La ligne dure

Corruption libérale - le PLQ en perte de légitimité - cynisme politique croissant

Des hausses de taxes et de tarifs ne sont jamais populaires, mais la véritable révolte contre le «budget fondateur» du tandem Charest-Bachand semble s'expliquer autant, sinon plus, par la quasi-certitude que le gouvernement ne respectera pas sa part du marché qu'il prétend conclure avec les Québécois.
Selon le sondage Léger Marketing réalisé au lendemain de la présentation du budget, 82 % des Québécois ne croient pas qu'il réduira les dépenses de l'État de 7 milliards d'ici 2013-14, alors qu'eux-mêmes vont casquer à coup sûr.
«Surveillez-nous au cours des prochaines années», a déclaré le ministre des Finances hier. Il est cependant urgent pour le gouvernement de faire preuve de sa détermination à prendre le taureau par les cornes, sans quoi le reste de son mandat, qui s'annonce déjà difficile, va tourner carrément au cauchemar.
Les dirigeants du front commun des syndicats qui représentent les employés de l'État avaient semblé encouragés par leur réunion de lundi soir dernier avec les principaux ministres responsables des négociations, mais ils ont grimacé en prenant connaissance des dispositions du budget. Avec raison.
Bien entendu, les demandes salariales des syndicats — des augmentations de 11,25 % en trois ans — constituaient simplement une base de négociation. Contrairement à sa prédécesseure, qui défendait sa «sacoche» bec et ongles, la présidente du Conseil du trésor, Monique Gagnon-Tremblay, n'avait jamais dit non plus que ses offres salariales de 7 % en cinq ans étaient définitives. En reprenant ces chiffres dans son discours, M. Bachand ne lui a cependant pas laissé beaucoup de latitude.
Qui plus est, Mme Gagnon-Tremblay a expliqué mercredi que les offres du gouvernement avaient été faites dans la perspective d'un taux d'augmentation des dépenses de 3,2 %, alors que M. Bachand l'a ramené à 2,9 % pour 2010-11, puis à 2,2 % pour les années subséquentes.
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Les négociations aux diverses tables se poursuivront de façon intensive au cours de la fin de semaine, mais une entente tiendrait presque du miracle. Non seulement les paramètres budgétaires fixés par le ministre des Finances restreignent singulièrement la marge de manoeuvre laissée aux négociateurs patronaux, mais une entente satisfaisante pour les syndicats donnerait maintenant la fâcheuse impression que le gouvernement commence déjà à revenir sur son engagement de «faire le ménage dans sa cour».
Dès le départ, les employés de l'État ne bénéficiaient pas d'une grande sympathie dans la population. Le budget n'est pas de nature à la renforcer. Les contribuables n'accepteraient pas que la hausse de la TVQ et des tarifs d'électricité, conjuguée à l'introduction d'un nouvel impôt santé et d'un ticket modérateur, serve à financer des augmentations de salaire.
Bref, le maintien de la ligne dure avec les syndicats est non seulement un impératif budgétaire, mais une nécessité politique, ce qui rend encore plus problématique le règlement négocié que le gouvernement dit toujours souhaiter.
Les affrontements avec les syndicats ont généralement bien servi les gouvernements libéraux, dont ce n'est pas la clientèle naturelle. Un deuxième décret consécutif aurait cependant un effet désastreux sur un climat de travail déjà difficile, et «l'amélioration continue de l'efficacité», qui constitue un autre élément essentiel au contrôle des dépenses, ne peut se faire sans la collaboration des employés de l'État.
Dans l'hypothèse d'un autre affrontement en règle, les syndicats se porteront immédiatement à la défense du «modèle québécois», menacé encore une fois par un gouvernement dirigé par un émule de Mike Harris et Ralph Klein. On peut également compter sur les partis d'opposition pour jeter de l'huile sur le feu, en martelant qu'il veut étouffer la classe moyenne et «taxer la maladie».
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À voir la virulence des réactions au budget dans presque toutes les composantes de la société, le gouvernement pourrait se retrouver face à la même coalition de mécontents qui s'était dressée contre ses projets de «réingénierie» durant son premier mandat.
Maintenant qu'il a fait son lit, le gouvernement ne peut cependant plus reculer, si ce n'est sur les modalités, sans perdre toute crédibilité. Le ministre des Finances semble convaincu que la tempête ne durera pas. «Peut-être que tout le monde est mécontent à court terme. Mais quand la poussière va retomber, les gens vont regarder l'ensemble et se demander: quel est mon rapport avec l'État?»
Pour plusieurs, la question est plutôt de savoir quel est le rapport du gouvernement avec la population. M. Bachand estime que l'avenue proposée dans son budget est la seule possible pour éviter une catastrophe, alors que ses opposants croient être confrontés à un «choix de société». Il a manifestement surestimé les effets de la pédagogie des «lucides».
Il est vrai que la surprise a été brutale. Jusqu'à mardi, les libéraux s'étaient toujours opposés à une contribution spéciale pour la santé et surtout à l'imposition d'un ticket modérateur, peu importe le maquillage qu'on lui applique. En réalité, au chapitre de la santé, la «révolution culturelle» de M. Bachand a plutôt des allures de contre-révolution.


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