La tentative iranienne d'exercer une hégémonie régionale au Moyen-Orient

par Marc Attali

"L'agression du Hezbollah contre Israël en 2006 a provoqué un affrontement majeur. " - Que dire de plus?.... (Vigile)

Quel est le point commun entre les nombreuses turbulences que traverse le Moyen-Orient actuellement, qu'il s'agisse de la prise de contrôle de la bande de Gaza par le Hamas, de la lutte pour le pouvoir du Hezbollah au Liban, de l'agitation qui secoue l'Irak ou de l'acquisition prochaine de l'arme nucléaire par une dictature radicale? La réponse est l'Iran.
Toutes ces menaces apparemment locales sont en effet liées à la tentative de Téhéran d'exercer une hégémonie régionale. La stratégie iranienne, maintes fois proclamée depuis l'instauration de la république islamique en 1979, commence à porter ses fruits. Elle consiste à répandre la révolution islamique dans tout le Moyen-Orient et également dans le reste du monde musulman.
Tous les dirigeants iraniens n'ont eu de cesse d'appuyer cet objectif, mais ils l'ont fait jusque-là avec la prudence qu'imposait le souvenir laissé par la longue guerre contre l'Irak dans les années 1980 et la crainte d'une opposition du monde occidental. Mais les circonstances géopolitiques actuelles ont accru la confiance du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, qui a adopté la ligne dure; ce qui l'a autorisé à d'autres comportements, à la fois imprudents et violents.
Ainsi, l'Iran tente-t-il d'étendre son influence par trois moyens: la propagande, l'aide à des organisations terroristes et l'affirmation de sa puissance. L'Iran soutient des organisations islamistes afghanes, irakiennes, libanaises, palestiniennes et autres. Ses principaux clients sont le Hezbollah au Liban et le Hamas dans les territoires palestiniens.
Si ces organisations ne sont pas -- totalement -- contrôlées par l'Iran et si leurs actions ne sont pas -- toutes -- ordonnées par lui, il est sûr que ce pays les finance, leur fournit des armes et des entraînements, façonne leur idéologie et les incite à la violence et au terrorisme. Sans son soutien, le pouvoir de ces organisations serait beaucoup plus restreint.
Plusieurs événements ont montré que l'Iran exhortait ces organisations à une plus grande agressivité dans des attaques terroristes et autres.
Au Liban, par exemple, le Hezbollah islamique d'obédience chiite a adopté la ligne de pensée de l'Iran. Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, est aussi le représentant officiel, au Liban, du «guide spirituel» iranien (le personnage le plus puissant d'Iran).
L'agression du Hezbollah contre Israël en 2006 a provoqué un affrontement majeur. Sans l'appui logistique et idéologique de l'Iran, jamais le Hezbollah n'aurait osé cette confrontation voulue par Téhéran. C'est ce qu'a déclaré le secrétaire général adjoint du Hezbollah, le cheikh Naïm Qassam, sur les ondes du réseau al-Kawthar. Il a dit que son mouvement se basait sur les décisions du guide spirituel, chef suprême de l'Iran, pour tout ce qui concernait ses actions et le djihad. Et il a ajouté: «Pour tous les autres détails des opérations, nous demandons des clarifications quant à ce qui est permis et ce qui est défendu dans un djihad et nous recevons des directives que nous suivons.»
Depuis la fin de la guerre de l'été 2006, le Hezbollah essaie de prendre le contrôle du Liban. À plusieurs reprises, l'Iran a été surprise en train de fournir clandestinement des armes au Hezbollah via la Syrie. Les Gardiens iraniens de la révolution présents au Liban agissent à titre de conseillers militaires du Hezbollah. Par ailleurs, les opposants libanais à l'axe irano-syrien ont été systématiquement assassinés. Il va de soi que l'Iran cherche à faire du Liban un État satellite.
Les mêmes stratégies sont employées avec les Palestiniens. L'organisation terroriste du Hamas et même le Djihad islamique palestinien, l'un des groupes les plus extrémistes, adoptent les directives de l'Iran. Téhéran les incite publiquement à mener des attaques terroristes.
Le mois de juin dernier a marqué un tournant dans l'histoire des Palestiniens. Le Hamas s'est emparé de la bande de Gaza, il a expulsé ses rivaux du Fatah, il a exécuté de nombreuses personnes pour leurs opinions politiques ou leurs activités et il a clairement affirmé son intention de transformer la bande de Gaza en un État islamique sur le modèle de l'Iran.
À la suite de cet événement, nombreux sont ceux qui, au sein de la population palestinienne et du monde arabe, ont exprimé publiquement leur crainte et leur colère que le Hamas réalise les efforts iraniens de contrôle de leur terre et de leur cause. Le 20 juin dernier, Yasser Abed Rabbo, un membre éminent du conseil exécutif du Fatah (un proche de Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne), déclarait: «L'Iran a aidé le Hamas à mener son coup d'État militaire contre le leadership palestinien légitime et à prendre le contrôle de la bande de Gaza.»
Dans la même veine, le ministre des Affaires étrangères égyptien, Aboul Gheit, affirmait dans un discours que l'appui iranien aux activités du Hamas à Gaza représentait une menace pour la sécurité nationale de l'Égypte.
Deux grands journalistes du monde arabe se sont aussi prononcés sur cette question. Pour Ahmad al-Jarallah, rédacteur en chef du journal koweïtien Al-Siyassa, «grâce à la prise de pouvoir du Hamas à Gaza, l'axe irano-syrien a réussi à saboter la paix entre Israël et les Palestiniens», devenant par le fait même l'ultime arbitre de la politique régionale. Et pour Tariq al-Humayd, rédacteur en chef du quotidien arabe Asharq Alawsat, «de toute évidence, les fonds proviennent de l'Iran. Aujourd'hui, personne ne contrôle le Hamas... si ce n'est l'Iran, son pourvoyeur économique, et la Syrie».
Avec l'arsenal nucléaire iranien qui pointe à l'horizon, il est à craindre que tout ceci ne soit que le début d'une politique dévastatrice. Si Téhéran acquiert la pire des armes de destruction massive, il ralliera les organisations les plus radicales pour attaquer l'Occident, les pays arabes modérés et Israël. Protégés par le parapluie nucléaire, l'Iran et ses alliés auront le champ libre pour attaquer les intérêts occidentaux sans risquer de représailles. Finalement, l'Iran sera capable de bloquer toute tentative de paix et aura les coudées franches pour que la région sombre dans un bain de sang qui risque de durer longtemps.
C'est la raison pour laquelle les événements en Irak, au Liban et dans les territoires palestiniens ne doivent pas affaiblir, mais au contraire renforcer la détermination de l'Occident à maîtriser l'Iran et, en particulier, à l'empêcher de se doter de l'arme nucléaire.
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Marc Attali, Consul général d'Israël à Montréal


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