Les largesses d'Hydro-Québec

La richesse de la Nation

Le Québec déroule donc le tapis rouge pour les alumineries. Et, il semble bien qu'il s'apprête à passer au très rouge dans le cas du Plan Nord.

Hydro-Québec — Grande Braderie

En page A-4 du Devoir de samedi dernier, le 18 février, nous apprenions qu'Hydro-Québec et la société minière Adriana Resources auraient négocié un contrat d'approvisionnement d'électricité au prix de 3,6 cents le kilowattheure (kWh), soit à un prix nettement inférieur au coût moyen de production de la société d'État. Si le prix négocié avec Adriana devait constituer un avant-goût de ce qui se prépare en lien avec le Plan Nord, les Québécois pourraient bientôt se retrouver dans une drôle de situation, pas vraiment drôle pour autant. Les multinationales seraient en effet seules admises à la virée minière du Plan Nord, alors que les Québécois,eux, se retrouveraient avec la gueule de bois des lendemains de surboum.
Évidemment, on a de part et d'autre nié les chiffres, mais si le passé est garant de l'avenir, comme le veut le dicton, il y a lieu de s'inquiéter. Avec les années, Hydro-Québec a fait une science de la pratique des contrats secrets à rabais.
Il y a à peine un peu moins de deux ans, donc, la société d'État s'engageait à approvisionner le Vermont en électricité pendant 26 ans au prix de 6 cents le kWh. Or, s'il faut se fier aux travaux du professeur Jean-Thomas Bernard, le côut moyen de production d'Hydro-Québec se situerait quelque part aux environs de 8,2 cents le kWh. Dans le cas de la Romaine, il s'agirait plutôt de 10 cents le kWh. Dans les circonstances, il ne faut pas se surprendre du fait que la société d'État ait voulu garder secrètes plusieurs clauses de son entente avec le Vermont.
À première vue, donc, le Québec aurait entrepris de révolutionner les principes fondamentaux de la microéconomie. Hydro perd sur chaque transaction, mais elle se reprend... sur le volume.
Le contrat liant la société d'État au Vermont ne serait cependant qu'un maillon dans la chaîne des ententes discutables que cette dernière aurait conclues depuis quelques années. Pourquoi abandonner une formule gagnante?
Récemment, donc le gouvernement québécois annonçait la mise en réserve d'un bloc de 500 mégawatts d'électricité dans le cadre d'un projet d'agrandissement de l'aluminerie Alouette de Sept-Iles. Dans ce cas, Alouette versera 4,5 cents le kWh, soit la moitié environ du coût de production de centrales que le Québec aura construites à ses seuls frais. Loin d'être en reste, la multinationale Alcoa bénéficiera quant à elle d'un bloc de 325 mégawatts à taux préferentiel pendant 25 ans. On parle également ici de 4,5 cents le kWh. Encore une fois, donc, Hydro-Québec brise courageusement les tabous centenaires de la microéconomie.
Nos «créateurs de richesse» semblent donc déterminés à jouer «outside the box». Le projet de modernisation d'Alcoa entraînera en effet un certain nombre de pertes d'emplois. Du côté de Rio Tinto Alcan, on s'applique plutôt à remplacer des emplois à 35 $ l'heure par des emplois de sous-traitance à 15 $ l'heure. Que voulez-vous, il faut bien que quelqu'un fasse les frais des radiations d'actifs de 17 milliards $ qu'a dû encaisser Rio Tinto suite à l'acquisition d'Alcan pour 38 milliards $ au sommet de l'embardée spéculative du secteur des ressources en 2007.
Le Québec déroule donc le tapis rouge pour les alumineries. Et, il semble bien qu'il s'apprête à passer au très rouge dans le cas du Plan Nord.
À l'heure actuelle, on évalue que ce projet représentera environ 80 milliards $ d'investissements sur 20 ans. De ce montant projeté, la participation d'Hydro-Québec comptera éventuellement pour 47 milliards $. On a expliqué plus ou moins clairement qu'il s'agirait d'approvisionnement en électricité, de construction de routes et d'aménagement de facilités portuaires et aéroportuaires. La minière Stornoway serait parmi les premières bénéficiaires de cette vaste entreprise de «création de richesse.»
Mais que l'on ne s'en fasse pas trop. Les Québécois auront droit à leur part du gâteau...16 % en redevances sur les profits, soit 365 millions $ annuellement. Mais, attention, on est révolutionnaire ou on ne l'est pas. La part du gâteau de Monsieur-tout-le monde sera rongée du coût des routes, facilités aéroportuaires, etc...Autrement dit, il ne restera pas beaucoup de calories dans l'assiette du Québec au terme du processus.
Décrivant le Nord québécois devant un parterre d'hommes d'affaires il n'y a pas longtemps, le ministre des Ressources naturelles Clément Gignac établissait un rapprochement entre cette région et les pays émergents. Il y a quelques années, la comparaison du ministre aurait été pertinente. Mais en 2012, les pays émergents ne sont plus ce qu'ils étaient. Ils montrent plus d'ambition que ne veut bien leur attribuer le ministre. Récemment, le Pakistan aurait favorisé la Chine plutôt qu'un consortium de multinationales pour développer un gisement minier, au motif que celle-ci s'engageait à transformer le minerai sur les lieux. Au Vénézuéla, on a plus ou moins nationalisé l'ensemble du secteur aurifère il y a quelques mois. Les Chinois, eux, manquent rarement une occasion d'imposer le régime de la coentreprise aux sociétés étangères qui veulent s'installer chez eux.
La semaine dernière, la critique péquiste en matière de ressources, Martine Ouellet, a suggéré au gouvernement de prendre des mesures pour amener les sociétés minières à transformer le minerai du Nord québécois ici plutôt que de l'expédier en Chine dès son extraction. Le ministre délégué aux Ressources, Serge Simard, a cependant vu là une mesure «protectionniste» que les investisseurs ne pardonneraient jamais au Québec. Le ministre ne le sait peut-être pas, mais il semble être un des derniers «purs et durs» du libre-échangisme économique.
Aux États-Unis, le président Obama proposait dernièrement des mesures impardonnables comme le retrait des crédits d'impôt aux sociétés favorisant la délocalisation de leurs procédés et l'augmentation des crédits d'impôts aux sociétés qui investiraient dans la haute technologie ou dans les régions déprimées
Les États-Unis compteraient désormais pour 86 % du marché mondial des incitatifs fiscaux et financiers destinés à attirer les entreprises chez eux. Là-bas, il y en a qui commencent à la trouver moins drôle de voir les emplois quitter pour le Mexique et la Chine. Le Québec leur pardonnera-t-il un jour de lui avoir volé Electrolux?.
Mais, puisque nous parlons de protectionnisme, pourquoi ne pas jeter un petit coup d'oeil du côté de la Chine? Il y a quelques jours, le New York Times reprochait à Apple de faire assembler ses iPods et ses iPads dans des usines chinoises ou les employés travaillent «souvent dans des conditions difficiles» Le journal ajoutait que ceux-ci étaient soumis à un rythme de travail «excessivement élevé». Il y a quelques années, dans les ateliers de misère, cela signifiait douze heures par jour en silence à 1,50 $...pour la journée, bien sûr. Et, ceux qui n'étaient pas jugés assez productifs s'exposaient à des châtiments physiques. Ça ressemble à de l'esclavage, ça. Est-ce que la sous-traitance de l'esclavage serait plus «noble» que la sous-traitance de la torture? Ce ne serait pas une forme de protectionnisme, ça, le travail esclavagiste? Et, qu'en est-il des subventions du gouvernement chinois à l'achat du pétrole? La Chine pratique le protectionnisme à plein régime.
Et, pendant que nous y sommes, pourquoi ne pas nous attarder un peu au sort des marins qui oeuvrent sur les navires qui transportent la marchandise vers et depuis la Chine. S'il est rentable d'envoyer les pièces d'un produit quelconque pour assemblage en Chine, le coût du transport ne peut pas être...disons prohibitif.
Mais, qui se souciera des conditions de travail de ces gens-là? Les Québécois, peut-être? En effet, comme l'admettait lui-même le ministre Sam Hamad, les largesses d'Hydro-Québec auront vraisemblablement bientôt un effet à la hausse sur les tarifs d'électricité au détail. Le Québec risque en effet d'être plus tôt que plus tard confronté à son originale formule de création de richesse.
Parce que les contrats d'Hydro-Québec ne sont qu'un élément de la formule. La rentabilité de la société d'État est en effet en bonne partie artificielle. Pourquoi a-t-on allongé la période d'amortissement des actifs de 50 ans à 100 ans dans la comptabilité de la société d'État? Ses constructions et équipements sont-ils bien entretenus? Et, il ne faudrait pas oublier, non plus les 150 millions $ annuels de Trans Canada Énergie.
Il semble bien, malheureusement, que le Québec applique sa formule révolutionnaire dans plusieurs domaines. Le trou de 38 milliards $ à la Caisse, est un exemple. Les fonctionnaires québécois réalisent-ils que la partie patronale de leurs régimes de pension n'est pas capitalisée? Peut-on se permettre de laisser placidement passer des contrats fédéraux comme ceux de la construction navale? «Moudit» que c'est beau être riche.
Le problème, c'est quand nos «créateurs de richesse» viennent nous dire que la serveuse chez le Gros Hector ne travaille pas assez fort ou que Max, dans le stockroom chez Wal-Mart, ne paie pas assez de taxes. Il y a des fois où on se demande si la devise du Québec n'est pas À genoux, plutôt que Je me souviens...


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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    23 février 2012

    En page 30 du Soleil de ce matin, le 23 février, on rapporte une affirmation du premier ministre Jean Charest voulant que le coût moyen de production de l'électricité au Québec soit de 2,14 cents le kWh. Le coût moyen mentionné à mon texte était erronné. J'ai travaillé de mémoire à partir d'un texte du Devoir dont voici la citation pertinente: «Interrogé sur les calculs effectués la semaine dernière par le professeur Jean-Thomas Bernard, de l'Université d'Ottawa, M. Hamad a reconnu hier que l'attribution de blocs d'énergie à bas prix aux alumineries pourrait amener une hausse des tarifs d'électricité pour l'ensemble des consommateurs québécois. Selon M. Bernard, le tarif préférentiel accordé aux alunineries s'établit à environ 4,2 cents le kilowattheure alors que le coût moyen de production d'Hydro-Québec est aujourd'hui de 8,6 cents» Alcoa modernisera des usines au coût de 2 milliards, Devoir, 8 nov.,p.B-3.

  • Archives de Vigile Répondre

    21 février 2012

    @ J.C Pomerleau
    Actuellement, il n'y a que le peuple qui peut reprendre le contrôle de l'état québécois. Le PLQ, le PQ et la CAQ sont disqualifiés, étant trois partis entremetteurs et vendus à l'establishment économique et au système fédéraliste "canadian". Les dés sont pipés; ça ne peut pas être plus clair! Je ne crois plus en ce système fédéraliste qui n'est plus ou moins qu'une dictature dans les mains d'un premier ministre provincial qui détient presque tous les pouvoirs de décision sur le peuple québécois et je ne parlerai pas de Harper à Ottawa. Regardez aller Charest depuis 2003, c'est assez clair n'est-ce-pas?
    En plus tous les médias sont dans les mains de l'oligarchie québécoise qui peut décider qui elle veut comme parti politique pour la représenter aux élections. Vous n'avez qu'à penser aux députés du NPD qui ont été élus le 2 mai dernier. Le Québec est réellement coincé dans un étau et seule une révolution par le peuple et pour le peuple combinée avec l'indépendance du Québec peuvent nous sortir de ce merdier politique et oligarchique.
    André Gignac 21/2/12

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    20 février 2012

    Hydro Québec est instrumentalisé et mis au service d'intérêts qui sont étranger aux nôtres. C'est aussi le cas de la Caisse de dépôt. Les actifs collectifs sont dilapidés. Le pillage de l'État est systématique. Charest a passé la ligne rouge de la corruption à la trahison de l'intérêt national.
    Devant la gravité de la situation, on fait quoi.
    On reprends le contrôle de notre État ou on le laisse aux mains des prédateurs un autre mandat ?
    Il y a urgence de choisir.
    JCPomerleau

  • Archives de Vigile Répondre

    20 février 2012

    Je n'en revient pas comme nos élites aiment endormir
    ou fourvoyer le Peuple Québécois.