La peur du chaos

La conférence de presse de mardi a illustré encore une fois la difficulté de faire abstraction de la question nationale.

CAQ - Coalition pour l’avenir du Québec



Cela rappelait la levée de boucliers qu'avait provoquée la «médecine à deux vitesses» de l'ADQ. Mardi, tout le milieu de l'éducation, le gouvernement et l'opposition officielle sont tombés à bras raccourcis sur François Legault.
Le chef de la Coalition pour l'avenir du Québec (CAQ) n'est tout de même pas tombé de la dernière pluie. Son passage au ministère de l'Éducation lui avait déjà permis de mesurer la force d'inertie du système.
En menaçant à la fois l'existence des commissions scolaires et la sécurité d'emploi des enseignants, tout en se faisant le défenseur d'une hausse des droits de scolarité, il était certain d'être cloué au pilori.
C'est peut-être ce que souhaitait M. Legault. Devenir la cible des establishments, des lobbys et des «vieux partis» peut être une excellente publicité pour qui cherche à se tailler une place sur l'échiquier politique.
Sans surprise, la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, a accusé la CAQ de programmer une «bataille de structures», mais l'ADQ n'est pas la seule à avoir évoqué l'abolition des commissions scolaires. Raymond Bachand avait lui-même laissé entrevoir cette possibilité dans son budget de mars 2010. Bien peu de gens au Québec pleureraient leur disparition.
Nathalie Normandeau a ridiculisé l'idée d'une diminution graduelle de 600 millions des frais d'administration d'Hydro-Québec, qui permettrait de financer la plus grande partie des mesures que propose la CAQ. Pourtant, le comité d'économistes formé en 2009 par M. Bachand avait également vu dans une hausse de la productivité d'Hydro-Québec un moyen de financer les services publics.
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Il était tout aussi prévisible que le PQ, dont la porte-parole en matière d'éducation, Monique Richard, est l'ancienne présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), monte aux barricades. De toute manière, rien de ce qui pourra venir du groupe de M. Legault ne trouvera grâce aux yeux du PQ. Plus encore que Jean Charest, il est devenu l'homme à abattre.
Ce que l'ancien ministre n'avait sans doute pas prévu, c'est que les parents, qu'il voudrait voir plus nombreux au sein des conseils d'établissement, se joindraient au choeur de ses détracteurs. C'est pourtant au nom de la réussite de leurs enfants que la CAQ propose un «coup de barre».
Ne devraient-ils pas être les premiers à applaudir ceux qui veulent débusquer les planqués et les incompétents, dans les bureaux comme dans les classes? Comment peuvent-ils s'opposer à une sélection et à une formation plus rigoureuses pour les futurs enseignants et directions d'école? N'est-il pas évident que toutes les mesures de lutte contre le décrochage mises de l'avant depuis un quart de siècle ont lamentablement échoué?
«Notre système n'est pas parfait, mais il est performant. Les propositions de M. Legault nous mèneraient au chaos [...] Pendant que le chaos va durer, qui va payer la note? Les enfants», a lancé le président de la Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ), François Paquet.
M. Legault a peut-être sous-estimé l'insécurité que la réforme de l'éducation a provoquée chez de nombreux parents, qui ne comprennent plus trop ce qu'on enseigne à leurs enfants et qui ne veulent pas d'autres bouleversements. Parler d'une nouvelle «réforme Legault» aux parents, comme l'a fait M. Paquet, équivaut à agiter un chiffon rouge devant un taureau.
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Dans l'immédiat, M. Legault doit se soucier assez peu de sa capacité de respecter ses engagements. Il sera toujours temps d'aviser si jamais il est appelé à diriger un gouvernement. Pour le moment, l'important est que ses propositions soient bien reçues dans la population et surtout que cela se traduise dans les sondages.
La malheureuse expérience de Mario Dumont en a marqué plusieurs. Le Québec l'a échappé belle en 2007, quand le pouvoir est venu près d'échoir à une équipe qui n'était pas prête à l'assumer. La population a réalisé par la suite qu'elle avait frôlé le précipice.
On reconnaît généralement à M. Legault l'étoffe d'un premier ministre, mais il n'ira nulle part s'il n'est pas entouré de gens qui inspirent également confiance, et il aura bien du mal à en recruter si les sondages ne sont pas au rendez-vous. Dès le départ, il a choisi de faire de l'éducation sa grande priorité. Si ses propositions dans ce domaine ne lèvent pas, toute l'aventure risque de tourner court.
La conférence de presse de mardi a illustré encore une fois la difficulté de faire abstraction de la question nationale. En février dernier, le lieutenant fédéraliste de M. Legault, Charles Sirois, avait figé devant une question portant sur la création d'une commission des valeurs mobilières pancanadienne.
Cette fois-ci, M. Legault lui-même, qui avait pourtant mené une dure bataille contre les bourses du millénaire, a refusé de se prononcer sur la promesse de Michael Ignatieff d'investir massivement dans l'aide financière aux étudiants, qui relève de la compétence des provinces. Il ne veut sans doute pas créer le chaos au sein de son propre groupe.


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