La leçon de Justin

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Si le Québec-bashing canadien permet de nous débarrasser de Trudeau, tant mieux !



Justin Trudeau prend enfin la pleine mesure de la crise politique dans laquelle il s’est lui-même embourbé. Après des semaines de déclarations contradictoires dans l’affaire SNC-Lavalin­­­, le premier ministre s’est adressé hier aux Canadiens.




À l’instar de son ex-conseiller principal Gerald Butts, M. Trudeau répète qu’aucune « pression inappropriée » n’a été exercée sur son ex-procureure générale Jody Wilson-Raybould­­­ pour la convaincre d’éviter un procès criminel à SNC-Lavalin par une entente de réparation.




Il s’est dit respectueux de son ex-ministre. Pas le choix. Grâce à la gestion lamentable de la crise par M. Trudeau, au Canada anglais, Mme Wilson-Raybould est élevée au rang de martyre infaillible. Il n’en a pas moins taillé en pièces sa « version ».




À leur rencontre du 17 septembre, il jure qu’elle a accepté de « revisiter » sa décision initiale de refuser toute entente de réparation à SNC-Lavalin.




Mme Wilson-Raybould a juré le contraire. Cet élément est majeur. Il nous dit qu’un seul des deux dit la vérité.




Crédible




La version de M. Trudeau est la plus crédible. À preuve, dans les semaines suivantes, Mme Wilson-Raybould a accepté de discuter du dossier SNC-Lavalin. Si elle y avait vu une « ingérence politique » grave, elle aurait refusé de le faire. Point. M. Trudeau a aussi rappelé aux électeurs que son « style » de leadership n’est pas celui de son père Pierre Elliott Trudeau, nettement plus autoritaire. Sûrement l’euphémisme de l’année.




Il a reconnu avoir tiré de sérieuses leçons de la crise. Y compris la commande d’un avis d’experts sur une possible séparation du poste de procureur général de celui de ministre de la Justice. Si le premier ne siégeait plus au cabinet, son indépendance du pouvoir politique serait bétonnée.




Voilà pour les faits. Or, le problème de M. Trudeau est que cette saga, hors Québec, n’a plus rien de rationnel. En majeure partie, les médias et l’opinion publique au Canada anglais le crucifient tout en béatifiant Mme Wilson-Raybould. D’où leur réaction dominante à la déclaration de M. Trudeau, le blâmant maintenant de ne pas s’être excusé formellement à Jody Wilson-Raybould.




Irrationalité




Un vent d’irrationalité souffle au Canada anglais pour ce qui semble avoir été des discussions comme en ont tous les gouvernements. L’indépendance politique du procureur général étant imparfaite, la chose est inévitable.




On reproche même à M. Trudeau de s’être préoccupé à la fois des emplois chez SNC-Lavalin et de considérations plus partisanes. Là aussi, c’est dans la nature de la politique. Les « jobs » et les « élections », ça va ensemble comme les bagels et le saumon fumé.




Chez les conservateurs et les néo-démocrates, qu’on ose le reprocher aux libéraux est du pur cabotinage. Dans la cacophonie ambiante, il y a trop de vierges offensées et pas suffisamment d’esprits raisonnés.




Maintenant, la question qui tue : ce vent d’illogisme – porté aussi par le préjugé classique Québec = corruption –, soufflera-t-il au Canada anglais jusqu’au scrutin du 21 octobre ? Pour Justin Trudeau, c’est la grande inconnue.




*** Sur ce, je prends une semaine de vacances. Au plaisir de vous retrouver le 19 mars.