La direction de Radio-Canada a dévoilé jeudi un plan stratégique visant à mettre fin à l’hémorragie qui l’affecte depuis des lustres. Le traitement est à ce point draconien que la SRC se sera, à l’horizon 2020, radicalement transformée et éloignée de son mandat de radiodiffuseur public au service de la communauté.
Ce n’est pas d’hier que Radio-Canada vit des difficultés financières. Lorsqu’on fait la revue de presse des dernières décennies, le titre qui revient le plus souvent c’est « Encore des compressions à Radio-Canada ». On sera d’accord avec son président, Hubert T. Lacroix, lorsqu’il dit que cela ne peut plus continuer. Depuis 40 ans, les gouvernements successifs ont réduit ses budgets et lui ont imposé des contraintes, souvent inspirées par des raisons politiques. On l’a menacée de tout, y compris de fermeture. Elle arrivait toujours à s’en tirer, car on croyait malgré tout à la nécessité d’un diffuseur public.
Depuis l’arrivée des conservateurs de Stephen Harper, les choses ont changé. Pour eux, règne à la SRC/CBC un esprit libéral intolérable. Ses budgets ont été au mieux gelés. Ses revenus publicitaires lui auront permis de tenir le coup jusqu’à ce qu’ils s’effondrent avec la perte du contrat de diffusion des matchs de la LNH. Plus moyen d’éviter le mur. La collision a entraîné des compressions de 130 millions et la suppression de 657 postes en mars.
Pour le gouvernement Harper, Radio-Canada doit faire avec le 1,34 milliard qu’il lui attribue, ce qui est peu comparé à ce que les autres pays de l’OCDE octroient. Sans le dire, les conservateurs l’ont mise dans l’obligation de se repenser. La direction de la SRC aurait pu se révolter, dire son désaccord, voire démissionner, mais en réalité il n’y avait pas de désaccord. Le conseil d’administration est conservateur et pense comme le gouvernement.
Le plan Lacroix répond à une logique économique. La réalité du marché des médias traditionnels n’est pas différente à Radio-Canada qu’ailleurs. Devant la baisse des revenus, les rationalisations, comme la vente d’actifs immobiliers, et les réductions d’effectifs, sont inévitables, mais pas sans risques. Le risque ici est le désinvestissement dans ce qui est la marque principale de Radio-Canada, la création et les créateurs. On abandonne la télévision pour le numérique, se lançant tête baissée là où tous les autres diffuseurs privés vont parce que les revenus publicitaires se déplacent vers le numérique… là où les budgets sont quatre, cinq ou six fois moindres. Et pour obtenir sa part, elle devra faire comme ses concurrents et se faire de plus en plus commerciale. Financièrement, rien n’est garanti, d’autant plus que la contribution d’Ottawa pourrait à nouveau diminuer.
Les amis de Radio-Canada réclament un débat public, à raison. Les questions à soulever sont nombreuses. D’abord quant au maintien de sa mission de diffuseur public, qui est de contribuer à refléter et à façonner sa communauté, ce qu’elle a fait admirablement au Québec par ses productions audiovisuelles. Puis quant à ses objectifs, qui sont de viser des productions de qualité plutôt que la recherche du plus grand auditoire. Ce qui a fait la spécificité de Radio-Canada est la qualité de ses productions et son expertise dans le secteur audiovisuel. Dans le numérique, il lui sera difficile de se distinguer de ses concurrents privés et facile de se disperser sur de multiples plateformes pour grappiller quelques revenus aléatoires. Pourquoi ne pas se concentrer sur ses forces ? Pourquoi abandonner sans se battre davantage ? Cela ressemble à une fuite en avant avec en main un plan d’affaires bien plus que stratégique.
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