La jacquerie

Il n’y a pas de direction. Il n’y a pas de capacité à remplacer le système actuel. « Le roi sans gabelle », c’est tout ce qu’on trouve à scander.

Les indignés - au Québec

L’ensemble du mouvement « Occupons », de Wall Street à Montréal en passant par la plupart des grandes villes nord-américaines constitue l’équivalent moderne des jacqueries, ces révolutions paysannes du Moyen-Âge. Beaucoup de bruit, beaucoup de colère, mais à la fin de la journée la plupart des révoltés vont rentrer à la maison et d’ici quelques semaines ou mois on n’entendra plus parler de ce mouvement.

Les jacqueries n’étaient pas véritablement dangereuses et étaient la plupart du temps réprimées dans le sang. La raison de ce manque de dangerosité pour l’État était l’absence de direction des révoltés, l’absence d’un plan de remplacement du pouvoir en place, l’absence d’une idéologie canalisée permettant de se débarrasser du tyran pour s’émanciper. On y scandait des slogans, des appels à une plus grande « justice » de la part du roi, mais on était tout à fait dans l’impossibilité de proposer quoi que ce soit de constructif en remplacement de l’ordre actuel.
De la même manière, ces manifestations, qui culmineront le 15 octobre dans un événement mondial (et qui dit mondial au Québec dit anglicisé, puisque les organisateurs de l’événement à Montréal n’ont même pas été en mesure de respecter la langue nationale des Québécois) n’ont aucun plan pour remplacer le système actuel. Des milliers de citoyens d’un peu partout en Occident vont prendre de leur temps, vont faire des pancartes, vont descendre dans la rue avec des slogans pompeux du genre « Nous sommes le 99% » mais ils ne proposeront pas de solution de rechange au système actuel. Tout comme lors des jacqueries sous Richelieu, où on réclamait « le roi sans gabelle » (la gabelle était une taxe sur le sel), on se contentera de demander un peu plus d’humanité de la part des spéculateurs ou quelques mesures circonscrites ne changeant en rien le système actuel.
Les jacqueries ont vécu et elles ont disparu. Pourquoi? Elles ont disparu avec la venue d’idéologies organisées, notamment la démocratie, puis plus tard le socialisme. On ne parlait plus alors de révoltes de paysans exprimant une colère impuissante et désorganisée, mais désormais il était question de révolutionnaires beaucoup plus dangereux parce qu’ils proposaient un système alternatif. On a décapité le roi et la reine. On n’a plus demandé un « roi sans gabelle » parce qu’on ne pouvait pas imaginer la société sans roi; on a remplacé le roi.
Or, aujourd’hui, par quoi voudrait-on remplacer le système actuel chez les manifestants de ces manifestations? Il y a autant de réponses différentes que de manifestants. Certains voudraient l’anarchie, d’autre le socialisme, d’autre le communisme, d’autres une plus grande morale des banquiers, d’autres un taxe Tobin, d’autres la fin du fractionnement des réserves bancaires, d’autres la fin de la monnaie, etc. Il n’y a pas de direction. Il n’y a pas de capacité à remplacer le système actuel. « Le roi sans gabelle », c’est tout ce qu’on trouve à scander.
Ces militants se plaignent d’une prétendue censure de la part des médias à propos de leur organisation. Ce n’est pas de la censure. Il s’agit simplement de la compréhension, de la part du monde médiatique, de leur incapacité à proposer quoi que ce soit de constructif. En clair, il s’agit de l’image du jour, des gens scandant des slogans dans la rue, mais qui ne changeront rien du tout. Saveur du jour, spécial du mois. Et on passe à l’appel suivant. Qu’on compare cela aux révoltes du monde arabe où les manifestants réclamaient clairement le départ de leurs dirigeants et l’établissement d’une démocratie.
Le problème, c’est que nous sommes nous-mêmes en démocratie. Ou du moins, en théorie, même si en pratique on pourrait davantage parler d’une ploutocratie. Il n’y a pas de chemin facile vers le changement. Pas de système de remplacement clair et établi, surtout depuis l’effondrement des idéologies collectivistes. Pas de système fourre-tout permettant de regrouper tout le monde sous une même bannière et de réellement menacer le système en place.
Avant de descendre dans la rue, il faut descendre dans les livres. Il faut IMAGINER un monde différent. Il ne suffit pas de dire « nous voulons du changement » sans savoir ce que devrait constituer ce changement. Il faut se PRÉPARER au changement en articulant notre discours, nos revendications et en attendant que le système montre ses plus graves signes de faiblesse.
Vous voulez changer le monde? Imaginez d’abord ce que vous voulez changer et proposez une idéologie alternative.
Sinon, continuez vos jacqueries mais ne vous étonnez pas si rien ne change.


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