Établissons une chose : le « Bonjour-Hi » est aussi ridicule que le Monsieur Jourdain de Molière s’extasiant de découvrir qu’il parlait en prose.
Sous la prétention d’ouverture et de sophistication qui le soutient, il y a d’abord une souveraine ignorance de ce qui se passe ailleurs. Jamais, au Mexique ou à Cuba, on ne vous recevra avec un « Holà-Hi ». De même, il faut vraiment prendre les touristes anglophones pour de parfaits imbéciles pour croire qu’ils seront désorientés si on les accueille cordialement avec un beau bonjour. C’est un des mots les plus connus au monde.
Quand on voyage, c’est justement pour se dépayser. Les militants de l’hyperouverture l’ignorent, mais ils se battent essentiellement pour que le Québec devienne banal.
Inapplicable et humiliant
Maintenant qu’on a dit ça, est-ce que ça veut dire que c’est une bonne idée de légiférer pour interdire l’utilisation du « bonjouraille » ?
La réponse, c’est non.
Parce que c’est inapplicable. Une police de la langue peut bien surveiller ce qu’il y a sur les enseignes des magasins, voire sur les menus des restaurants, même quand c’est ridicule. On ne peut toutefois pas se mettre à contrôler ce que deux personnes se disent. Ça, c’est Big Brother qui fait ça.
Comme René Lévesque l’a déjà dit, au moment de l’adoption de la loi 101, il y a quelque chose d’humiliant à devoir légiférer pour protéger sa langue. Contentons-nous de le faire quand c’est utile.
Indifférence
Ce n’est pas d’une loi dont on a besoin. C’est d’une colonne vertébrale. La volonté de maintenir la conversation en français dans notre espace public. Le cran de tourner les talons avant de dépenser dans un commerce qui ne veut pas nous servir dans notre langue.
Camille Laurin a déjà dit qu’un peuple pouvait survivre à tout, sauf à sa propre indifférence. Ce n’est pas une loi qu’il nous faut. C’est la fierté de vouloir durer.