On pouvait lire dans Le Devoir du 21 mars dernier un brillant plaidoyer en faveur d'une réforme du mode de scrutin («Encore une fois, la volonté populaire ne sera pas respectée», un texte accompagné d'une vingtaine de signatures).
Il est juste de soutenir que le système électoral québécois, favorisant grandement le bipartisme, induit de forts biais entre le vote exprimé et la députation qui en résulte. Le système doit être réformé, il ne fait aucun doute, et pour plusieurs raisons.
Malheureusement, dans toutes les raisons évoquées et les modifications proposées, aucune réflexion ne prend véritablement en compte l'aspect territorial du Québec.
Pourtant, il s'agit là d'une caractéristique fondamentale de notre pays. Tout en allant dans le même sens que les auteurs de l'article, soit pour une réforme du mode de scrutin qui respecte la pluralité idéologique du Québec, je crois qu'il serait utile de réfléchir sur un système qui prenne en compte la réalité du territoire et de la démographie québécoise.
Radio-Canada publiait, dans la semaine du 12 mars dernier, un court texte sur le déséquilibre entre le poids de certains électeurs dans des circonscriptions qui se retrouvent avec parfois près de la moitié moins d'électeurs que la moyenne demandée par la loi électorale. Sujet auquel fait écho le texte instigué par Claude Béland et d'autres, lorsqu'ils écrivent: «Le poids du vote des électeurs est inégal d'une région à l'autre.» J'en conviens, mais la réflexion ne doit pas s'arrêter au simple chiffre démographique qui commande la solution simpliste de l'agrandissement géographique de la circonscription.
En faisant cela, on ne règle aucun problème, tout en en créant un autre. Il doit y avoir un équilibre entre la représentation démographique et géographique afin que s'installe une véritable équité entre les électeurs.
L'exemple donné par Radio-Canada se situait en Gaspésie. Il est éloquent. Quand l'État décide de développer la péninsule gaspésienne, l'intérêt des populations concernées est défendu par quatre ou cinq députés (parfois élus, il est vrai, par seulement 25 000 électeurs alors que la moyenne est de 44 800), alors que la vision montréalaise est défendue par près de 30 élus en chambre. N'y a-t-il pas là un déséquilibre démocratique?
Cette situation explique en partie la déstructuration de régions entières dont le développement est décidé par d'autres, qui n'ont aucune idée de la réalité dans laquelle vont s'appliquer les décisions qu'ils ont influencées. Les cinq députés gaspésiens auront beau protester, ils ne pèsent rien face aux 30 députés montréalais qui «savent» ce qui est bon pour la Gaspésie.
Globalement, cinq régions administratives du Québec représentent plus de 80 % du territoire et de ses ressources. Elles ne disposent pourtant que de 15 élus sur 125. Comment voulez-vous que ces populations ne se sentent pas dépossédées quand les décisions concernant leur développement sont prises ailleurs et que ce sont elles qui assurent l'occupation du territoire, qui fait qu'aujourd'hui, il nous est permis de croire que tout cet espace fait véritablement partie de notre pays?
L'avion ou quelques coins de rue
Autre exemple. Pour rencontrer mon député et avoir accès à mon représentant démocratique, je dois faire 250 kilomètres, et je suis choyé: il y a une route. Mon compatriote de Quaqtaq, lui, doit prendre l'avion!
Parallèlement, l'électeur montréalais n'a bien souvent que quelques coins de rue à faire pour entrer en contact avec son bureau de comté et rencontrer son élu. Mon député a plus de 700 000 kilomètres carrés de territoire à couvrir à lui seul. L'exercice quotidien de la démocratie s'en trouve fortement déséquilibré.
Les révolutionnaires français de 1789 avaient pensé un système très équitable avec la division en départements. Ils partaient du principe que tout habitant devait être capable d'atteindre son chef-lieu en une journée de cheval. La réalité géographique québécoise est évidemment très différente de celle de la France mais ce principe d'équité dans l'accessibilité doit être introduit à la réflexion sur la réforme du mode de scrutin.
Au-delà de la représentation en chambre de la pluralité des idées, on doit trouver le moyen de rendre efficace et équitable l'exercice quotidien de la démocratie. Avec une représentation basée sur la démographie, on doit introduire un élément de représentation et d'accessibilité aux élus sur une base géographique.
Les électeurs des régions périphériques doivent jouir des mêmes droits et pouvoir les exercer dans des circonstances équitables par rapport aux électeurs des régions urbaines.
Olivier Beaupré-Gateau, Lebel-sur-Quévillon
La représentation géo-démographique
Par Olivier Beaupré-Gateau
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