Sommet de Québec

La Francophonie doit réaffirmer son engagement pour le plurilinguisme

Michel Guillou demande à Nicolas Sarkozy de convaincre les Français de rejeter le bilinguisme

XIIe Sommet de la Francophonie - Québec du 17 au 19 octobre 2008

Paris -- À un mois du sommet de la Francophonie qui se tiendra à Québec du 17 au 19 octobre, le président du Réseau international des chaires Senghor de la Francophonie, l'universitaire Michel Guillou, estime que la France et la Francophonie doivent réitérer leur soutien au plurilinguisme. Pour ce professeur de l'Université de Lyon depuis longtemps actif dans la Francophonie, le sommet de Québec doit réaffirmer qu'il ne saurait y avoir qu'une seule langue internationale «comme on semble le croire dans certains milieux», dit-il.
Michel Guillou s'en prend particulièrement aux déclarations récentes du ministre français de l'Éducation, Xavier Darcos, qui a souhaité que tous les diplômés des lycées (équivalents des cégeps québécois) soient bilingues et qui a décrété la généralisation des stages intensifs d'anglais uniquement. Selon Guillou, le ministre est «en retard d'un combat puisque nous ne nous dirigeons pas vers un monde bilingue, mais multilingue. Ce serait une grave erreur de mettre tous nos oeufs dans le même panier, celui de l'anglais».
L'ancien recteur de l'Agence universitaire de la Francophonie (autrefois appelée Aupelf-Uref) s'adresse directement à Nicolas Sarkozy dans une lettre pour lui demander de tout faire afin que le prochain sommet de la Francophonie prenne les mesures pour «convaincre les Français, et ce, contre les élites qui vont jusqu'à refuser d'utiliser le français, qu'il est irresponsable et suicidaire de sacrifier la langue française sur l'autel de l'anglais, car le XXIe siècle sera plurilingue à l'échelle internationale».
Selon M. Guillou, il ne s'agit pas de s'opposer à l'anglais au nom d'une guerre passée. Selon lui, il est loin d'être évident que l'anglais pourra maintenir son statut actuel dans les années qui viennent. «Certes, l'anglais demeurera une langue internationale, mais qui devra affronter la concurrence de plus en plus vive de l'espagnol, de l'arabe, du chinois, du portugais et même du russe. Il serait donc irresponsable de ne former que des étudiants bilingues français-anglais alors que se profile à l'horizon un environnement multilingue. Sans compter qu'il y a une place pour le français dans ce contexte.» Guillou rappelle que dès 2010, le chinois sera enseigné dans plus de 1000 instituts Confucius répartis dans le monde entier.
L'administrateur et numéro 2 de l'Organisation internationale de la Francophonie, le Québécois Clément Duhaime, confirme que «la Francophonie défend le multilinguisme», tout comme l'Union européenne. Si le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a nommé un commissaire au multilinguisme, c'est en partie grâce à l'action du groupe d'ambassadeurs francophones à New York. «Si nous n'avions pas relancé en permanence ce débat avec les autres représentants des grandes langues parlées à l'ONU, il ne se serait rien passé.»
Michel Guillou rejoint les inquiétudes récemment exprimées dans Le Devoir par le linguiste Claude Hagège qui estimait, contrairement à ce que laissent penser les déclarations de Xavier Darcos, que tous les étudiants européens devaient apprendre au moins deux langues secondes. Selon M. Guillou, le sommet de Québec devrait «réitérer cet engagement clairement». Sa lettre adressée à Nicolas Sarkozy est aussi signée par un groupe de hauts fonctionnaires, d'universitaires et d'élus oeuvrant dans les domaines de la coopération et de la Francophonie.
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Correspondant du Devoir à Paris


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