Langue française: savoir lire les indicateurs avant de partir en peur

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La menace est permanente et non seulement n'a-t-elle pas diminué, mais elle est plus grande que jamais






Pourquoi la langue parlée à la maison et la langue maternelle ne sont-elles pas des indicateurs démolinguistiques qu’on doit considérer, dans les circonstances, comme les plus dangereux et les plus pertinents pour la vitalité du français au Québec ?


 

Non, je le signale d’emblée, je ne suis pas à la solde du Parti libéral du Québec ni militante d’un groupe de pression pour les droits des anglophones ou des gens issus des communautés culturelles (même si je crois fermement en leurs droits, mais c’est un autre sujet). Je suis une Québécoise, francophone, sensible et sensibilisée à la situation du français au Québec, qui a travaillé en francisation et qui se spécialise actuellement au niveau doctoral en sociolinguistique du français en Amérique du Nord.


 

À la suite des chiffres inexacts parus dans les médias après que Statistique Canada eut publié un premier rapport dans lequel des erreurs s’étaient glissées, on a pu voir s’enflammer des gens, des politiciens et des organismes sur les réseaux sociaux et dans la presse.


 

Le fameux déclin tant redouté était à nos portes. De plus en plus de gens, selon ces faux premiers chiffres, parlaient l’anglais à la maison ou étaient de langue maternelle anglaise ! Ces augmentations, entre les recensements de 2011 et de 2016, se sont montrées parfois tellement importantes, notamment en région (par exemple à Rimouski : 164 %), qu’elles ont, d’une part, semé une panique chez certaines personnes et, d’autre part, éveillé de sérieux soupçons chez des observateurs, disons, plus habilités à interpréter les statistiques démolinguistiques, ce qui a conduit à des rectifications.


 

On aurait dit que, telle une pâte à pizza, la communauté de langue maternelle anglaise avait connu une dilatation fulgurante et que les nouveaux arrivants préféraient massivement l’anglais ; cela suscitait l’inquiétude. Et ce, malgré le fait que ce premier rapport montrait, déjà, que plus de 94 % de la population connaît le français de manière à soutenir une conversation et que la situation se montre stable à Montréal (voir l’article du Devoir du 3 août 2017).


 

Chiffres révisés, erreur de logiciel corrigée, le français, globalement, n’est pas sous l’emprise d’un affreux « déclin ». L’extermination n’est pas à craindre. Si, selon Statistique Canada, le français comme langue maternelle a finalement moins reculé qu’on le croyait (de 79,7 % à 79,1 %, soit de 0,6 %) — de même que pour l’anglais —, le français comme langue parlée à la maison a, de son côté, légèrement augmenté (de 87 % à 87,1 %, soit de 0,1 %).


 

Mais que veulent dire ces indicateurs ?


 

Langue d’usage public


 

Tout d’abord, la langue maternelle est la première langue apprise par une personne dans son enfance, et toujours comprise ; cela ne veut pas dire que le locuteur ne parle pas couramment une autre langue, comme le français, dans la vie de tous les jours. De nouvelles vagues d’immigration amènent avec elles des gens dont la langue maternelle n’est pas le français, c’est bien naturel, mais cela n’exclut pas qu’ils parlent le français ou s’intègrent en français à la société.


 

De deux, la langue parlée à la maison est la langue utilisée dans la sphère privée ; encore une fois, cela n’indique en rien que la langue utilisée dans l’espace public n’est pas le français. Par exemple, si un immigrant mexicain parle espagnol au foyer avec sa conjointe hispanophone, cela ne signifie pas qu’ils ne parlent pas français à l’extérieur ni même français comme deuxième langue au foyer.


 

L’indicateur le plus pertinent pour la vitalité (et la mesure du danger) du français au Québec, en ce moment, se trouve à être la langue d’usage public, celle que les gens utilisent pour communiquer avec les autres membres de la société. Quand on lit que de 94,5 % de la population est en mesure de soutenir une conversation en français, on comprend que la langue française exerce toujours un attrait important.


 

Dans une entrevue à la radio de Radio-Canada, le 17 août, Jean-Pierre Corbeil rapporte plutôt, après correction, une « relative stabilité du français [suivant différents indicateurs] plutôt qu’un recul ». De plus, il mentionne qu’une immigration importante en provenance de pays du Maghreb et d’Afrique subsaharienne explique en partie la baisse des taux pour les indicateurs (français et anglais) de langues maternelles ou parlées à la maison, tout en soulignant que la majorité de ces immigrants « parlent le français dans l’espace public, voire à la maison de façon secondaire ou principale ».


 

Finalement, on sait qu’avec des lois, comme la loi 101, qui encadrent l’apprentissage du français chez les enfants des immigrants et l’usage de la langue dans l’espace public, à la troisième génération, les langues d’origine sont généralement abandonnées au profit du français, et les descendants des immigrants, sauf exception, sont complètement intégrés linguistiquement. Si, par ailleurs, on a des critiques à adresser au gouvernement libéral en matière de politiques et de mesures nouvellement adoptées en francisation (budget, entre autres), faisons-le. Mais les solutions ne sont peut-être pas du côté péquiste ou encore caquiste… Humble avis personnel.


 
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