qu’au Québec on tente d’évoquer de moins en moins le Passé de la Nouvelle France, s'il est laissé ainsi de côté, les nouvelles générations ne pourront pas alors en garder le souvenir !
Archives de Vigile Répondre
2 septembre 2015D'autant plus que votre histoire, chère Marie-Hélène, c'est aussi la nôtre. Certes le Québec a été fondé par Samuel de Champlain en 1608, mais la grande majorité des habitants de ce Québec ont les mêmes ancêtres que vous !
La distance, puis la Conquête nous auront fait manquer les Révolutions, les Empires, la Restauration, les Républiques et plusieurs autres "détails de l'histoire",(;-)) mais l'Empire colonial, le Grand siècle, les Lumières et jusqu'aux Capétiens et à Clovis sont autant d'épisodes de notre histoire que de celle des autres Français.
Merci d'être là, à nos côtés pour nous rappeler qui nous sommes et d'où nous venons. Peut-être finirons-nous par voir où nous devons aller pour être digne de nos ancêtres et de leur glorieuse et tumultueuse histoire.
Comme Yvan, je vous dis: bravo et merci !
ps:
Coïncidence, mon ancêtre Antoine débarqua à Québec en 1663, l'année du Conseil souverain; j'aime bien ce mot: "souverain", mais à l'échelle des peuples.
sd
Ivan Parent Répondre
1 septembre 2015Vigile est le grand bénéficiaire de vos connaissances en Histoire. Tout est d'autant plus intéressant et instructif, que l'Histoire n'est à peu presque plus enseignée ici. Cela dérange les fédéraux car si les jeunes connaissaient d'où ils viennent et ce qu'a vécu leurs ancêtres, les fédéraux, au Québec, ne feraient pas long feu. C'est connu qu'il est plus facile de contrôler des ignorants. Couillard et Harper sont les dignes représentants de cette mouvance destructrices du Québec. L'éclairage que vos textes apportent aux lecteurs de Vigile, sont précieux. Encore faut-il pouvoir en saisir l'importance.
Bravo et merci Mme. Morot-Sir