Quatre ans d’enquête au coût de 44,8 millions $ pour un rapport de 1741 pages sur lequel les commissaires n’ont même pas été capables de s’entendre !

La montagne accouche d'une souris

Le PLQ parvient à minimiser les dégâts... pour le moment !

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Les omissions et les compromissions de la Commission

On le savait depuis ses débuts en octobre 2011, la Commission Charbonneau, à la tenue de laquelle il avait fini par se résigner comme à un mal nécessaire, constituait un moyen pour l’ancien premier ministre Libéral Jean Charest de contenir, d’atténuer et de disperser, un peu à la manière d’un évacuateur de crues, tous les soupçons et l’hostilité accumulés dans l’opinion publique après dix ans de rumeurs toutes plus nauséabondes les unes que les autres sur son degré de corruption personnelle et celle de son gouvernement.

Échaudé par l’expérience de la Commission Bastarache qui l’avait fait mal paraître, Jean Charest avait d’abord commencé par restreindre le mandat de la Commission à la seule industrie de la construction même, s’il existait des signes très clairs que la gangrène de la corruption s’était propagée à de nombreux autres secteurs.

Il avait ensuite tenté, sans succès, soulevant même un tollé de protestations, de limiter les pouvoirs de la commission en ne lui permettant pas de contraindre les témoins ou de leur accorder l’immunité, puis il l’avait « paquetée » en y assignant à divers postes de tous les niveaux des personnes réputées dans les cercles bien informés pour leurs liens de proximité avec son cabinet et le PLQ,

Aujourd’hui, quatre ans et 44,8 millions $ plus tard, à l’issue d’une démarche fortement critiquée de toutes parts au fur et à mesure que procédait ses travaux et après une série de cafouillages suffisamment spectaculaires pour affecter sa crédibilité et son autorité, la Commission dépose un rapport de 1741 pages sur les conclusions duquel les commissaires sont divisés, ce qui en atténue encore plus la force et la portée.

Lorsqu’on se remémore en plus l’historique de la Commission, que l’on sait que la Commission comptait au départ trois commissaires, et que l’un d’entre eux, qui entretenait de toute façon les plus grandes réserves sur ce genre d’exercice, n’a jamais siégé pour cause de maladie, on comprend très vite que ce rapport est destiné à avoir une vie utile très courte, ce qui n’est sûrement pas pour déplaire à tous ceux qui avaient de bons motifs de craindre l’exercice.

Les quelques plumes que compte la Commission à son chapeau, comme d’être parvenue à nous confirmer l’ampleur du phénomène de la corruption ou l’infiltration du crime organisé et de la mafia dans l’industrie de la construction, ou encore d’avoir coincé une kyrielle de maires dont notamment ceux des deux plus grandes villes du Québec, ne suffiront pas à convaincre les Québécois que la situation est sous contrôle, bien au contraire.

En fait, le rapport de la Commission et les suites qui y seront données, si tant est même qu’il y en ait, permettront surtout aux Québécois de prendre la pleine mesure de l’impunité dont bénéficient certains tricheurs bien connus dont les frasques ont défrayé la chronique à l’occasion de la Commission, et des coûts abusifs qu’ils se trouvent à supporter en conséquence à travers le système fiscal. Et loin de rassurer la population, le rapport de la Commission renforcera plutôt son sentiment d’injustice et son cynisme.

Il faut croire que certaines personnes se doutaient que les travaux de la Commission allaient se terminer en queue de poisson. On ne peut s’expliquer autrement le contenu d’un article paru sur le site Huffington Post quelques heures avant le dépôt du rapport, sous la signature de Patrick Bellerose, et mettant en vedette ce grand admirateur de l’ancienne ministre Nathalie Normandeau, l’inénarrable Lino (Les roses) Zambito.

En voici un extrait :

QUÉBEC – L’ex-entrepreneur Lino Zambito, qui s’est mis à table pour lancer les travaux de la commission Charbonneau, se demande pourquoi les chefs de partis et leurs collecteurs de fonds n’ont pas été appelés à témoigner durant les audiences.
« Le financement des partis politiques provinciaux, on y a touché un peu, mais on n’est pas vraiment allé au fond de la question. On n’a pas touché les acteurs à la tête de ce financement illicite », déplore l’ex-propriétaire d’Infrabec qui est venu témoigner de sa participation à un système de collusion sur la Rive-Nord de Montréal. La commission Charbonneau déposera son rapport mardi.

Lino Zambito s’étonne qu’on ait interrogé la responsable du financement au PLQ, Violette Trépanier, mais pas Marc Bibeau, collecteur de fonds du parti. Idem pour le chef du PLQ, Jean Charest. « Quand on a voulu savoir ce qui se passait à Infrabec, on a fait venir le gars qui était au sommet de la compagnie, c’est-à-dire moi », dit-il. Marc Bibeau a toutefois témoigné à huis clos, selon La Presse.

« J’aurais voulu voir les présidents de campagnes de financement et même les chefs de partis, qui eux étaient au courant de ce qui se passait dans leur parti », ajoute Lino Zambito.

Outre Bibeau et Charest, il aurait voulu «voir dans la boîte» Pauline Marois, François Legault et Mario Dumont.

Enquêtes indépendantes ?

Par ailleurs, ce témoin-clé de la commission s’étonne de voir les enquêtes piétiner après les perquisitions de l’UPAC aux bureaux du PLQ. « Il faudrait que les dirigeants de l’UPAC et le directeur des poursuites criminelles arrêtent de faire de la politique et fassent leur job comme il faut, lance Lino Zambito. Ils ont de la preuve, qu’ils fassent leur job et qu’ils amènent leur mandat à terme.»

Il estime que les autorités judiciaires manquent d’indépendance face au gouvernement. « C’est dur d’accuser le gouvernement en place, souligne Lino Zambito. […] Les procureurs qui sont là, si un jour ils espèrent devenir juges, ben c’est le gouvernement en place qui les nomme. »

Par ailleurs, Lino Zambito s’étonne que la commission ait peu abordé le dossier d’Hydro-Québec. « Il se donne pour des millions et des milliards de dollars dans le Grand Nord. Il aurait fallu gratter un peu plus là. Le problème est flagrant », estime-t-il.
« Je pense qu’on a juste effleuré ce qui se passe à Hydro-Québec. Ça prendrait une commission d’enquête juste sur ce qui se passe dans le Grand Nord », ajoute l’ex-entrepreneur.

Vous pouvez mettre votre main au feu que ce texte est inspiré par une source policière insatisfaite de la tournure des événements. Les propos imputés à Zambito ne lui ressemblent pas, mais ils ressemblent beaucoup à ceux que pourraient tenir les enquêteurs qui lui ont mis la main au collet et qui l’ont convaincu de « collaborer » avec la Commission en échange d’une certaine clémence dont il a d’ailleurs bénéficié suite aux accusations portées contre lui et à son procès.

Il faut croire que cette « collaboration » se poursuit et que Zambito a accepté de se prêter à cette mascarade. C’est une belle façon de payer sa dette à la société.

Mais le signal est clair. Le travail laissé en plan par la Commission va se poursuivre, officiellement et officieusement, par la police et par d’autres. Vigile compte d’ailleurs y contribuer en offrant à ses lecteurs au cours des prochaines semaines une série d’articles sur « les omissions et les compromissions de la Commission ». Jean Charest, Philippe Couillard, le PLQ et leurs « tizamis » risquent de nous trouver moins accommodants que la Commission.

Enfin, suivez bien le parcours du commissaire Renaud Lachance au cours des prochains mois. Une dissidence aussi opportune et aussi suave que la sienne pour miner in extremis la crédibilité de la Commission, ça se récompense. Ce sera intéressant de voir par qui.


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3 commentaires

  • Jean Lespérance Répondre

    17 décembre 2015

    Une montagne qui accouche d'une souris, c'est bien peu, mais je pense qu'on n'a pas bien regardé. Et ce n'est pas parce qu'on ne voit rien qu'on doit en venir à la conclusion qu'il n'y avait qu'une souris. Moi, je m'y suis approché et j'ai senti une mauvaise odeur, une odeur de putois. Je ne peux pas vous apporter une preuve concrète de la présence du putois mais pour l'odeur, ça ne trompe pas. Même les aveugles sont capables de savoir si un putois a passé dans les parages. Et même après les fêtes l'odeur va être toujours présente, vous n'avez pas idée de tout le jus de tomate que ça prendre pour masquer ou faire disparaître l'odeur. Je n'aime dont pas cette odeur!

  • Archives de Vigile Répondre

    12 décembre 2015

    https://www.ceic.gouv.qc.ca/fileadmin/Fichiers_client/fichiers/Rapport_final/Rapport_final_CEIC_Integral_c.pdf

  • Archives de Vigile Répondre

    3 décembre 2015

    Une simple question.
    Le rapport de la Commission est-il accessible en format pdf en ligne pour le commun des internautes?
    Si oui, est-ce le cyberlien est connu?
    Merci.