Vers l’ALÉNA 2.0: le Canada joue gros

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Perdant en partant





Le signal de départ de la renégociation de l’ALÉNA vient d’être donné à Washington et, alors que l’attention sera tournée vers la rhétorique protectionniste du président Trump, c’est le Congrès qui tiendra la clé de l’avenir économique du continent.


Aux États-Unis, l’administration Trump vient de publier la liste imposante de ses objectifs pour la renégociation de l’ALÉNA. Si le président obtient tout ce qu’il veut, l’accord tripartite sera méconnaissable.


Le programme est ambitieux et les élections prochaines au Mexique et aux États-Unis imposent un calendrier serré, à moins que les partenaires décident de pelleter les problèmes vers l’avant.


Trump veut tout gagner


Selon Donald Trump, les Américains sont les grands perdants de l’ALÉNA et il faut chambouler l’accord à l’avantage exclusif des États-Unis.


Les États-Unis souhaitent abolir les obstacles à l’accès au marché canadien en agriculture, en télécommunications et dans le commerce de détail en ligne, en plus de rapatrier vers leurs tribunaux le règlement des différends.


Tous s’entendent pour clarifier les règles d’origine dans les secteurs touchés par l’intégration continentale de la production, dont l’automobile, mais Trump réclame des concessions à sens unique du Canada et du Mexique.


Si le président avait toute la latitude qu’ont eue certains de ses prédécesseurs dans les négociations passées, il y aurait de quoi s’alarmer.


C’est le Congrès qui tient la clé


Pourtant, grâce entre autres à la méfiance qu’avaient les législateurs républicains envers Barack Obama au sujet du défunt partenariat transpacifique, le Congrès jouera un rôle plus important dans les négociations à venir que pour les accords initiaux avec le Canada et le Mexique.


Depuis les années 1930, le Congrès s’est protégé contre ses penchants protectionnistes en déléguant une large part de l’autorité de négociation au président, mais une loi de 2015 a redonné un rôle plus actif aux législateurs.


Pour les partenaires des États-Unis, ce n’est pas nécessairement une mauvaise nouvelle. En effet, les membres du Congrès sont d’abord motivés par la défense des intérêts existants et les exportateurs américains qui bénéficient présentement de l’ALÉNA feront de fortes pressions pour ne pas perdre leurs acquis.


Des choix déchirants


Le Canada pourrait bénéficier de la présence du Congrès dans un dossier où l’impétuosité d’un président imprévisible représente un risque réel. Au minimum, cette présence apportera plus de transparence aux négociations.


Ottawa fait bien de miser sur les secteurs et régions qui bénéficient de l’ALÉNA pour faire pression sur le Congrès, mais le maintien des acquis, surtout en ce qui concerne l’enjeu crucial du règlement des différends, ne viendra pas sans concessions.


Les négociateurs canadiens ne pourront pas gagner sur tous les fronts. Entre l’exception culturelle, la gestion de l’offre agricole, les barrières dans les télécommunications et les services financiers, entre autres priorités, il faudra faire des choix difficiles.


Pour préserver un accord commercial vital pour le Canada, le gouvernement Trudeau ne peut pas chercher à plaire à tout le monde.



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Pierre Martin50 articles

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Pierre Martin est professeur titulaire au Département de science politique de l’Université de Montréal et directeur de la Chaire d’études politiques et économiques américaines (CÉPÉA). Il est également membre du Groupe d’étude et de recherche sur la sécurité internationale (GERSI)





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