La vraie campagne commence

Une nouvelle campagne a commencé hier. Le débat a eu un effet dopant sur la confiance de Pauline Marois, qui a dit croire à un gouvernement majoritaire péquiste.

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Élection Québec - le 8 décembre 2008 - les souverainistes en campagne

Robert Dutrisac, Guillaume Bourgault-Côté, Antoine Robitaille - Une nouvelle campagne a commencé hier. Le débat a eu un effet dopant sur la confiance de Pauline Marois, qui a dit croire à un gouvernement majoritaire péquiste. Jean Charest l'a attaquée deux fois en disant qu'elle avait les «mains liées» par son option souverainiste et qu'il fallait enlever ces «menottes» au Québec. Quant à Mario Dumont, il a dit repartir à zéro. Les trois chefs ont tenu d'importants rassemblements en soirée.
«Je ne veux pas empêcher Jean Charest de former un gouvernement majoritaire. Je veux moi-même former le gouvernement majoritaire», a déclaré une Pauline Marois ragaillardie au cours d'un point de presse à Montréal.
Devant quelque 300 étudiants de l'Université de Montréal, Pauline Marois avait repris la formule employée par le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, qui cherchait à empêcher les conservateurs d'obtenir une majorité lors des dernières élections fédérales. «Jean Charest, il va me trouver sur son chemin», a lancé Mme Marois. Ce clin d'oeil au chef du Bloc était bien involontaire, a-t-elle précisé dans l'après-midi. «Je ne veux pas dire [aux électeurs] que vous avez besoin d'un gouvernement minoritaire. Vous avez besoin d'un gouvernement majoritaire, et moi je suis prête à exercer la fonction.»
En soirée à Montréal, Pauline Marois participait au rassemblement péquiste le plus imposant depuis le début de la campagne électorale. Une foule enthousiaste de 700 personnes, dont Gilles Duceppe, Jacques Parizeau et les candidats de la région de Montréal, l'a accueillie au théâtre Telus. La comédienne Sylvie Léonard a présenté la chef péquiste, puis Claude Dubois a chanté cinq de ses succès dont Femme de rêve qu'il a dédié à Mme Marois.
Dans son discours Pauline Marois s'en est tenue à proposer de «gouverner en souverainiste». Elle s'en est pris à Jean Charest qui a «renoncé à demander des changements profonds au Canada pour le Québec», ce qui signifie, selon elle, «que l'option fédéraliste n'a plus aucun espoir à offrir aux Québécois».
Devant les étudiants de l'Université de Montréal, Pauline Marois s'est livrée à un vibrant plaidoyer en faveur de la souveraineté, ne se contentant plus que d'une simple mention à la fin d'une allocution. «Au fond, la souveraineté, ce n'est pas compliqué: c'est se donner les moyens normaux d'un peuple normal», a fait valoir Mme Marois, des mots qui rappellent une formule chère à René Lévesque. Pauline Marois a lancé un appel à la mobilisation. «Est-ce que nous avons le droit de nous laisser aller au découragement, à l'abstention?», a-t-elle demandé à l'auditoire, qui a répondu par un non bien net. La chef péquiste a accusé Jean Charest de profiter du cynisme que manifeste la population pour obtenir un troisième mandat majoritaire. «Le plus grand obstacle au développement du Québec, ce n'est pas le Parti libéral, c'est le cynisme», a-t-elle dit.
«Détachons les mains du Québec»
En soirée, M. Charest a participé à son plus important rassemblement de la campagne au Centre des congrès le Parc, à Laval, où 1500 libéraux en liesse l'attendaient.
Plus tôt dans la journée, il avait souligné au crayon gras un «aveu» selon lui révélateur fait par Pauline Marois mardi: «J'ai les mains attachées avec le mouvement souverainiste.» Cela empêcherait selon lui la chef péquiste de proposer un «plan économique cohérent». Jean Charest a clamé qu'en revanche, lui avait les «mains libres»: «Moi, je peux vous dire, comme premier ministre du Québec, que j'ai les mains libres, et vous en avez eu une démonstration dans la dernière campagne fédérale. Je suis le seul des trois chefs capable de parler au nom de tous les Québécois, sur tous les enjeux.»
D'une part, donc, Mme Marois serait prisonnière du Bloc et d'autre part, Mario Dumont «a décidé de s'attacher au Parti conservateur fédéral». Selon M. Charest, cette allégeance a conduit le chef adéquiste à se taire durant la dernière campagne électorale fédérale et à abdiquer sur nombre d'enjeux, tels la culture, le développement régional, la réforme de la Chambre des communes, du Sénat et la Commission des valeurs mobilières, qui auraient pu le mettre dans une position délicate devant le parti de Stephen Harper. «Comme son discours de Toronto. Comme son silence à Rivière-du-Loup. Comme son silence partout», a déclaré le chef libéral.
En soirée, au terme d'un discours où il a insisté sur le rêve qu'il entend proposer aux Québécois d'un nouvel espace économique, il a conclut en réinterprétant la déclaration de la chef péquiste. «Mme Marois nous dit dans le [...] débat d'hier: [...] j'ai les mains attachées par le mouvement de la souveraineté», a-t-il d'abord rappelé. Puis, il a enchaîné en disant «le choix que je vous propose est le suivant : détachons-nous les mains au Québec. Enlevons les menottes que Mme Marois a d'attachées à ses mains. Rien n'est encore joué du Québec pour construire un nouvel espace économique.» L'attaché de presse Hugo D'Amours a précisé par la suite ce que le chef libéral voulait dir : d'une part, les Québécois ont le choix entre un chef de parti qui a les «mains attachées» et un autre qui a les «mains libres». Il faudrait aussi voir dans la déclaration une allusion au gouvernement majoritaire: «on ne s'est jamais caché pour dire que c'est ce qu'on voulait», a dit M. D'Amours.
Au même moment, à Montréal, Pauline Marois ridiculisait le chef libéral qui s'étonne de «la solidarité souverainiste» et qui soutient qu'il a «les mains libres» devant Ottawa. «Venant de Capitaine Canada, ça ne fait pas très sérieux!», a-t-elle raillé, ajoutant que le chef libéral avait plutôt «les deux genoux par terre» devant le fédéral.
Le ciment n'a pas pris
Le chef de l'Action démocratique du Québec, Mario Dumont, est apparu requinqué par sa performance au débat. Il a lancé un appel aux électeurs qui ont voté pour lui en 2007 afin qu'ils renouvellent ce choix le 8 décembre. Et pour stimuler sa campagne, le chef adéquiste a décidé de tout reprendre du début: le jour 1 de la campagne, c'était hier, a-t-il dit. Le reste n'était qu'un apéro précédent les choses sérieuses.
Encouragé mais réaliste, le chef adéquiste croit que le ciment de l'opinion public n'est pas encore pris. On vient à peine de «mélanger l'eau et les ingrédients secs», a-t-il illustré hier. «Les premières réactions [au débat] m'indiquent que l'opinion publique se questionne et qu'il y a des choses qui sont en ébullition. Beaucoup d'électeurs sont entrés en campagne [seulement] hier», a estimé M. Dumont, qui refuse de baisser les bras devant des sondages prédisant plus ou moins l'extinction de son parti, à 12 % des intentions de vote.
Selon le chef adéquiste, le débat de mardi lui a permis de compléter le casse-tête de sa plateforme. «Les gens peuvent être d'accord ou pas avec nos idées, mais il y a une vision claire et différente. Les morceaux des casse-tête péquiste et libéral sont pas mal tous de la même couleur. C'est pour ça que ce débat était très, très important [pour permettre de comparer].» Espérant profiter d'un second souffle, Mario Dumont n'entend pas pour autant changer de stratégie de campagne. «On a présenté notre vision, on va continuer à le faire, on va garder l'intensité.»
Il faut que les gens voient le «cul-de-sac» proposé par les modèles péquiste et libéral, a dit Mario Dumont. En soirée, M. Dumont a tenu un important rassemblement à l'aréna Gilles-Villeneuve de Berthierville. Plus de 300 personnes étaient présentes, bruyante foule qui a écouté le chef faire un discours de 25 minutes sans note et sans accroc, pimenté de quelques formules imagées appréciées du public. M. Dumont a beaucoup critiqué Jean Charest, qui a «échappé le volant» de plusieurs enjeux majeurs, selon lui.


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