La marche d’un peuple : du printemps érable au changement de paradigme

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Amener le Québec et ses institutions au XXIe siècle

En cette journée de Congrès d’Option nationale, en tant que membres fondateurs de ce parti, nous avons cru nécessaire de faire un retour sur les évènements qui ont bouleversé le Québec dans la dernière année, et sur la responsabilité ou les possibles que portent en eux les acteurs actuels d’un Québec en quête de changement.
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Il y a un peu plus d'un an débutait ce qui allait devenir l'un des plus grands mouvements sociaux qu'ait connu le Québec : le bien nommé « printemps érable ». Cette formule reprise par la presse internationale, en référence aux révoltes populaires qui ont secoué le Maghreb quelques mois plus tôt, ouvrait la porte aux plus grandes espérances.
Comme le disait Antonio Gramsci, « il y a crise lorsque le vieux ne veut pas mourir et que le neuf ne peut pas naître ». Quoique parfois confus dans son expression, ce mouvement a su fédérer des citoyens de toutes générations aux revendications multiples. Pour paraphraser Nietzsche, « atteindre son idéal, c’est le dépasser du même coup » et c’est pourquoi les revendications d’une société complète ont dépassé la seule question des frais de scolarité : cette indignation était latente et ne cherchait finalement qu’une étincelle pour s’éveiller.
Un point de rencontre unique
Le développement durable, en passe de devenir le grand référentiel qui guidera l'action publique des prochaines décennies a sans conteste été le cœur d’une convergence quasi naturelle entre les multiples sphères ayant animé le printemps érable. Ses trois pivots (social, écologie et économie) ont effectivement dessiné les contours d’une mobilisation qui allait marquer l’histoire du Québec.
D'abord, sur le plan social, le mouvement de grève relatif aux frais de scolarité s’inscrivait dans une certaine continuité d’un tremblement social à l’échelle mondiale. Le phénomène « Occupons », de Madrid à Montréal, a contribué aux premiers soubresauts et créé un terrain fertile pour les revendications citoyennes. Ensuite, en réunissant un demi-million de citoyens dans les rues de Montréal pour la Journée de la Terre, la société québécoise exprimait une prise de conscience importante. Elle reconnaissait ainsi faire partie d’un écosystème marqué par une complexe codépendance et s’indignait de la façon inadéquate de gérer nos ressources environnementales. Enfin, dans une conjoncture où le système même du capitalisme financiarisé est de plus en plus critiqué, où les médecines rigoristes n'en finissent plus de montrer leurs effets néfastes, la question de la redistribution des richesses est redevenue une exigence. Le printemps érable a alors permis de faire rejaillir de la société civile, mais aussi des partis émergents, un discours économique progressiste et équitable, faisant ainsi taire l’espace d’un moment les discours misérabilistes et alarmistes des « déclinologues » de profession.
Catalyser la convergence des revendications
Ce point de rencontre était une impulsion tout indiquée pour entreprendre un virage qui aurait permis au Québec de se lancer sur la voie d'une nouvelle révolution tranquille. La sociologie politique nous apprend toutefois qu’une crise, si elle est le produit de ce genre de tensions, est aussi révélatrice de la solidité des institutions, c'est à dire des structures sociales en tant que système de relations sociales.
Les associations et syndicats étudiants ont joué un rôle prépondérant dans la mobilisation de la société. Toutefois, comme le mouvement national dépassait la seule question des frais de scolarité, il est vite devenu clair que ces groupes allaient devenir insuffisants pour canaliser l’ampleur de cette grogne aux multiples facettes.
Or, il est plus qu’évident que les deux grands partis historiques québécois, à la fois produits et facteurs de ces mêmes institutions, n'auraient pu relever le défi immense de ce virage qu'en allant à contre-courant de leur nature profonde. Cette ambition dépassait non pas leurs philosophies qui, autant sociale-démocrate que libérale, sont tout à fait louables et fondamentalement humanistes, mais elle dépassait leur mode de fonctionnement et leur rapport au citoyen, qui ne correspondent plus aux réalités et aux exigences de la société contemporaine. Quand les Québécois se sont levés, habités par cet aggiornamento, certains partis n'ont pu répondre présents.
Opérationnaliser le changement de paradigme
Tant que les partis politiques québécois baseront leur gouvernance sur le modèle technocratique désuet des Trente glorieuses, le Québec ne parviendra pas à se sortir de ce paradigme, dans lequel pourtant il ne se reconnaît plus. Tant que les prises de décisions ne composeront pas avec une refondation citoyenne participative, cette démocratie étouffera, encore, parce que confisquée.
Ainsi, nous pensons qu’il faut essentiellement deux évolutions au mode de gouvernance contemporain pour que puisse enfin émerger cette mutation, fortement revendiquée l’an passé, et rendue nécessaire par les impératifs du 21e siècle. Ces changements permettront, d’une part, d’activer le transfert de paradigme et, d’autre part, d’en assurer la pérennité sur le plan de nos institutions démocratiques.
Premièrement, la réappropriation du politique par la société civile est nécessaire. Si la mobilisation fut certes un élément prometteur pour un changement politique au Québec, elle est loin d’être suffisante. Ce mouvement doit maintenant s’accompagner d’une maîtrise et d’une compréhension de l’appareil politique. Le contraire supposerait que, de façon un peu hypocrite, on prétende opérer un changement majeur dans le mode de gouvernance de l’État sans jamais aller sur le fond de la chose. Ainsi, la pédagogie et l’éducation populaire seront des leviers primordiaux à une transformation en profondeur.
Deuxièmement, la mise en place d’une réforme devra impliquer un modèle de démocratie participative de standard élevé, visant ainsi à renouer avec les fondements de la démocratie moderne liée à la reddition de compte. Plus que le slogan galvaudé que l'on brandit trop souvent, il s'agirait donc là du plus fidèle garant d'un processus qui vise à redonner confiance en l'État de droit et à se réapproprier les sphères de pouvoir. Si certains acteurs prétendent s’inscrire dans un nouveau mode de gouvernance, ils devraient être en mesure de proposer concrètement une manière de « faire de la politique autrement », sans quoi leur discours ne servirait au final qu’à masquer un conservatisme méthodologique.
Changer la société, certainement, mais il serait aussi illusoire, pour ne pas dire contre-productif, d'espérer y parvenir en évoluant à sa marge. À cet effet, les conséquences de la crise économique qui s'étend à travers le monde nous rappellent la dangerosité de ceux qui prétendent « faire de la politique autrement » en s'exonérant des règles démocratiques, sous prétexte des vicissitudes passées.
La Révolution tranquille est restée inachevée parce qu’elle n’a pas su remettre en cause le confort de notre indifférence. Le printemps érable est en passe de subir le même sort si les discours ne s’accompagnent pas du cheminement évoqué ici. Qui veut réellement changer la société doit savoir pour quoi et comment le faire. Alors, de l'air pour le Québec moderne!, le printemps revient. Ne reste plus qu’à chacun de nous d’incarner ce changement jusqu’à ce qu’il s’enracine réellement dans un Québec devenu moderne. La révolution civique est la clef du plus grand projet collectif qui soit : la formation d’une nouvelle Cité libre.

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Florent Michelot8 articles

  • 4 380

- Diplômé de Science politique de Lille 2, étudiant à l'ENAP
- Ancien directeur de cabinet adjoint au Conseil général
d'Ille-et-Vilaine
- Conseiller national des Jeunes radicaux de gauche (JRG) en charge du
programme
- Membre des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO)





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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    6 mars 2013

    @Claire, Pierre et à nous tous!
    Voici un autre film intéressant qui brosse un tableau éloquent de la situation présente sur ce monde!
    http://www.youtube.com/watch?v=QIU0BUyZ0-A

  • Archives de Vigile Répondre

    5 mars 2013

    Cher Pierre Bourassa,
    Merci de nous faire connaître ce lien (le film Dérives). Vous m'aidez à me politiser. Merci infiniment!

  • Archives de Vigile Répondre

    2 mars 2013

    Je place le lien du documentaire DÉRIVES parce que je crois que l'objectif de l'Ordre au pouvoir(peu importe le parti)est maintenant passé au niveau de la peur par son bras armé,les forces policières.
    Susciter la peur de manifester,de s'exprimer,d'afficher son désaccord,bref faire comprendre par la force que la démocratie est morte comme aux États-Unis.
    Les étudiants et les citoyens qui les ont appuyés courageusement l'ont payé cher mais demain les manifs pour l'indépendance du Québec risquent d'être matraquées de la même façon,peu importe le parti au pouvoir car le Nouvel Ordre Mondial n'aime pas la valorisation du nationalisme.Seul l'Uniformisation et l'Obéissance l'intéresse.

    DÉRIVES 99pourcentQC
    https://www.youtube.com/watch?v=9iZdAdczrGk
    De 1990 à 2010, le mouvement étudiant a fait l'objet de plus de 1000 arrestations.
    En 2012, en 6 mois seulement, ce nombre a été multiplié par 3.Nous dédions ce film aux arrêtéEs et aux blesséEs du conflit."Dérives" a pour but premier de remettre certaines pendules à l'heure quant aux dérives policières et médiatiques qui ont marqué le Printemps érable.
    Loin d'être des cas isolés, ces abus et manipulations, socialement toxiques, sont symptomatiques de graves dérives institutionnelles.Nous tentons ici de les souligner afin qu'elles ne tombent jamais dans l'oubli.-----
    "La Dérive", texte écrit par Joan Sénéchal (Profs Contre La Hausse), ayant grandement inspiré ce film et lu par Charles Gill devant les anti-émeutes au Salon du Plan Nord à 12:15

  • Archives de Vigile Répondre

    2 mars 2013

    Vous avez écrit:"D’abord, sur le plan social, le mouvement de grève relatif aux frais de scolarité s’inscrivait dans une certaine continuité d’un tremblement social à l’échelle mondiale. Le phénomène « Occupons », de Madrid à Montréal, a contribué aux premiers soubresauts et créé un terrain fertile pour les revendications citoyennes.".
    Il n'y a aucune commune mesure entre "Occupons Madrid" et "Occupons Montréal". Votre analyse est du type jovialiste.
    Vous avez eu la réponse cette semaine au Sommet.
    L'an dernier, il y avait, bien sûr, la question de la hausse drastique des frais de scolarité..mais il y avait surtout un ras-le-bol contre le régime libéral et la corruption.
    La réponse, plus que timide cette semaine, des étudiants (et de la population) aux appels de l'ASSÉ démolit votre exposé.
    Bien sûr QS est pour la gratuité! Facile de promettre mer et monde quand tu es sûr de ne pas prendre le pouvoir.

  • Archives de Vigile Répondre

    2 mars 2013

    [1] Si ON veut vraiment "faire de la politique autrement" et on le verra par la nature des résolutions du congrès de fin de semaine, 5 idées fortes doivent à l'ordre du jour :
    - 1 - indépendance de la patrie comme priorité no 1 ;
    - 2 - constitution écrite PAR et POUR les citoyens, de préférence tirés au sort, pour au moins la moitié des constituants, à l'exclusion des partis politiques et des politiciens professionnels ;
    - 3 - "audit" citoyen de la dette publique du Québec ;
    - 4 - Réforme en profondeur de la fiscalité, notamment par l'abolition de l'impôt sur le revenu et son remplacement par une taxe unique, très basse. automatisée sur toutes les transactions économiques, particulièrement financières et spéculatives ;
    - 5 - Souveraineté monétaire du peuple québécois inscrit dans la constitution, Institut d'émission monétaire, surveillance et contrôle serré des banques et institutions financières et séparation des banques de dépôts et des banques d'affaires.
    [2] J'espère simplement qu'ON ne tombera pas dans le piège des partis traditionnels qui mettent l'accent sur un programme de gouvernement au lieu de se concentrer sur un programme d'État. Qui vivra verra.
    Pierre Cloutier