La folkorisation de la cause québécoise

Chronique d'André Savard

Jonathan Valois et Gérald Larose craignent une folklorisation de la cause souverainiste. Des expressions de jadis comme souveraineté-association relèveraient tant de l’ordre des choses à présent, que la spécification est superflue, allèguent-ils.
Il y a du vrai et du faux dans ces a priori qui inspirent une tranche de la population québécoise.
Vrai qu’un pays n’est pas un univers-île qui existe pour se complaire à l’intérieur de ses frontières et se retrancher dans ses propres marchés. L’économie globale l’interdit.
Faux cependant de croire que le Québec n’a plus à craindre le Canada comme système politique et national.


Depuis la création du Conseil de la Fédération, les fédéralistes ont souvent répété que la confrontation avait laissé place à un tout nouveau contexte. Désormais le Québec détiendrait une initiative et les provinces canadiennes, métamorphosées en “partenaires” servent à amplifier, appuyer, multiplier son pouvoir d’action.
Le Québec ne serait plus dans une impasse, nous dit cette version des faits qui se veut nouvelle. Le phénomène indépendantiste aura été, toujours selon cette version, une forme d’opposition avant l’avènement d’un monde qui a changé de base. Le statut de province nous permettrait désormais d’examiner nos problèmes de façon autonome. Tous nos objectifs comme Québécois se ramèneraient à imiter les initiatives de nos partenaires provinciaux, ou encore à être imités par d’autres Etats du Canada ou d'ailleurs. Nous serions aujourd’hui au premier plan d’une construction mondiale, et le Fédéral, loin de dicter sa loi, serait un outil à notre portée parmi tant d’autres.
Si on regarde de près, il n’y a plus personne au Québec d'assez vieux pour se souvenir d’un moment où on ne s’est pas fait dire que l’on était dans une nouvelle ère. Le discours d’aujourd’hui n’a pas eu à attendre le iPhone, la télé 3D, le traducteur informatisé sur Google, pour remplir les oreilles des générations. Et on n'a pas eu à attendre les mp3 pour se faire dire que l’on a rien à ajouter à ce qui a déjà été dit.
Toujours, toujours, mais toujours, on se raconte que le problème est déplacé, disparu, supplanté par un autre plus grave. Essentiellement, le Québec se raconte qu’il n’est plus dans une position de demandeurs ou qu’il n’a plus à l’être, l’évolution interne du Canada le dispensant de forcer des concessions. Un contexte plus large ferait pression sur nous, poursuivent les baratineurs, une appartenance planétaire qui se rit des frontières et qui nous pliera à des conditions toutes nouvelles de nature écologique, économique, symbiotique, alouette. Suffit de couler au fil de l'eau.
Ceci n’est absolument pas nouveau. Tout ce discours sur le dépassement est en cheville avec une situation sclérosée où le Québec est soumis à de basses combines intérieures. Ce fameux “dépassement” est un écran de fumée engendré par les conditions internes de notre existence nationale. Ce n’est qu’une excuse pour regarder ailleurs, la place de l’illusion pour une nation qui se refuse honteusement à faire la loi chez elle.
Plusieurs croient en effet que l’évolution du globe terrestre entraîne le Canada dans son sillage et que s’il y avait des doléances naguère, un Canada nouveau a émergé, émerge ou est en voie d’émerger sur des nouvelles bases. Rien ne justifie cette prétention puisqu’il n’y a pas de force évolutive qui fait qu’un système politique se transcende lui-même. Il faut toujours se demander ce qui s’exerce au juste, la politique de qui, la politique de quoi?
Des mesures politiques provisoires comme le sont les ententes entre provinces sont perçues comme des progrès spontanés du système canadien. Il rendrait caduque la notion même que le Québec puisse vivre une aliénation au sein du Canada. Le rapport de force, quelque vieux dualisme, qui a eu lieu au Canada, aurait été remplacé par d’autres lignes, d’autres groupes. Et si ce n’est pas encore fait, eh bien, c’est en voie de se faire.
On n'aurait qu’à voir, de toutes les lignes de confrontation, laquelle se cristallisera. Le conflit futuriste n'aura pas le Québec pour enjeu. Son problème est réglé et il sait qu'il est une province en réalité. Pour le Québec, s’il a désormais à envoyer des émissaires devant lui, c’est pour négocier des ententes qui ne résulteraient que du stade évolutif avancé du système.
Qui dit folklorisation dit caducité d’une cause ou d’un rituel. Les problèmes évoqués par les indépendantistes québécois seront-ils éventuellement frappés de désuétude? Certainement! Les problèmes finissent par se résoudre d’eux-mêmes. Qui est enterré est, d’une certaine façon, guéri. À cet égard, ouais, les fédéralistes ont raison de croire qu’en donnant plus de temps au régime canadien, il finira par arranger le Québec.
André Savard


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    10 août 2010

    J’appartiens à l’espèce humaine. Un fait indiscutable que tout extraterrestre verrait au premier coup d’œil. On peut bien parler de mondialisation, de globalisation ou de toute autre forme d’expression pour justifier l’abolition des frontières, le libre circulation de ceci ou de cela, mais il n’en reste pas moins que pour moi, il s’agit d’une vision de l’esprit que même ceux qui prêchent cette globalisation ne respectent pas au quotidien. Il y a des réflexions qui renient notre animalité et laissent croire que nous sommes sur la voie d’un avenir meilleur parce que le nationalisme se meurt progressivement, qu’une gouvernance mondiale sera un jour possible, etc. Bien entendu l’argent fait bouillonner la marmite. J’appartiens à l’espèce humaine, mais je vis sur un territoire donné et je parle le français. J’ai un passé, une culture, une manière de penser. Je rêve même en français, ce qui est pratique pour me comprendre. J’ai des voisins qui le font en anglais, et d’autres dans d’autres langues. Mais, ici, sur mon territoire, la majorité de mes semblables le font comme moi en français. Je suis un universel avec des racines locales. Dans la nature, les animaux délimitent leur territoire, indiquent clairement aux autres que celui-ci est le leur, alors que moi composante de la grande famille humaine, mon véritable territoire serait la planète entière. C’est contre nature. J’appartiens à une nation, la nation québécoise. Et devenir le pays Québec ce n’est pas rêvé, c’est faire preuve de lucidité. Et notre ouverture au monde déjà excellente ne pourra que progresser davantage. Comme une abeille, je gravite autour de ma ruche, ce qui ne m'empêche pas de visiter les environs pour y revenir enrichi.

  • Serge Gingras Répondre

    9 août 2010

    " Qui est enterré est, d’une certaine façon, guéri. À cet égard, ouais, les fédéralistes ont raison de croire qu’en donnant plus de temps au régime canadien, il finira par arranger le Québec. "
    Eh! oui. C'est là le secret. Tout vient à point à qui sait attendre. Le temps joue en faveur de nos ennemis. Appelons les choses par leur nom. Adversaire est un euphémisme de mauvais aloi. Appelons un chat un chat.
    Les carottes ne sont pas encore cuites, pour nous, mais elles sont sur le feu. Un café avec ça?