La mission « vague et sans fin » de Harper et l’appui du public

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Comme quoi la politique se dessine à gros traits…






Même si la mission canadienne contre le groupe armé État islamique demeure vague, elle est largement appuyée par la population.




À la veille d’un vote sur le prolongement et l’expansion de cette mission, le gouvernement Harper semble l’avoir mieux compris que l’opposition.




Le Canada est engagé dans une étrange guerre qui embrase le Moyen-Orient et confond les analystes les plus chevronnés. Les combats se déroulent sur de multiples fronts, où alliances et rivalités s’entrecroisent. Pour les Occidentaux, le groupe armé État islamique (ÉI) a beau être le prototype du vilain, la guerre qu’on lui fait demeure imprécise et ses résultats imprévisibles.




Manifestement, l’ÉI représente une vraie menace bien au-delà du Moyen-Orient et l’armée irakienne ne peut pas la vaincre toute seule. Même si on ne peut pas éliminer cette menace, il est raisonnable de conclure que l’endiguement de l’ÉI représente la moins pire des alternatives.




C’est aussi ce que semble croire l’opinion publique canadienne. Dans les sondages, la participation militaire du Canada aux combats contre l’ÉI recueille des niveaux d’appui impressionnants. Les Québécois, traditionnellement peu enclins à appuyer les engagements armés, ne font pas vraiment exception.




Un appui explicable




La répugnance des actions de l’ÉI et la présence chez nous d’extrémistes associés à sa mouvance donnent à la mission des assises morales solides, mais cela ne suffit pas à expliquer l’appui du public. S’ajoutent à ces conditions la nature multilatérale de la mission et le coût peu élevé d’un engagement canadien qui demeure modeste.








le Canada a cessé d’être à la hauteur de son image de « peacekeeper » bien avant l’arrivée de Stephen Harper au pouvoir








À Ottawa, l’opposition souhaiterait que la mission canadienne se limite à l’aide humanitaire, au nom d’une conception du rôle international du Canada axée sur le maintien de la paix. Pourtant, comme dans les Balkans et au début du conflit afghan, si le Canada fait partie d’une alliance qui combat au nom d’une cause qu’elle appuie, l’opinion publique ne rechigne pas à l’emploi de la force.




De plus, le Canada a cessé d’être à la hauteur de son image de «peacekeeper» bien avant l’arrivée de Stephen Harper au pouvoir et on oublie facilement que les missions de maintien de la paix sont loin d’être des pique-niques.




Des impacts à court et à long termes




Parlant de Harper, certains de ses adversaires lui reprochent de croire que la guerre est une bonne chose en soi. Il y a plein de bonnes raisons de s’opposer au premier ministre, mais ce genre de critique facile ne risque pas de convaincre grand monde.




La politique étrangère ne pèse pas lourd dans le calcul des électeurs, mais, d’ici à octobre, le fait que les conservateurs sont en phase avec la majorité des Canadiens (et même des Québécois) sur ce sujet ne pourra que les avantager.




Lundi, les libéraux s’opposeront à une mission «vague et sans fin». C’est une description juste, mais ça ne changera pas grand-chose à moyen terme à l’appui de l’opinion publique.




À long terme, si les coûts de la mission grimpent et les conditions sur le terrain deviennent intenables, l’opinion peut changer, mais l’élection sera passée.



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Pierre Martin50 articles

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Pierre Martin est professeur titulaire au Département de science politique de l’Université de Montréal et directeur de la Chaire d’études politiques et économiques américaines (CÉPÉA). Il est également membre du Groupe d’étude et de recherche sur la sécurité internationale (GERSI)





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