Hommage au Dr Louis-Philippe Bélisle

La « Marche du Québec »

L’air est entraînant, et les paroles sont justes

Chronique de Richard Le Hir


Grâce à Vigile, j’ai pu retrouver un de mes anciens camarades du Collège Stanislas, Jean-Pierre Bélisle. Nous avons étudié ensemble à la fin des années 50 et au début des années 1960. En 1964, nous étions tous deux devenus membres du RIN le même jour, convaincus par les arguments de Pierre David, un « grand » de la classe de « philo ». C’est ce même Pierre David qui est devenu producteur de cinéma à Hollywood depuis et qui serait parent avec Françoise David de Québec-Solidaire et Michel David du Devoir. Le monde est « p’tit », et le Québec est tricoté serré !
Au cours des derniers jours, mon copain Bélisle m’a fait la surprise de m’envoyer une vidéo qu’il avait montée en hommage à son père le Dr Louis-Philippe Bélisle (1907-2000). C’est ainsi que j’ai pu apprendre qu’il avait composé en 1968 une « Marche du Québec ». Je savais que le Dr Bélisle avait été très actif en son temps dans les milieux indépendantistes, et qu’il avait milité avec Marcel Chaput et le Dr Camille Laurin, mais jamais je ne me serais douté qu’il avait poussé la ferveur militante jusqu’à composer un hymne à l’indépendance, à le mettre en musique, et à financer de ses deniers son interprétation par un chœur et sa mise en disque.
Il s’agit d’une marche de type militaire, et elle revêt donc le caractère un peu « pompier » de toutes les œuvres de ce genre. Les gens qui ont vécu les années soixante ne seront pas du tout surpris par la facture de cette œuvre. J’invite ceux qui ne les ont pas connues à visionner ici, sur le site de Vigile, le film de Jean-Claude Labrecque sur la visite du Gal De Gaulle en 1967. Ils découvriront combien les Québécois de l’époque étaient friands de fanfares et de corps de majorettes. La « Marche du Québec » s’inscrit tout droit dans cette lignée.

Mais si elle peut, sur le plan des arrangements musicaux, ne plus répondre aux canons de notre époque, il serait assez facile de la remettre au goût du jour, car l’air est entraînant, et les paroles sont au moins aussi bonnes et justes que celles d’un bon nombre d’hymnes nationaux que je connais, à commencer par le « Ô Canada » ou « La Marseillaise ».

Sous la même bannière,
_ Québécois d'aujourd'hui,
_ Retrouvons la lumière;
_ Enfin, pour nous le soleil luit !
_ Que se brisent nos chaînes,
_ Forgeons notre destin,
_ Sans faiblesse et sans haine;
_ L'aurore est là, c'est le matin !
Dans le jour qui s'allume
_ Formons notre unité;
_ Il est sans amertume,
_ Le pain de la fraternité !
_ C'est la nuit qui s'achève,
_ Nous vivrons, désormais;
_ Travaillons donc sans trêve,
_ Que le Québec vive à jamais!
Après tant de souffrances,
_ La victoire des forts,
_ Comble nos espérances,
_ Et vient couronner nos efforts;
_ Entraînons dans la ronde
_ Notre peuple indompté;
_ À la face du monde,
_ Il a choisi la liberté !

Voici ce que ça donne avec les arrangements musicaux de l’époque : http://www.youtube.com/watch?v=DV0T-8b5Bo4
L’important pour une œuvre de ce genre, c’est de correspondre à la sensibilité des gens qui sont appelés à s’y identifier. Moyennant le rafraîchissement des arrangements musicaux, cette Marche du Québec aurait du potentiel, et qui sait si elle ne pourrait pas même devenir notre hymne national. Il n’y est pas question de « front ceint de fleurons glorieux » ou de « bras [qui] sait porter l’épée », ni de « tyrannie » ou de « féroces soldats, qui viennent jusque dans nos bras égorger nos fils et nos compagnes », mais de « forger notre destin sans faiblesse et sans haine », et de « peuple indompté » qui « choisit la liberté ». J’en suis !
Une chose est certaine, cette œuvre méritait de sortir du tiroir à souvenirs de la famille Bélisle, ne serait-ce que pour honorer la mémoire d’un homme qui fut un fervent patriote et qui n’avait pas peur d’afficher ses convictions, et je suis très honoré de pouvoir la faire connaître aux lecteurs de Vigile


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4 commentaires

  • Gaston Deschênes Répondre

    13 juillet 2011

    C'est un genre. A défaut d'un hymne officiel, il faut faire connaître nos chants patriotiques.

  • Archives de Vigile Répondre

    5 juillet 2011

    Excellent et 100 fois meilleur que celui de Raoul Duguay.
    Les paroles ont aussi du sens.
    Pierre Cloutier

  • Jean-Pierre Bélisle Répondre

    5 juillet 2011

    J'ai lu, comme vous pouvez l'imaginer, avec émotions, l'hommage de Richard Le Hir à Louis-Philippe Bélisle.
    J'aimerais ici simplement ajouter un dernier élément factuel au contexte des années'60, que Richard a si bien senti:
    - les arrangements musicaux ainsi que la production sur disque 45 tours furent de Stéphane Venne (Barclay 1969).
    Stéphane Venne est l'un des compositeurs, arrangeurs et producteur les plus prolifiques de l'histoire de la musique québécoise. [ http://fr.wikipedia.org/wiki/St%C3%A9phane_Venne ]
    Je viens de l'apprendre (merci Philippe-Antoine), une photo de la pochette et du disque 45 tours - ainsi que les fichiers audio (vocal / instrumental d'excellente qualité) sont accessibles à l'adresse suivante: http://monsieurjeff.ca/crbst_32.html
    Je vous remercie de l'attention que vous avez portée au texte de Richard Le Hir et, par voie de conséquence, à La Marche du Québec.
    Jean-Pierre Bélisle.

  • Archives de Vigile Répondre

    5 juillet 2011

    Merci Monsieur Le Hir de partager avec nous, amoureux de la liberté, cette formidable fable qui n'attend plus que notre réalité.
    André Meloche