La politique étrangère, l’enjeu fantôme de l’élection fédérale

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C’est logique : un pays postnational ne peut avoir de politique étrangère


On a peu entendu parler de politique étrangère pendant cette campagne électorale, peut-être parce que les principaux protagonistes ont peu à offrir.


Depuis quelques élections, les partis fédéraux se bousculent pour faire campagne dans la cour des compétences provinciales, mais lorsqu’il est temps de débattre d’une compétence bien à eux, la politique étrangère, c’est le concert de criquets.


Ça s’explique : le bilan libéral est décevant, les propositions conservatrices sont peu convaincantes et les autres parlent dans le vide.


L’enjeu caché


On a eu beau glisser quelques questions sur les affaires étrangères dans les débats, la plupart des chefs les ont esquivées. Surtout, Justin Trudeau a soigneusement évité d’expliquer pourquoi il a déclenché cette élection inutile en pleine débandade de la sortie d’Afghanistan. Dans le passé, les enjeux internationaux ont parfois été au cœur des campagnes fédérales. En 1963 et 1988, Lester Pearson et Brian Mulroney proposaient de nouvelles orientations internationales claires et audacieuses. En 2006 et 2008, Stephen Harper proposait un rapprochement avec les États-Unis et un renforcement militaire. En 2015, Justin Trudeau reprochait aux conservateurs d’avoir effacé l’image internationale du Canada et promettait un retour en force sur la scène mondiale.


Déceptions


Six ans après ces promesses grandioses, il n’est pas étonnant que les libéraux restent discrets sur ce front. Malgré l’adoption de Justin Trudeau comme coqueluche des médias internationaux, le Canada n’est pas parvenu à reprendre la place convoitée.


L’échec de la campagne canadienne pour un siège au Conseil de sécurité de l’ONU a démontré que le Canada est loin d’être indispensable sur les grandes tribunes mondiales.


D’autres échecs témoignent de cette relative faiblesse, y compris l’incapacité de faire fléchir la Chine dans le dossier de l’arrestation des « deux Michael ». Dans la lutte aux changements climatiques, le bilan d’émission peu reluisant du Canada en fait un interlocuteur peu crédible. Quant à la relation avec les États-Unis, l’embellie promise à la suite de l’élection d’un président plus « parlable » se fait encore attendre et Joe Biden ne semble pas pressé de s’engager à fond dans la consolidation du partenariat nord-américain.


Après le vote


Si le nouveau chef conservateur a été plutôt discret sur sa vision en politique étrangère, il n’a pas donné de signes qu’il entraînerait le pays vers une catastrophe. Sauf pour les médias à potins étrangers qui s’ennuieraient de la présence flamboyante de Justin Trudeau – qui commençait à s’étioler, de toute façon –, l’arrivée d’Erin O’Toole comme premier ministre ne changerait probablement pas grand-chose à la stature internationale du Canada. Et si Trudeau reste, ses partenaires mondiaux se soucieront moins de son statut minoritaire ou majoritaire que de savoir si ses belles paroles sont accompagnées d’actions concrètes. Peu de Canadiens et encore moins de Québécois voteront lundi en priorisant la politique étrangère, et c’est compréhensible. On aurait quand même gagné à en apprendre un peu plus sur la direction que prendra le Canada dans un monde qui ne risque pas de devenir moins complexe au lendemain du vote.










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Pierre Martin50 articles

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Pierre Martin est professeur titulaire au Département de science politique de l’Université de Montréal et directeur de la Chaire d’études politiques et économiques américaines (CÉPÉA). Il est également membre du Groupe d’étude et de recherche sur la sécurité internationale (GERSI)





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