Commission Charbonneau: la leçon faite aux élus québécois

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Une commission pour rien ?

Pratiquement aucune mesure pour rétablir la confiance du public envers les élus n’a été mise en oeuvre par le gouvernement libéral trois ans après le dépôt du rapport de la commission Charbonneau, note un comité d’experts indépendants. Celui-ci estime que l’arrivée du nouveau gouvernement caquiste de François Legault est l’occasion de rétablir les ponts avec les citoyens.


« Parmi tout ce qu’il reste à faire, le renforcement de la confiance des citoyens envers leurs institutions doit être une priorité », soutient Pierre-Olivier Brodeur, porte-parole du comité public de suivi des recommandations de la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction (CEIC). « C’est aberrant que ce soit un des chantiers où il y a si peu de travail qui a été fait. On espère que le nouveau gouvernement va se distinguer du précédent et poser les gestes courageux qui sont nécessaires », ajoute-t-il.


Non partisan, le comité de suivi compte les universitaires Martine Valois, Denis Saint-Martin et Luc Bégin, l’avocat Paul Lalonde (président de Transparency International Canada), le président de la Ligue d’action civique, Rodolphe Parent, de même que Pierre-Olivier Brodeur. Sa mission est de surveiller et de rapporter objectivement l’application des recommandations de la commission Charbonneau.


Dans son nouveau rapport, publié mardi, le comité souligne que le tiers des recommandations qui n’ont toujours pas été appliquées à ce jour concernent des mesures à prendre pour regagner la confiance des Québécois. Sur sept recommandations formulées en novembre 2015 par la commission Charbonneau en lien avec la confiance envers les élus et les serviteurs de l’État, seule une a été « partiellement » suivie.


« Ce qu’on peut constater, c’est que ce sont toutes des recommandations qui visent les politiciens provinciaux », fait remarquer M. Brodeur. « Est-ce qu’il y a eu une réticence des politiciens à s’astreindre eux-mêmes à des règles supplémentaires ? On ne veut pas porter de jugement, mais disons que ça peut être une hypothèse », dit-il.


Pourtant, un des diagnostics des conséquences qu’ont eues les stratagèmes de corruption et de collusion, c’est que cela a miné la confiance du public envers les politiciens, rappelle le comité.


« Il est nécessaire de resserrer les règles relatives aux cadeaux [offerts aux élus], de prévoir la suspension temporaire d’un élu poursuivi pour collusion ou corruption, d’interdire aux ministres et à leur personnel de solliciter des contributions politiques aux fournisseurs et bénéficiaires de leurs ministères. Ça nous semble des recommandations pleines de bon sens qu’il est temps d’appliquer », insiste M. Brodeur.


Le comité de suivi voit l’entrée en fonction du nouveau gouvernement caquiste comme une occasion de « donner un nouveau souffle » à l’application des recommandations restantes.


« C’est un parti qui a souvent parlé d’intégrité, on sait qu’il y a des personnes sensibilisées à ces enjeux-là, notamment la ministre de la Justice, Sonia LeBel [qui a été procureure en chef de la commission Charbonneau], alors on les encourage à y donner suite avec tout le sérieux qu’elles nécessitent », mentionne M. Brodeur.


Les membres du comité estiment également qu’il est primordial d’accroître la capacité d’action du Commissaire au lobbyisme du Québec.


« Le Commissaire au lobbyisme est toujours aux prises avec un délai de prescription d’un an et ce que ça veut dire, en pratique, c’est que c’est presque impossible pour lui de jouer son rôle, parce que le délai est trop court », explique M. Brodeur. Dans son rapport, le comité de suivi souligne d’ailleurs qu’une modification législative « simple » à effectuer permettrait au Commissaire au lobbyisme d’assumer pleinement ses fonctions et ainsi de resserrer l’encadrement des pratiques de lobbyisme dans la province.


Le comité appelle également le nouveau gouvernement à revenir sur une décision du précédent gouvernement en matière de prévention et de détection des stratagèmes collusoires. La CEIC recommandait d’ajouter les municipalités de moins de 100 000 habitants au champ de compétence du Vérificateur général du Québec, afin qu’il puisse y mener des vérifications et en faire rapport aux conseils municipaux concernés.


« Le précédent gouvernement a confié la vérification de gestion de ces municipalités aux cabinets comptables privés et à la Commission municipale du Québec. Ces recommandations ne satisfont pas la recommandation de la Commission », déplorent les membres du comité.


« C’est un type de vérification qui permet de faire ressortir des lacunes ou des signes d’un stratagème, c’est grâce à ce type de mécanisme que l’affaire des compteurs d’eau a pu être signalée. C’est inadéquat de confier ce type de vérification à des cabinets privés », mentionne-t-il.


Lundi, la ministre de la Justice, Sonia LeBel, n’était pas disponible pour une entrevue sur les suites que compte donner le nouveau gouvernement au rapport de la CEIC.


Le bilan s’améliore


> La suite sur Le Devoir.



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