Critiqué pour son laxisme sur le financement illégal des partis via des prête-noms, le DGE sort de sa torpeur pour poursuivre non pas une compagnie fautive mais bien Yves Michaud, un simple citoyen diffamé en quête de justice. Ce dernier aurait apparemment enfreint la loi électorale à laquelle les géants des médias ne sont pas soumis en payant pour publier une pub partisane, alors que le même message aurait pourtant été jugé légal s’il avait passé par le courrier des lecteurs ou la plume d’un faiseur d’opinion payé par un grand journal…
Les faits reprochés à Yves Michaud, condamné à une amende de 6264$, remontent au 25 août 2012. Ce jour-là, l’ancien journaliste et député souverainiste, bien connu sous le surnom de Robin des banques en raison de sa défense acharnée des petits actionnaires, aurait commis une infraction en se payant une publicité partisane dans les pages du journal Le Devoir.
La publicité payée par l’homme de 83 ans, seul citoyen de l’histoire politique québécoise à s’être fait blâmer officiellement et, surtout, injustement par des membres de l’Assemblée nationale, visait à inciter les électeurs à ne pas voter pour 13 député(e)s, toujours en fonction après avoir appuyé la motion de blâme, qu’il jugeait, avec raison, indignes d’être réélu(e)s à la dernière élection.
L’Affaire Michaud : retour sur un épisode honteux de notre histoire
Il faut comprendre qu’Yves Michaud est en quête de justice depuis plus de 12 ans. Soit depuis que les 13 député(e)s sortants en question et plusieurs autres ayant toujours refusé de s’excuser ont eu l’odieuse idée de souiller sa réputation, en le condamnant hypocritement, le 14 décembre 2000, pour avoir prononcé des propos jugés « antisémites » par une Assemblée nationale transformée, pour l’occasion, en tribunal d’Inquisition.
Et qu’a-t-il dit de si terrible ? Yves Michaud a-t-il fait un explosif terroriste de lui-même en menaçant le peuple juif d’extermination ? Tapez « Affaire Michaud », allez sur Wikipédia et voyez par vous-même les propos jugés « antisémites » que la plupart des député(e)s ayant blâmé Michaud n’auraient apparemment même pas entendus avant de le blâmer !
Tout d’abord, Yves Michaud, dans une entrevue accordée à Paul Arcand, le 5 décembre 2000, aurait simplement fait part d’une discussion dans laquelle il a déclaré à un sénateur libéral de religion juive, qui ne comprenait pas pourquoi il est toujours « séparatiste », que les Québécois, au même titre que les Israéliens, ont aussi le droit d’avoir un pays bien à eux. Tout en ajoutant que les juifs n’avaient pas le monopole de la souffrance.
Autre reproche adressé à Yves Michaud, celui d’avoir cité le « vilain » chanoine Groulx même si le passage en question était élogieux pour le peuple juif et son « invincible esprit de solidarité » ! Aux dernières nouvelles, on tolérait bien pire, puisque citer des politiciens anglophones ayant flirté avec l’idéologie nazie n’était toujours pas interdit.
Quoi d’autre ? Certains affirment que Michaud aurait commis le crime de parler de votes « ethniques », alors que le Québec est probablement le seul endroit au monde où l’hypocrite rectitude du politiquement correct nous interdit de commenter les résultats de sondages ou d’élections pourtant connus et décortiqués, dans le détail, noir sur blanc.
Je rappelle que le fameux discours de Jacques Parizeau sur « l’argent et les votes ethniques » fut prononcé parce que ce dernier estimait, avec raison, que le camp fédéraliste a volé l’élection en dépassant la limite de dépenses permises et en gonflant démesurément le nombre de nouveaux électeurs admissibles à voter. Parlez-en à l’ancien DGE, Pierre-F. Côté.
Ajoutez à cela que bien qu’il soit de bon ton de calomnier quotidiennement le projet indépendantiste et les organismes nationalistes avec des références au nazisme et au fascisme, certains ont quand même trouvé le moyen de jouer les vierges offensées en reprochant à Yves Michaud d’avoir qualifié un organisme juif, le B’nai Brith, de « phalange extrémiste du sionisme mondial ».
Et voilà comment Yves Michaud fut blâmé, sans même pouvoir s’expliquer, par l’Assemblée nationale, il y a maintenant plus de 12 ans. Voilà comment on devient apparemment un gros méchant intolérant coupable d’avoir prononcé des propos prétendument antisémites.
Et tout ça pourquoi ? Tout ça parce que les libéraux de Jean Charest, champions semeurs de zizanie, ont voulu à nouveau diffamer le mouvement indépendantiste via Yves Michaud. (Comme Charest a embarrassé Bernard Landry, en plein débat des chefs, en 2003, pour des propos tenus… par Jacques Parizeau).
Le comble de la bêtise revient toutefois aux député(e)s du Parti Québécois de Lucien Bouchard qui, dans leur paranoïa post-référendaire, ont mordu à l’hameçon des libéraux en adoptant conjointement cette infâme motion, quitte à lapider injustement un des leurs sur la place publique pour sauver l’image de leur formation politique.
Mentionnons que sur leur 2ème album intitulé Amour Oral, Loco Locass a composé une excellente chanson sur l’hypocrisie du politiquement correct à la sauce fédéraliste et notre pathétique propension à l’auto-flagellation, en traitant notamment de l’Affaire Michaud : La censure pour l’échafaud.
Le DGE poursuit les citoyens mais pas les médias partisans
Revenons aux raisons ayant poussé le DGE à poursuivre Yves Michaud.
Loin de moi l’idée de remettre en question le rôle du DGE, Jacques Drouin. Bien au contraire ! Sauf que je me questionne vraiment sur son jugement et sur certains aspects de la loi électorale lorsque les zones grises permises prennent finalement plus de places que l’esprit de la lettre exposé noir sur blanc.
Comment peut-on condamner Yves Michaud d’avoir enfreint la loi électorale en payant pour passer une publicité alors que le même message, dans n’importe quel autre format non publicitaire, aurait été accepté ?
Parlant de propagande tolérée, que dire de celle des grands médias ? Prenons un article récent de Patrick Lagacé. Pas celui où il se moque du jeune dictateur imberbe nord-coréen, en narguant une chroniqueuse de l’ennemi Québecor et du PQ et sa gouvernance souverainiste, dans le même article. Du « grand » Patrick… Non, je parle de « Notre maire fluo », dans lequel Lagacé, qui n’est pas convaincu que Michaud a raison de chercher à obtenir des excuses après avoir été diffamé, a appuyé la poursuite du DGE.
« Un individu qui achète une pub pour décréter qu'il ne faut pas voter pour tel ou tel candidat, c'est exactement le genre de dérive qui pollue la vie politique américaine », a écrit le chroniqueur de La Presse.
Avant d’ajouter qu’Yves Michaud ferait « la danse du bacon du siècle » s’il devait voir « des pubs payées par des gens d'affaires fédéralistes, dans lesquelles tel candidat péquiste serait jugé indigne d'être élu ».
Or, c’est là où le bat blesse, en terme de causes de dérives polluant justement la vie politique d’ici, parce que dénigrer systématiquement les péquistes et les indépendantistes à l’année est précisément la spécialité du journal qui emploie Patrick Lagacé.
Comment peut-on reprocher à Yves Michaud d’avoir payé pour prendre position, lors de la dernière élection, sans faire le même reproche à Gesca et sans ajouter aux dépenses électorales des deux partis libéraux le coût des salaires des faiseurs d’opinion politique de l’empire Desmarais ainsi que la valeur de l’espace alloué à la propagande libérale dans chaque journal ?
On rappelle que les journaux libéraux de Gesca, tels que La Presse ou Le Soleil, servent à prendre position contre le projet indépendantiste et le Parti Québécois, avant, pendant et après chaque élection depuis très longtemps.
Renforcez cette loi électorale discriminatoire !
C’est quand même injuste qu’un citoyen tel qu’Yves Michaud soit poursuivi par le DGE pour une seule publicité partisane visant seulement à réparer une injustice commise à son endroit, pendant que ce même Directeur des élections permet portant aux empires médiatiques privés d’exprimer en toute liberté leur propagande politique à l’année !
Je suis pour le maintient de la loi électorale. Il m’apparaît même urgent de la renforcer pour encadrer l’influence des médias partisans. D’autant plus que la quasi-totalité des médias sont concentrés dans les mains de gens d’affaires d’allégeance fédéraliste et droitiste ! J’ai d’ailleurs publié un article sur cette problématique du déficit démocratique causé par la concentration médiatique.
Évidemment, certains diront que le DGE n’a pas le pouvoir de forcer un démantèlement des empires. Ni celui de forcer le fédéral à rendre la compétence des télécommunications au provincial, question d’élargir le mandat de Télé-Québec pour faire de la société d’État un vrai réseau public national digne de ce nom. C’est à dire impartial et à l’abri de toute influence politique ou du secteur privé. Ce que Radio-Canada n’est pas en convergeant avec Gesca.
Même en manquant de pouvoirs, le DGE pourrait au moins faire des recommandations en ce sens car, en terme de publicité et de propagande illégales, le brainwashing médiatique incessant des géants marchands du « prêt-à-penser » est LA principale source de pollution anti-démocratique à laquelle il faudrait tenter de remédier.
Autre absurdité, la publicité passée par Michaud, qui invitait les électeurs à ne pas voter pour 13 député(e)s issus de trois formations différentes ayant tous été réélus sauf Jean Charest, fut jugée illégale sous prétexte qu’elle n’aurait pas été approuvée par un agent officiel d’un parti enregistré. Faites-moi rire ! Voulez-vous bien me dire pourquoi les agents officiels des libéraux, du PQ et de la CAQ auraient accepté de cautionner une pub négative à l’endroit de leurs « propres » candidat(e)s visé(e)s ?! La pub aurait-elle été jugée légale si les agents officiels de Québec Solidaire ou d’Option Nationale l’avait endossée ? Un citoyen a-t-il moins de droits qu’une entité ?
Chose certaine, le Directeur général des élections vient peut-être d’ouvrir une boîte de Pandore en le condamnant Yves Michaud à une amende pour avoir enfreint la loi électorale, si l’on considère que Michaud a décidé de le poursuivre à son tour pour 100 000$, au profit d’un OSBL, en plaidant la liberté d’expression…
Vous savez, cette fameuse liberté d’expression si chère aux yeux de la Cour suprême du Canada ? Comme l’a constaté l’ancien DGE, Pierre-F. Côté, en revenant bredouille d’Ottawa après s’être aperçu que le camp du NON, au référendum de 1995, a finalement pu dépenser sans compter et donc bafouer en toute impunité la électorale québécoise, au nom de cette même sacro-sainte liberté d’expression.
En attendant la suite, on peut se poser des questions sur le jugement de l’actuel DGE, Jacques Drouin, qui applique un règlement discriminatoire à l’encontre d’un simple citoyen en quête de justice déjà suffisamment bafoué, après être resté plutôt passif pendant presque 3 ans sur un dossier nettement plus important tel que celui des prête-noms. Et ce malgré des signes évidents et tout le travail de débroussaillage effectué par Amir Khadir pour prouver l’existence de ce stratagème maintenant exposé à la commission Charbonneau.
Comme si le protecteur de notre démocratie, le DGE, avait le même jugement douteux que le préfet de discipline de la Ligue nationale de hockey. Une LNH qui, devons-nous le rappeler, a déjà suspendu un joueur persécuté en situation de légitime défense tel que Maurice Richard, avant de fermer les yeux sur un geste gratuit et infiniment plus dangereux comme la mise en échec du géant Zdeno Chara sur Max Pacioretty.
Go Michaud Go !
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